Nature et action chez Kant
Auteur / Autrice : | Francisco Lima |
Direction : | Monique Castillo |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Philosophie |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2006 |
Etablissement(s) : | Paris Est |
Ecole(s) doctorale(s) : | CS - Cultures et Sociétés |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : LIS - Lettres Idées Savoir |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Dans luvre précritique, Kant est encore loin de sa pensée définitive et la philosophie de laction est imprégnée du rationalisme scholastique de Leibniz. Lautonomie nest pas encore le fondement de laction humaine, ni lantagonisme entre la causalité de la nature et la liberté de la volonté est la source conceptuelle de la philosophie de laction kantienne. La philosophie précritique est influenceé par la métaphysique leibnizienne et définit ontologiquement la nature sous le point de vue du principe de raison suffisante. Les écrits précritiques sont formulés dans le contexte de la recherche metaphysique qui traite de la communauté universelle de tout ce qui existe et la notion de nature qui sen dégage est celle de la coexistence des substances qui existent en tant que telles. Lanalyse de la nature appartienne au plan métaphysique de lexplication de la totalité des substances et les problèmes concernant laction humaine en appartiennent aussi. La démonstration de la connexion nécessaire de tout ce qui existe ou, dune certaine manière, la démonstration de lexistance de Dieu est le pivot central de la philosophie de laction précritique : la communauté universelle des substances est le domaine où laction humaine peut arriver et par conséquent trouver son intelligibilité. En 1755, à loccasion de lhabilitation qui lui permet de devenir Privat-docent à luniversité de Königsberg, Kant écrit lopuscule Nouvelle explication des premiers principes de la connaissance métaphysique (Nova dilucidatio). Dans ce texte se trouve les traits les plus importants de la philosophie de laction précritique. Laction humaine est analysée à partir de l(in)compatibilité de la raison suffisante avec la contingence de lacte libre. Cette approche permet de caractériser laction humaine à travers les questions suivantes : laction humaine est déterminée par des raisons qui existeraient avant elle ? Les actions produites par la liberté humaine sont-elle des choses existantes déterminées par leur existence même ? À cette époque, les écrits de Kant sont issus dune réflexion sur des doctrines antérieures, dune pensée sur des pensées . En ce qui concerne la Nova dilucidatio, il sagit moins de lexposition dune pensée qui suffit à elle-même que dune pensée qui est construite à partir de la combinaison doutres pensées. Il sagit dun style éclectique de faire de la philosophie que Ferdinand Alquié appelle la pensée sur des pensées. La Nova dilucidatio se caractérise par le dialogue avec diverses doctrines philosophiques de la scène intellectuelle de lAllemagne au XVIII siècle et on ne reconnaît pas encore lindépendance de lauteur de la Critique de la Raison Pure. Il est pourtant difficile de dire que Kant inaugure une doctrine philosophique inédite dès ses premiers écrits. Le projet critique résulte dun changement de posture philosophique par rapport à celle de la «pensée sur des pensées». Selon Monique Castillo, le projet critique naît dun «désenchantement à légard de la philosophie [ ] une insatisfaction qui sapprécie selon des repères externes (le succès des sciences), aussi bien que par des raisons intrinsèques (la philosophie ne dispose daucune méthodologie assurée)» . Les premiers écris de Kant de 1747 à 1762 révèlent déjà un certain «désenchantement», mais encore loin de celui qui provoque la révolution critique. Ferdinand Alquié remarque que dans les premiers écrits, Kant «ne se détache de Leibniz que peu à peu, toujours à propos de problèmes de détail, et dans un dessein, non de critique, mais de conciliation et de mise en place de toutes les vérités » . La philosophie kantienne na jamais été isolée des autres philosophies. Á vrai dire, aucune philosophie nest isolée et toute doctrine philosophique a des idées partagées avec dautres doctrines dont elle se positionne en faveur ou contre. Cependant, ce qui porte la marque unique de la pensée dun philosophe cest la volonté dindépendance et un style particulier. Dans cest sens, il convient de se demander quest-ce qui est spécifiquement kantien dans la philosophie de laction dans le cadre de luvre précritique ? La première partie de cette recherche a pour but didentifier ce qui est spécifiquement kantien dans la philosophie de laction comprise comme «pensée sur des pensées». Pour contribuer à instruire cette question, on se propose danalyser la Nouvelle explication des premiers principes de la connaissance métaphysique et, éventuellement, dautres uvres de la période précritique. Cette analyse permet didentifier quelles sont les sources de la philosophie de laction, savoir comment Kant les articule, et quelles sont les procédures propres à la méthode de la «pensée sur des pensées». La première partie de la thèse est divisée en 5 chapitres. Le premier chapitre Les problèmes métaphysiques de la philosophie de laction démontre que la philosophie de laction dans luvre précritique se présente comme une réponse argumentée aux critiques envers le principe de raison suffisante. Kant a essayé décarter les difficultés relatives au principe de raison suffisante mis en cause par Crusius. Grâce à laspect pratique de la critique adressée par Crusius au principe de raison suffisante rationaliste, Kant est obligé de formuler une philosophie de laction. Puis, dans le deuxième chapitre Les grands principes de la connaissance métaphysique on analyse les démarches pour sauvegarder la philosophie de laction. On se rend compte que cette démarche consiste, avant tout, dans la correction proposée par Kant des grands principes de la connaissance métaphysique établis par Leibniz. Dabord, Kant remplace le principe de raison suffisante par le principe de raison déterminante, ensuite il met au point la différence entre la raison antérieurement déterminante et la raison postérieurement déterminante et, finalement, réfute les thèses soutenues par Crusius en affirmant que lexistence contingente de lagir libre ne peut pas ne pas avoir une raison antérieurement déterminante. Dans le troisième chapitre - L(in)compatibilité entre la liberté et le principe de raison déterminante - on comprend que lapplication correcte de la raison antérieurement déterminante et de la raison postérieurement déterminante dans le domaine de choses existantes est une procédure fondamentale pour la philosophie de laction et on apprend que Crusius prend par erreur lexistence contingente des actions libres par des existences nécessaires. Pour Kant, la liberté humaine ne cesse pas d'exister même lorsque la prescience divine perçoit avec certitude lexistence future des actions libres des hommes. Dans le quatrième chapitre on traite dun thème cher à la philosophie rationaliste : la différence entre la substance de lâme et celle du corps. Kant explique La liaison de lactivité interne de lâme avec le mouvement externe du corps à travers le principe de succession et le principe de coexistence qui peuvent être compris comme la tentative de fusion du mécanisme newtonien avec la téléologie leibnizienne. Ainsi, après avoir démontré que Kant propose la liaison étroite entre lâme et le corps, on analyse une série de notions formulées par la philosophie de laction comprise comme «pensée sur des pensées» : la notion de vie ; la proposition dune nouvelle modalité dharmonie à la suite de la démonstration de limpossibilité de linflux physique et de lharmonie préétablie de Leibniz, les procédures mobilisés pour expliquer le «mystère» de la possibilité de lâme dagir physiquement sur le corps. Le dernier chapitre - Le principe de détermination interne de laction humaine - démontre que les procédures de la «pensée sur des pensées» vise à apporter des améliorations à la philosophie leibnizienne pour faire face aux objections de Crusius. On verra que Crusius soutient que dans toute action libre lhomme se trouve dans un état dindifférence ; tandis que Kant essaye de contrecarrer la liberté dindifférence en démontrant que les actions libres ne peuvent pas être indéterminées parce que les tendances des désir innés inclinent lesprit dans un sens ou dans lautre et sont les causes qui déterminent laction. Cette nouvelle approche de la contingence de laction humaine signifie un point de rupture vis-à-vis la philosophie leibnizienne. Chez Leibniz, la contingence de laction humaine s'explique par le système de lharmonie préétablie avant lexistence, dans le domaine des possibles : ce qui était libre dans le possible demeure libre dans le réel. Chez Kant ce qui permet de comprendre pourquoi la détermination dune action nest pas nécessitante (les désirs enracinés dans lâme humaine) ne se fait voir quau moment où laction seffectue dans le domaine de lexistence. La démonstration de la liberté sexplique donc dans le réel sans faire appel au domaine des possibles engendrés dans lentendement divin. À cette nouveauté, sajoute une autre par rapport à lexplication de la liberté de laction humaine. Les wolffiens pensent quil y a une différence dintensité entre une action établie par lenchaînement de causes hypothétiquement déterminantes et une existence avec nécessité absolue, tandis que Kant pense le contraire. De toute façon, pour Kant il ne sagit plus de savoir jusquà quel degré une chose est nécessaire. Par rapport les actions humaines, il faut déterminer lorigine de la nécessité de laction. Lorigine de la nécessite dune action qui joue de la liberté est tout-à-fait différente de celle dune action physique. Lorigine des principes de détermination des actions physiques sont externes alors que les principes de détermination de nos actions sont internes. Les actes accomplis par la volonté dêtres intelligents sont issus dun principe interne, cest-à-dire dun désir conscient et dun choix dun parti dans la liberté du jugement. Ainsi, bien que nos actions soient déterminées par un lien, sans doute tout à fait indubitable, ces actions-là, restent volontaires parce que les principes de détermination de nos actions sont internes. Lhomme nest pas poussé, malgré lui, à accomplir ses actions.