Thèse soutenue

Les processus d'implicitation et de tacitation : contribution à l'étude des sémioses dans l'enseignement scientifique

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Auteur / Autrice : Jean-Philippe Maitre
Direction : Jacques BailléChristian Dépret
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'éducation
Date : Soutenance le 13/12/2012
Etablissement(s) : Grenoble
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Laboratoire de recherche sur les apprentissages en contexte (Grenoble, Isère, France)
Jury : Président / Présidente : Marc Weisser
Examinateurs / Examinatrices : Jacques Baillé, Christian Dépret
Rapporteur / Rapporteuse : Marc Weisser, François Conne

Résumé

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L'enseignement de notions nouvelles appelle l'usage de signes nouveaux pour les élèves, de signes dont l'enseignant sait la signification inconnue des élèves. Parce que le signe ''ne peut ni faire connaître ni reconnaître [son] objet'' (Peirce, 2.231), l'enseignant doit, pour instruire les enfants, ''leur parler de ce qu'ils ne connaissent pas encore mais avec des mots qu'ils connaissent et comprennent'' (Condorcet, 1791-1792/1989, p.278). Cohabitent alors, dans le discours de l'enseignant, des signes aux significations inconnues, et d'autres aux significations connues. Ces derniers doivent permettre la compréhension des premiers. Nous faisons comme première hypothèse que, en tant que signe, un terme (nom, groupe nominal ou verbe) dont l'enseignant présuppose la signification non-connue des élèves est utilisé en association avec d'autres termes dont la signification est présupposée connue. D'une part, la production d'un signe est un processus – une sémiose (Peirce, 1978 ; Morris, 1938). D'autre part, l'enseignant, relativement au terme inconnu, attend de l'élève la construction d'un concept – des connaissances agies (Piaget 1970 ; Vergnaud, 1990) – qui est un signifié nécessairement implicite au discours. Alors, nous parlons du processus d'implicitation. A l'inverse, nous posons comme seconde hypothèse que, pour l'efficacité de la communication, un terme dont l'enseignant présuppose la signification connue des élèves est produit sans autres termes pour aider à sa compréhension. Dans ce cas, toute part du signifié est tue ; nous parlons du processus de tacitation. Défendre ces deux hypothèses, c'est défendre que l'étude du discours de l'enseignant, restreinte à une étude de la mise en coprésence (ou non) de termes entre eux, permet la saisie d'une part des présuppositions de l'enseignant quant aux connaissances des élèves. C'est la thèse que nous soutenons. La réduction alors opérée des phénomènes langagiers est franche, notamment sur leurs aspects syntaxiques et pragmatiques. Il ne s'agit pas de négliger l'existence de ces aspects, mais de tester l'heuristique, pour l'enseignement, d'un principe fondamental associationiste du langage. A l'aide d'apports philosophiques (quand il s'agit de l'étude du signe et de la sémiose), épistémologiques et didactiques (quand il s'agit d'ancrer notre réflexion dans une théorie de la connaissance et des apprentissages) et linguistiques (quand il s'agit de justifier l'appel aux termes implicite et tacite), nous défendons d'abord théoriquement cette réduction (partie I, chap. I et II). A partir d'études de cas issues d'enseignements de mathématiques, nous construisons ensuite une méthodologie couplant l'observation d'enseignants – pour l'accès aux termes qu'ils utilisent – et des entretiens d'auto-confrontation – pour l'accès (indirect) à leurs présuppositions. Dans notre groupe de sujets (composés d'enseignants de mathématiques, sciences physiques et biotechnologies), lors de l'étude de 259 occurrences de termes, nous parvenons à prédire 80% des présuppositions des enseignants (partie I, chap. III). Forts de ce résultat donnant à l'implicitation et la tacitation un crédit empirique, nous proposons alors d'en repérer les instances dans l'intégralité de 10 séances d'enseignement de sciences physiques sur la quantité de matière. Nous montrons que l'étude de la répartition dans le temps des deux types de processus permet le repérage de moments d'enseignement distincts quant à 1. la gestion de l'hétérogénéité de la classe par l'enseignant et 2. la dépendance de la compréhension du discours par les élèves à leurs connaissances préalables (partie II, chap. IV et V). Les processus d'implicitation et de tacitation, par les éclairages nouveaux qu'ils apportent, peuvent participer aux débats qui portent sur les interactions verbales de la salle de classe.