La culture alimentaire de la volaille dans l'Europe du Nord-Ouest entre le Moyen-Age et l'époque Moderne
Auteur / Autrice : | Virginie Hulet |
Direction : | Bruno Laurioux |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Histoire |
Date : | Inscription en doctorat le 19/10/2021 |
Etablissement(s) : | Tours |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Humanités et Langues (Centre-Val de Loire ; 2018-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'études supérieures de la Renaissance (Tours ; 1956-....) |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
De nos jours la volaille est la première viande consommée au monde et en France avec 1600 tonnes de poulet consommées annuellement. Cela représente plus d'un quart des achats de viande dans l'hexagone et cette quantité ne cesse d'augmenter ces dernières années. La production de viande de volaille est également un maillon essentiel de l'économie du pays, tout comme un fort symbolisme demeure attaché au coq gaulois qui reste l'emblème national encore aujourd'hui. En revanche, on ignore ce qu'il en était au Moyen-Age, à la Renaissance et au début de l'époque moderne. En effet, de nos jours, rares sont les ouvrages traitants spécifiquement de la volaille à ces périodes. Or on ne peut que constater que les volailles sont de plus en plus mises en avant dans la notion de terroir (Appellation d'Origine Contrôlée, Appellation d'Origine Protégée, Indication Géographique Protégée, Spécialité Traditionnelle Garantie, labels de qualité : label rouge, agriculture raisonnée, agriculture biologique, Certificat de Conformité, ), mais, qu'en revanche, nous n'avons que peu d'éléments concernant sur leurs histoires. Les rares informations sur les races concernées ne sont d'ailleurs pas toujours appuyées de données scientifiques sérieuses et semblent parfois relever du simple mythe érigé en vérité historique. Au sein de notre approche, les volailles seront donc étudiées en tant qu'objet global : dans la cuisine mais aussi dans la pharmacopée, dans l'économie et dans le monde rural. Afin d'identifier les marqueurs d'éventuels changements dans la société et l'environnement au court de cette période, nous utiliseront des sources multiples, croisées et souvent inédites. L'étude sera menée en utilisant les moyens et méthodologies novateurs des humanités numériques (philologie, codicologie et bibliographie matérielle, lexicographie) mis à la disposition du projet de thèse par la base de donnée du programme PCRI de l'ANR CoReMA (Corpus des recettes culinaires du Moyen Âge: Recensement, Analyse, Visualisation, 2018-2021) et en lien avec le projet VOLAILLES qui est un consortium pluridisciplinaire réfléchissant aux opportunités qui se présentent pour les productions de volailles de qualité en Région Centre-Val de Loire, projet porté par le CETU ETIcS (Centre d'Expertise et de Transfert de l'Université Expertises, Transfert, Ingénierie et Connaissances Sociales) et l'ITAVI (Institut Technique de l'Aviculture). Comprendre l'évolution des techniques d'élevages et des modes de consommations, appréhender la diversité des espèces ainsi que les changements ayant mené à l'élimination de nos assiettes de certains grands gibiers à plumes (paon, faisans) remplacés peu à peu par d'autres volatiles (dindes, pintade) seront des objectifs de ce projet de thèse qui se concentrera sur la France, l'Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Permettant ainsi des comparaisons inter-régionales. Cela devrait également nous permettre de comprendre le rôle de la volaille dans la croissance de l'économie rurale et urbaine, mais aussi dans l'émergence de la nouvelle cuisine qui se différencie de la cuisine médiévale. Une transition dans le modèle avicole semble avoir eu lieu durant la période allant du Moyen-Age au Temps Modernes. Comprendre les choix posés dans le passé serait une piste pour mieux appréhender et mettre en perspective les choix stratégiques auxquelles est confrontée la filière avicole de nos jours. En effet, le changement d'échelle qui semble s'être passée entre les Temps Modernes et l'époque médiévale est de plus en plus remis en cause et un retour vers les normes moins industrielles semble au cur de l'émergence de nouvelle AOC privilégiant le goût et la qualité aux performances des quatre races utilisées dans l'industrie du XXIe siècle. Ainsi ce n'est pas un hasard si des races anciennes retrouvent les chemins de l'assiette du grand public par ce biais : poulet de Bresse AOC, Coucou de Rennes, Noire du Berry et bien d'autres. Que peut nous apprendre le passé sur l'émergence de certaines des races que nous connaissons aujourd'hui et sur la façon dont elles étaient élevées ? Il s'agira de comprendre les mutations survenues dans notre culture alimentaire autour des gallinacés au travers des ouvrages culinaires abondant pour cette époque en ancien anglais, ancien néerlandais et ancien français. Tout en étudiant les traités agronomiques, livres d'économies de la campagne (Maison Rustique) ainsi que les ouvrages de santés. Sans négliger les sources comptables pour autant. En effet, ces dernières sont souvent citées mais très peu étudiées dans le cadre d'une approche comme la nôtre. Or outre les comptabilités princières bien connues on ne saurait laisser de côté les prélèvements seigneuriaux, les comptabilités privées, les réquisitions et pillages militaires de volailles... qui s'avèrent une mine précieuse de détails rarement mentionnés dans d'autres sources. Un recours à l'iconographie où les poules et poulaillers sont fréquents permettrait de compléter cette étude, dont les hypothèses pourront être infirmées ou confirmées par la littérature émanant de l'archéozoologie et les nouvelles données du GDR 3644 Bioarcheodat coordonnée par J.-H. Yvinec (Inrap, UMR 7209 AASPE). Grace aux travaux archéologique de B. Clavel et J.-H. Yvinec, nous savons que les volatiles étaient largement consommés à cette période. Si les recherches de Danièle Alexandre-Bidon, Perrine Mane et Mickaël Wilmart ont éclairé certains aspects de l'histoire culturelle et de l'élevage des poules, le reste des gallinacés n'a pas fait l'objet de telle études pas plus que l'aspect culinaire de la question. Une approche globale du sujet sur une longue période serait tout à fait novatrice et permettrait de combler cette lacune historiographique mise en avant en 2015 par la journée d'étude de l'EHESS. Cette thématique, trop souvent sous-estimée, semble n'occuper qu'une place secondaire dans les ouvrages de références sur la consommation de la viande (Pour une histoire de la viande de M.-P. Horard-Herbin et B. Laurioux), tout comme dans les ouvrages sur la filières agricoles (Une Histoire des agricultures, C. Ferault et D. Le Chatelier, ou encore Histoire de la France rurale de M. Agulhon, G.l Désert, Specklin, G. Duby). Comme le souligne M. Navarre, nous supposons l'ampleur de l'économie volaillère qui se met en place dès le Moyen Âge aux vues de la consumation de plus de 6000 ufs ou 2000 volailles dans certains récits de banquets de la noblesse. Tout comme il semble logique de conclure à son possible rôle de substitut à la viande rouge durant les crises alimentaires mais aucune étude n'a été faite, à ce jour, sur cet élément évident de l'activité paysanne et sur sa place relative dans les consommations alimentaires que ce soit au Moyen-Age ou à l'Epoque Moderne. Les publications de rapports de fouilles attireront également notre attention pour avoir des données d'archéozoologie pouvant affirmer ou infirmer ce que nous apprennent les sources écrites émanant du XIVe au XVIIe et les hypothèses posées.