Thèse soutenue

Participation et verrouillage technologique dans la transition écologique en agriculture. Le cas de l'Agriculture de Conservation en France et au Brésil.
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Auteur / Autrice : Pauline Landel
Direction : Catherine Laurent
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences sociales
Date : Soutenance le 16/04/2015
Etablissement(s) : Paris, AgroParisTech
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Agriculture, alimentation, biologie, environnement, santé (Paris ; 2015-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Sciences pour l'Action et le Développement : Activités, Produits, Territoires (SADAPT)
Jury : Président / Présidente : Pierre Muller
Examinateurs / Examinatrices : Pierre Muller, Philippe V. Baret, Cécile Blatrix, Nathalie Jas, Chantal Derkenne
Rapporteurs / Rapporteuses : Pierre Muller, Philippe V. Baret

Résumé

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Les modèles techniques agricoles fondés sur l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (pesticides) ont des impacts environnementaux et sanitaires face auxquels les pouvoirs publics affichent la volonté d’une « transition écologique ». Dans ce contexte, on s’interroge de plus en plus sur la notion de verrouillage technologique pour comprendre la persistance de ces modèles et les obstacles au développement d’alternatives techniques moins consommatrices de ces produits (Cowan, Gunby, 1996 ; Vanloqueren, Baret, 2008). Les analyses mettent en avant l’importance des dimensions cognitives pour expliquer les situations de verrouillage (influence des cadres cognitifs et normes pour l’action, dispositifs matériels d’accès aux connaissances techniques – Stassart, Jamar, 2009 ; Labarthe, 2010). Parallèlement, la « participation » est souvent invoquée comme un moyen d’améliorer la mobilisation des connaissances dans les situations de choix technologiques (Barber, 1984 ; Callon et al., 2001…).L’objectif de cette thèse est de mettre à l’épreuve cette conviction sur la participation, à partir de l’étude du cas de l’agriculture de conservation (AC) en France et au Brésil. L’AC est un modèle technologique innovant qui émerge comme « candidat » à l’agriculture durable dans le débat public, en dépit de la dépendance de certaines techniques à l’utilisation d’herbicides.Pour comprendre les effets de la participation sur la capacité des acteurs à accéder aux connaissances et à faire des choix technologiques, la thèse analyse la façon dont l’idée de participation se décline concrètement dans le régime d’accès aux connaissances en agriculture. L’évolution de la politique agricole en France et le passage d’un référentiel « modernisateur » à un « référentiel de marché » (Muller, 2000) a fait l’objet de nombreuses études, mais peu souvent menées depuis le point de vue des connaissances. Or, de profonds changements sont en cours, suite au tournant libéral des années 1990 et à la transformation du rôle de l’Etat vers la mise en œuvre d’une régulation par l’information (Majone, 1996). L’analyse de ces transformations en France révèle que l’Etat ne s’est pas doté des dispositifs institutionnels et matériels adéquats pour assurer cette fonction de régulation dans le domaine de l’agriculture et de l’utilisation des pesticides. Dans ce contexte, la participation est invoquée pour organiser de grandes consultations nationales (Grenelle de l’Environnement) visant à produire du consensus sur des sujets controversés, tandis que les moyens matériels d’accès à des connaissances adéquates pour évaluer et débattre des options technologiques font défaut dans les services de l’Etat et auprès d’autres acteurs du débat public. adéquats La participation est aussi utilisée pour renvoyer l’innovation à des dispositifs locaux « en partenariat » ou « en réseaux » associant public et privé (et notamment les firmes d’amont fournisseuses de produits phytopharmaceutiques, porteuses de conflits d’intérêt), où les moyens mutualisés pour l’accès aux connaissances manquent. L’analyse des réseaux d’action publique impliqués dans le développement de l’AC confirme cette fragmentation croissante des conditions d’accès aux connaissances, entre accumulation des ressources cognitives par les firmes, et inégalités d’accès aux connaissances entre agriculteurs développant des alternatives. Dans ce contexte, la référence à « la participation » ne permet pas de compenser ces changements structurels à l’œuvre, et masque au contraire le retrait de l’Etat d’une politique volontariste en faveur de la réduction de pesticides et la perte d’un certain nombre de ses prérogatives liées aux connaissances. La dimension comparative avec le Brésil permet de confirmer l’existence de tels effets « pervers » en termes de dépolitisation des débats sur les évolutions du régime d’accès aux connaissances.