Thèse en cours

Les sens de la mode

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Auteur / Autrice : Benjamin Simmenauer
Direction : Roger Pouivet
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Philosophie
Date : Inscription en doctorat le 28/10/2019
Etablissement(s) : Université de Lorraine
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale SLTC - Sociétés, Langages, Temps, Connaissances (Nancy ; 2013-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : AHP-PReST - Archives Henri Poincaré - Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies

Mots clés

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Résumé

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La mode et le vêtement relèvent prioritairement de disciplines appliquées, et rien ne permet de penser, à première vue, que la philosophie dispose ici d'une quelconque prérogative : les concepts en question semblent en effet tirer de l'expérience toute leur signification et leurs conditions d'application. La mode, artefact social, et le vêtement, produit matériel, sont soumis aux lois générales de l'interaction sociale et des activités techniques : en toute logique, c'est à ce niveau plus fondamental que la philosophie est attendue, et l'éclairage qu'elle peut apporter sur les phénomènes de mode demeure alors indirect. Dans cette thèse, nous voudrions avancer deux arguments contre cette conclusion défaitiste. Le premier tient à la nature de l'objet considéré : les perspectives sociales et techniques n'offrent qu'une compréhension limitée de la mode, qui est aussi un système symbolique, au sens de Nelson Goodman, c'est-à-dire un ensemble d'entités qui tiennent lieu d'autres entités, qui y font référence. A ce titre, la mode constitue légitimement un domaine d'application de la philosophie comme analyse des symboles et examen de leurs modalités propres de signification. Le second argument tient dans les rôles respectifs de la philosophie et des sciences sociales : la première n'a pas vocation à expliquer directement les comportements humains, mais à examiner grâce à une analyse conceptuelle rigoureuse, les hypothèses sous-jacentes aux explications de la sociologie, de l'anthropologie ou de l'histoire. En l'absence d'une veille critique de ce type, il peut être difficile de comparer les théories concurrentes et de déterminer lesquelles offrent les explications les plus efficaces. Pour ces raisons, nous souhaitons examiner plus particulièrement trois problèmes qui peuvent donner lieu à un traitement philosophique « formel ». Les vêtements semblent constituer un langage : s'habiller, c'est communiquer une information à propos de soi, et il est communément entendu qu'une tenue signifie quelque chose de l'identité de son porteur. Mais quelles sont les règles de ce langage ? Par quels moyens les vêtements peuvent-ils signifier quelque chose ? Quels sont les types de propriétés sémantiques inhérents aux vêtements, par lesquels il est possible d'inférer un contenu représentationnel ? Un premier axe de ce travail sera consacré à la construction d'une sémantique formelle à la Montague pour les vêtements et la mode, sur le modèle de recherches récentes, qui ont proposé le même type de formalisme pour analyser la signification musicale ou picturale. La mode est aussi considérée comme un art (appliqué, ou décoratif) : vêtements et tenues ne font pas que pointer des traits caractéristiques de qui les porte, ils peuvent aussi, dans certains cas, exprimer le style d'un créateur ou designer. Comment ces deux régimes de sens s'articulent-ils ? Les vêtements de créateurs (ou vêtements de mode) possèdent-ils des propriétés sémantiques spéciales ? La nature des contenus inférés est-elle ou non différente dans le cas des vêtements de créateur ? Un second axe sera consacré à l'articulation des aspects sémantiques et esthétiques de la mode, dans la tradition des travaux de Nelson Goodman sur les propriétés caractéristiques des œuvres d'art et leur fonctionnement comme entités symboliques. La mode et ses cycles ont été analysés par la sociologie comme un double mécanisme en vertu duquel l'individu se réclame du groupe autant qu'il s'en distingue : on s'habille pour revendiquer son appartenance à une communauté autant que pour signaler sa différence particulière. Les modes s'enchaînent en vertu d'interactions sociales conflictuelles où le snobisme (le fait de s'habiller « contre » un groupe) commande l'innovation vestimentaire. Mais l'explication du phénomène ne s'en trouve que peu éclairée : qu'est-ce qui fait que l'on converge successivement sur un style plutôt qu'un autre ? Est-ce purement conventionnel ? Sur quel système d'agrégation de préférences individuelles s'établit le succès d'une mode ? Dans cette dernière partie, nous essaierons de définir avec précision les hypothèses anthropologiques et psychologiques les plus plausibles pour expliquer les comportements de mode à l'échelle individuelle, et nous essaierons de décrire les interactions susceptibles d'expliquer les mouvements de mode à l'échelle collective : à cette fin, nous nous appuierons sur les recherches commencées par David Lewis dans Convention, et sur des modèles mathématiques contemporains de simulation multi-agents.