Thèse soutenue

Réception et globalisation des peintures du Mithila : médiations dans un champ culturel transnational

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Hélène Fleury
Direction : Brigitte Gauthier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 16/12/2024
Etablissement(s) : université Paris-Saclay
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales et humanités (Versailles ; 2020-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Synergies langues arts et musique (Évry)
Référent : Université d'Évry-Val-d'Essonne (1991-....)
graduate school : Université Paris-Saclay. Graduate School Humanités-Sciences du patrimoine (2020-….)
Jury : Président / Présidente : Réjane Hamus-Vallée
Examinateurs / Examinatrices : Raphaël Rousseleau, Magnus Gaul, Soraya Nour Sckell, Jacques Pothier, Tiziana Leucci
Rapporteurs / Rapporteuses : Raphaël Rousseleau, Magnus Gaul

Résumé

FR  |  
EN

L'art du Mithila désigne des formes rituelles et artistiques pratiquées au Bihar (Inde) et au Teraï (Népal). Issue de fresques réalisées par les femmes, aux marges de valeurs brahmaniques androcentrées, l'artification marchande globalisée des peintures conduit à des reconfigurations créatives, discursives, sociales, déplaçant vers le centre les peintres du Mithila.Le montage de plus de 500 expositions dans 36 pays (1935-2019) montre une accélération des circulations des œuvres artifiées et de leurs créatrices du Sud global, jouissant de formes de reconnaissance dans un monde de l'art dominant dont elles sont souvent exclues, en raison de subalternisations multiples (genre, caste, classe, clivages Nord/Sud et urbain/rural). L'histoire connectée de la réception transnationale de leur art s'étend du moment colonial tardif et de la postindépendance au moment postmoderne, en lien avec le tournant global, catalysé par le kairos indophile et contreculturel des Long Global Sixties. Une pensée critique prônant l'empowerment, basée sur le lien entre féminismes et indophilie contreculturelle favorise l'engagement sur le terrain de l'artification de médiateurs transculturels.Le moment colonial tardif et de la postindépendance est représenté par M. et W. Archer et des artistes-médiateurs gouvernementaux indiens comme U. Maharathi, fondateur de l'institut de design de Patna. Les Archer interprètent des pratiques à l'aune d'une vision organique de l'art et d'une esthétique universelle liées au freudisme et aux avant-gardes. Leader indépendantiste, Maharathi expose et commercialise l'art du Mithila. Ses ambitions de patrimonialisation résonnent avec l'affirmation d'une indianité liée à la construction de l'identité nationale. L'artification marchande se construit vers les années 1930, avant qu'une crise agricole, alimentaire et politique (1966-67) n'agisse comme catalyseur des circulations globales et de la légitimation des peintres. Avec l'entrée dans la première phase de mondialisation de la réception, celle de l'indophilie contreculturelle, des médiateurs transculturels (Y. Véquaud, E. Moser Schmitt, R. et N. Owens, T. Hasegawa) se situent dans un champ culturel transnational postbourdieusien traversé par des tensions, des convergences idéelles (féminisme, justice sociale) et des dissonances: bohème artistique et littéraire vs anthropologie appliquée au développement; intensification des flux marchands globaux vs idéalisme critique contreculturel et utopie communautaire villageoise. L'éphémère convergence de passeurs de (contre)culture et de médiateurs indiens autour d'un modèle alternatif fait advenir un kairos et un monde de l'art transculturel, décloisonné. Ce nexus entre médiateurs construit des figures féministes de peintres autour d'un art des marges et de la résistance créative. Le moment postmoderne de la globalisation tardive introduit pluralité discursive et déconstruction de visions du Nord-global réifiées, androcentrées et primitivistes et de la triangulation féminisme libéral-développement-tourisme. Les peintures sont réinterprétées à l'aune d'une « contemporanéité multiple » axée sur le flux ou d'identités imbriquées translocales, subversives au prisme des tournants postcolonial et de genre.Le kairos contreculturel est unique dans l'histoire de la réception de l'art maïthil, dont l'éphémère convergence des artificateurs est souvent occultée. Il ouvre la voie aux circulations globales, à la construction d'un champ transnational, à la déconstruction de la valeur d'«authenticité». L'art des femmes peintres entre sur la scène contemporaine globalisée, réapprécié à l'aune de canons transnationaux. En résultent transferts et hybridations entre contreculture et féminismes, en Inde et dans le Nord global. S'y forge une pépinière artistique et un catalyseur du mouvement des femmes, ouverts au féminisme inclusif et à une effervescence créative, leviers d'un changement de paradigme dans les renouvellements des artistes du Mithila.