Caractérisation clinico-pathologique, moléculaire et biologique de l'hétérogénéité tumorale et stromale du carcinome mammaire infiltrant de type lobulaire
Auteur / Autrice : | Lounes Djerroudi |
Direction : | Anne Vincent-Salomon, Fatima Mechta-Grigoriou |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Biologie moléculaire et cellulaire |
Date : | Soutenance le 15/12/2023 |
Etablissement(s) : | Université Paris sciences et lettres |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Structure et dynamique des systèmes vivants (Gif-sur-Yvette, Essonne ; 2015-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Génétique et biologie du développement (Paris ; 2009-....) |
établissement opérateur d'inscription : Institut Curie (Paris ; 1978-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Catherine Muller |
Examinateurs / Examinatrices : Anne Vincent-Salomon, Fatima Mechta-Grigoriou, Corinne Bousquet, Christine Desmedt, Frédérique Penault-Llorca | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Catherine Muller, Corinne Bousquet |
Résumé
Le carcinome lobulaire infiltrant (CLI) est le deuxième type le plus fréquent de cancer du sein, représentant approximativement 8000 cas par an en France. Il est caractérisé par des cellules tumorales dyscohesives, en lien avec une inactivation de la E-cadhérine (molécule d’adhésion intercellulaire codée par le gène CDH1). Les CLI présentent des caractéristiques clinico-pathologiques distinctes de celles des carcinomes infiltrants de type non spécifique (CI-TNS) (type le plus fréquent de cancer du sein), notamment des amplifications plus rares d’HER2 (<5%), ainsi que des caractéristiques stromales spécifiques (faible réaction stromale, lymphocytes infiltrant la tumeur (TILs) associés à un mauvais pronostique). Les enjeux médico-scientifiques actuels pour ce cancer sont (1) l’amélioration de la reproductibilité du diagnostic, restant suboptimale en raison de l’hétérogénéité des méthodes diagnostiques et de la maladie lobulaire elle-même, et (2) la découverte de stratégies thérapeutiques ciblant spécifiquement certaines particularités histo-biologiques des CLI ; ces deux objectifs nécessitant d’avoir (3) une meilleure compréhension de l’hétérogénéité tumorale des CLI, incluant celle du micro-environnement tumoral (MET). Dans ce contexte, nous avons réalisé une première étude de corrélation clinico-histomoléculaire des mutations de la E-cadhérine (visant à affiner les critères diagnostiques des CLI), une seconde étude centrée sur les CLI avec faible expression d’HER2, dits « HER2-low » (pouvant représenter une opportunité thérapeutique), et enfin, une étude de caractérisation du MET des CLI. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur une série rétrospective de 251 patientes de l’institut curie, opérées pour un CLI entre 2005 et 2008. Un profilage mutationnel a été réalisé à partir d'un séquençage RNAseq. Des TMA ont été constitués pour 158 CLI et 77 CI-TNS ER+ de notre institut, pour réaliser des immunohistochimies comparatives de marqueurs de CAF et de cellules immunes. Pour étudier le MET avec une haute résolution, six CLI classiques ont été analysés par scRNAseq. Un atlas single cell composé de CLI et de CI-TNS venant de données publiques a également été constitué et utilisé pour déconvoluer de larges séries rétrospectives de CLI et de CI-TNS avec données RNAseq (TCGA). Concernant la corrélation histomoléculaire des mutations de la E-cadhérine, nous retrouvions une association entre les mutations non tronquantes et une expression diffuse de la E-cadhérine, ainsi qu’un mauvais pronostic (survenue de métastase et mortalité spécifique) associé aux mutations tronquantes en analyse multivarié. Concernant HER2, les CLI étaient moins fréquemment HER2-low que les CI-TNS (40.6% vs 46.3%) et cette catégorie était exclusivement associée à la présence de (rares) mutations ERBB3. Sur le plan du MET des CLI, nous avons mis en évidence que (1) le contenu en CAF des CLI était hétérogène, dépendant de certaines caractéristiques histopathologiques des tumeurs, (2) les CLI avaient plus de CAF inflammatoires et moins de CAF myofibroblastiques que les CI-TNS ER+, en lien avec (3) l'altération d'un mécanisme précédemment non décrit impliquant la E-cadhérine dans la plasticité des CAF, (4) le contenu en CAF dans les CLI impactait le mode d’organisation spatiale des TILs, lui-même impactant le pronostic, et enfin, (5) l'absence de bon pronostic associé aux TILs dans les CLI pourrait être partiellement lié à un mécanisme d’échappement immunitaire induit par l'inactivation de la E-cadhérine. En conclusion, l’inactivation de la E-cadhérine façonne les spécificités du MET des CLI, ainsi que certaines caractéristiques des cellules tumorales telle que la biologie d’HER2. La caractérisation précise du statut mutationnel de CDH1 peut par ailleurs rendre compte d’une partie de l’hétérogénéité clinique et histo-phénotypique des CLI. Nos résultats pourraient contribuer, in fine, à améliorer l’efficacité diagnostique ainsi que le ciblage thérapeutique des CLI.