Thèse en cours

Le don d'engendrement

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Auteur / Autrice : Mathilde Roux
Direction : Solange Becque-ickowicz
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit privé et Sciences Criminelles
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2024
Etablissement(s) : Université de Montpellier (2022-....)
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Droit et science politique
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : LDP - Laboratoire de Droit Privé

Résumé

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L'expression « don d'engendrement » est apparue, il y a près de 15 ans, en sociologie, sous la plume d'Irène THÉRY. Elle désigne le don désintéressé par une personne, de sa « capacité procréative » afin de permettre à d'autres de devenir parents et plus précisément d'« engendrer » un enfant. En effet, l'engendrement ne se réduit pas à la dimension biologique, il revêt également une dimension intentionnelle caractérisée par la volonté de devenir parent. Dès lors, dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation (AMP) exogène, le parent d'intention participe à toutes les dimensions de l'engendrement sauf une : la dimension strictement procréative. Le don d'engendrement est au cœur de l'actualité juridique, en particulier depuis la dernière loi de bioéthique du 2 août 2021 qui a modifié en profondeur l'AMP. Cette loi a d'une part ouvert la PMA, autrefois réservée aux couples hétérosexuels, à de nouveaux bénéficiaires (femmes seules et couples de femmes), changeant ainsi l'objet même de cette pratique qui n'est plus de pallier une infertilité pathologique mais de répondre à un « projet parental » émanant d'un couple ou d'une femme seule. Cette loi a d'autre part consacré la levée de l'anonymat du donneur de gamètes, au nom du droit de l'enfant de connaître ses origines personnelles, permettant ainsi à tout enfant issu d'un don d'accéder, à sa majorité, à l'identité de son donneur. Par ces deux modifications, le législateur de 2021 a bouleversé la portée du don d'engendrement en permettant l'identification du donneur qui était jusque-là dissimulé par crainte de la concurrence qu'il pourrait représenter pour les parents. Si ce bouleversement procède principalement de la levée de l'anonymat, il procède également, en amont, de la levée, même très partielle, du secret sur le mode de conception de l'enfant. En effet, pour que l'enfant puisse entreprendre les démarches aux fins de connaître l'identité de son donneur, il faut au préalable qu'il sache qu'il est né d'un don. Or, jusqu'en 2021, les parents pouvaient systématiquement s'abstenir d'informer l'enfant des circonstances de sa conception. En élargissant le champ des bénéficiaires de l'AMP, le législateur a rompu partiellement avec la logique antérieure du secret sur le mode de conception de l'enfant, car ce secret est plus difficile à garder dans le cadre des PMA réalisées au bénéfice de femmes seules et radicalement impossible dans le cadre des PMA réalisées au bénéfice de couples de femmes. Le donneur, jusqu'alors dissimulé derrière son don, apparaît désormais non plus comme un concurrent mais comme un complément des parents dans le processus de procréation. Le don d'engendrement doit donc être envisagé en droit à la lumière de ce nouveau contexte qui renouvelle considérablement l'intérêt d'une recherche juridique sur ce sujet. En effet, si le législateur a rendu possible l'identification du donneur il ne lui a en revanche pas octroyé de statut juridique puisque la levée de l'anonymat, n'ayant été pensée que du point de vue de l'enfant qui dispose d'un droit discrétionnaire et unilatéral d'accès à l'identité de son donneur, n'entraîne pour le donneur aucune conséquence, du moins aucune conséquence juridique. Or, la question du statut du donneur qui était sans objet avant la levée de l'anonymat, se pose désormais car il est probable que les enfants ne se contenteront pas d'accéder à son identité mais chercheront à entrer en contact avec lui. Il pourrait alors être nécessaire à l'avenir d'encadrer juridiquement la relation donneur/enfant en créant un statut juridique sui generis, détaché de la filiation, qui rende compte du lien qui unit le donneur et l'enfant. Mais la création d'un tel statut est de nature à affecter le caractère désintéressé du don d'engendrement, ce qui ne serait pas sans conséquence sur la qualification juridique de ce don qui, en toute hypothèse, paraît pour l'instant, relativement indéterminée.