Établir le lien entre le Retour sur Investissement Énergétique et la décomposition microbienne des amendements organiques du sol.
Auteur / Autrice : | Ridge Antoun |
Direction : | Claire Chenu, Tobias Bolscher |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sciences du sol |
Date : | Inscription en doctorat le 01/02/2024 |
Etablissement(s) : | université Paris-Saclay |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Agriculture, alimentation, biologie, environnement, santé (Paris ; 2015-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : ECOSYS Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes |
Référent : AgroParisTech (France ; 2007-....) |
Mots clés
Résumé
Les sols sont des régulateurs clés du cycle mondial du carbone (C). Parce que même de petits changements dans le C du sol ont des effets directs sur le CO2 atmosphérique, et donc sur le climat mondial, il est urgent de maintenir voire d'augmenter le C du sol. L'urgence est prise en compte dans des initiatives politiques telles que l'Initiative 4 pour 1000 : Sols pour la sécurité alimentaire et le climat (lancée lors de la COP21 à Paris en 2015)1, visant à augmenter les stocks de C du sol agricole. Les amendements organiques des sols arables sont considérés comme adaptés pour stocker le C sous terre et contribuer à l'atténuation du changement climatique1. Pour une application intelligente au climat des amendements organiques, il est cependant crucial que nous évaluions avec précision leur stabilité à long terme dans les sols avant l'application. Avec l'évolution des systèmes de récupération de biomasse et l'utilisation d'installations énergétiques, les amendements organiques se sont diversifiés (par exemple, composts, digestats, biocarburants), entraînant une grande variété de qualités d'amendements (c'est-à-dire des propriétés chimiques et énergétiques). Cette diversité de qualité met à l'épreuve notre capacité à évaluer la persistance à long terme du C des amendements dans les sols avant l'application. Les demandes énergétiques microbiennes stimulent la décomposition de la matière organique du sol, car les micro-organismes hétérotrophes tirent de l'énergie pour survivre en métabolisant les molécules organiques, extrayant de l'énergie de la rupture des liaisons chimiques. Pour gagner de l'énergie et métaboliser les molécules, les micro-organismes doivent surmonter une barrière énergétique donnée par l'énergie d'activation de la molécule2. Cet investissement énergétique initial réduit le gain énergétique net des micro-organismes. Les nouvelles approches énergétiques3-7 sont prometteuses pour évaluer la persistance de la matière organique dans le sol. Récemment, une corrélation positive significative entre la décomposition à court terme (c'est-à-dire 24 heures) de la matière organique dissoute et son retour sur investissement énergétique (ROI) a été découverte3. Le ROI énergétique est le rapport entre le contenu énergétique total et l'énergie d'activation de la matière organique, indiquant le gain énergétique net pour les décomposeurs microbiens après un investissement énergétique initial. On ne sait cependant pas si le ROI énergétique régit la persistance de divers types d'amendements organiques avec des complexités chimiques différentes sur des périodes de mois à des décennies et à travers des sols aux propriétés différentes. Objectif Le projet de doctorat vise à évaluer les liens entre le retour sur investissement énergétique (ROI) des amendements organiques et leur persistance à court et à long terme (c'est-à-dire de jours à des années, d'années à des décennies) dans les sols. Ainsi, il contribuera à notre compréhension générale de la persistance de la matière organique dans le sol. Son hypothèse globale est que les micro-organismes du sol décomposent de préférence les amendements organiques avec un ROI énergétique relativement élevé, entraînant une persistance plus longue (c'est-à-dire une faible décomposition) des amendements organiques avec un ROI énergétique relativement bas. Approche de recherche Le projet de doctorat est basé sur des expériences en laboratoire et l'analyse de données provenant d'expériences de terrain à long terme. Partie 1 : Évaluation du retour sur investissement énergétique (ROI) des amendements organiques du sol. Différents types d'amendements organiques seront étudiés : résidus végétaux, composts, digestats, biocarburants et mélanges. Dans une première étape, les ROIs énergétiques de la matière organique hydrosoluble extraite des amendements seront étudiés, car la partie hydrosoluble est considérée pour réguler la décomposition à court terme. Les propriétés énergétiques du matériau extrait seront analysées avec une spectrométrie de masse haute résolution (FT-ICR-MS)3 et une analyse thermogravimétrique couplée à une calorimétrie différentielle à balayage (TGA-DSC)6,7. Dans une deuxième étape, le ROI énergétique de l'ensemble des matières organiques d'amendement sera mesuré à l'aide de TGA-DSC. Les propriétés énergétiques de l'ensemble des amendements organiques sont supposées réguler leur décomposition à long terme dans le sol. Partie 2 : Évaluation des liens entre la décomposition à court terme de la matière organique et le ROI énergétique. La corrélation positive entre le ROI énergétique et la décomposition microbienne a été trouvée dans des incubations courtes du sol avec l'ajout de matière organique hydrosoluble native3. Par conséquent, une approche similaire sera utilisée d'abord (Expérience 1) et des amendements de matière organique entière seront utilisés dans une deuxième expérience. Expérience 1 : La décomposition de la matière organique hydrosoluble sera étudiée avec un microcalorimètre isotherme8 dans trois sols après extraction des amendements. La dissipation de chaleur microbienne sera mesurée sur 24 heures à 20 °C3. L'utilisation de la calorimétrie isotherme offre l'avantage que la décomposition et le ROI énergétique sont mesurés dans les mêmes unités (c'est-à-dire l'énergie ou plutôt le joule). Expérience 2 : Il est prévu que les amendements organiques entiers (c'est-à-dire solides) se décomposent plus lentement que la matière organique hydrosoluble. Trois sols agricoles différents (variant en texture et en pH) seront amendés avec l'ensemble des amendements organiques et incubés pendant un an à 20 °C. La respiration du sol sera mesurée sur la période d'incubation. À trois moments au cours de l'année (c'est-à-dire au stade de décomposition initial, moyen et tardif), la composition des communautés microbiennes du sol et leur efficacité d'utilisation du carbone seront étudiées, car ces facteurs peuvent influencer la décomposition des amendements organiques en plus des propriétés énergétiques. WP3 : Évaluation des liens entre la décomposition à long terme de la matière organique et le ROI énergétique La décomposition à long terme des amendements organiques du sol se produit sur des décennies. Nous utiliserons donc des expériences de terrain à long terme de l'Observatoire français des résidus organiques (SOERE PRO, où les sols reçoivent diverses formes de compost, de digestat, de déchets biologiques et de fumier). Les échantillons actuels et obtenus à partir de trois expériences de terrain à long terme (établies en 1998 et 2000) seront utilisés pour mesurer le ROI énergétique des amendements et de la matière organique du sol. Sur tous les sites, les bilans C, N et P sont surveillés depuis le début, fournissant des informations sur la persistance à long terme des amendements organiques. Ces données nous permettront d'étudier (i) les liens entre la décomposition à long terme de la matière organique et le ROI énergétique, ainsi que (ii) comment l'application d'amendements modifie le ROI énergétique de la matière organique native du sol. Des mesures supplémentaires de l'efficacité d'utilisation du carbone par les micro-organismes et de la composition de la communauté microbienne dans les sols seront effectuées pour tester si ces facteurs déterminent la persistance des amendements organiques en plus de leurs propriétés énergétiques.