(Dés)Appropriations : des bases de données pour protéger les savoirs traditionnels autochtones sur les plantes médicinales ? (Pérou et Colombie)

(Mis-) Appropriations : Can the Development of National Databases Protect Indigenous Traditional Knowledge on Medicinal Plants? (Peru and Colombia)

• Auteur / Autrice : Adriana Munoz Sanchez
• Direction : Maurice Cassier, Maria Paula Marçal Grilo Lobato de Faria
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Santé et sciences sociales
• Date : Soutenance le 02/02/2022
• Etablissement(s) : Paris, EHESS
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
• Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Universidade Nova de Lisboa. Escola nacional de saúde pública
• Jury : Président / Présidente : Irène Bellier
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Irène Bellier, Jean Foyer, Mina Kleiche, Luc Berlivet, Valérie Boisvert, Jean-Paul Gaudillière
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Jean Foyer, Mina Kleiche

Mots clés

Mots clés contrôlés

Convention sur la diversité biologique

Ethnomédecine

Pérou

Plantes médicinales

Biopiraterie

Bolivie

Bases de données

Propriété intellectuelle

Mots clés libres

Base de données

Savoirs traditionnels autochtones

Propriété intellectuelle

Biopiraterie

Pérou

Colombie

Databases

Indigenous traditional knowledge

Intellectual property rights

Biopiracy

Peru

Colombia

Résumé

Dans le champ des droits de la propriété intellectuelle les bases de données apparaissent comme un outil privilégié pour offrir une protection aux savoirs traditionnels sur les plantes médicinales. Le défi, conformément à la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) de 1992 qui détermine de nouveaux régimes d’appropriation des ressources (biologiques et génétiques) et des savoirs traditionnels, consiste à développer une protection des savoirs publics (considérés en libre accès), et secrets, tout en accordant une participation aux communautés autochtones, alignée avec les droits qui leur ont été reconnus. Cette thèse interroge les fondations, présupposés et conséquences de la mise en œuvre de cet outil juridique à travers une analyse comparative entre le Pérou et la Colombie. Le Pérou a créé, en 2002, une base de données qui prend la forme d’un registre de savoirs dits « collectifs », géré par l’institut de la propriété intellectuelle, tandis que la Colombie, elle, jusqu’en 2016, n’a pas implanté un tel dispositif.Cette recherche associe sociologie de la fabrication et de l'usage des bases de données et analyse du droit. La première partie discute les normes et les catégories juridiques utilisées : domaine public, savoirs secrets, communs, nouveauté, etc. Elle s’attache également à décrire toute l’organisation juridique et politique derrière l’entreprise de protection des savoirs traditionnels aussi bien en Colombie qu’au Pérou. La deuxième partie suit la fabrication du registre péruvien avec l'observation des acteurs qui enregistrent ces savoirs et les multiples médiateurs (scientifiques et politiques) entre fonctionnaires de l'État et communautés autochtones. Enfin, la troisième partie s’attelle à comprendre quelle valorisation permet cette mise en œuvre de la base de données péruvienne et analyse aussi d’autres outils comment les contrats en s’intéressant aux bénéfices que ceux-ci rapportent aux communautés.Cette recherche montre que la base de données péruvienne participe à une politique de nationalisation des savoirs traditionnels, problématique vis-à-vis des droits autochtones. Cet outil devient dès lors indissociable d’une forme de patrimonialisation qui s’oriente vers la promotion commerciale des ressources et des savoirs. Cette (dés)appropriation suppose d'inventer de nouveaux outils et dispositifs juridiques, dont l'emprise et l'efficacité sont finalement pleines d'incertitudes. Cette (dés)appropriation est très politique et montre les rapports de pouvoir entre l’État et les communautés. De ce point de vue, la notion de "nationalisation" tend à réduire la propriété des communautés autochtones sur leurs savoirs. En revanche, l’analyse du cas colombien montre une tendance à accentuer la marge de cette propriété autochtone en associant tout à la fois les ressources, les territoires et les savoirs, ce qui s’avère incompatible avec le dispositif juridique de la base de données tel qu’il est conçu à l’heure actuelle.

In the field of intellectual property rights, the creation of databases appears to be the preferred system of protecting traditional knowledge on medicinal plants from misappropriation. As described in the Convention on Biological Diversity (CBD) of 1992 - which determines new schemas for the appropriation of biological and genetic resources and traditional knowledge - the challenge consists in developing an effective protection of both public knowledge (which is considered open access) and more well-guarded knowledge. This must be done while granting participation in the process to indigenous communities in alignment with their recognised rights. This thesis questions the foundations, presuppositions and consequences of the implementation of the database system through a comparative analysis of Peru and Colombia. In 2002, Peru created a database which takes the form of a register of so-called “collective” indigenous knowledge, managed by the Peruvian Institute of Intellectual Property. As of 2016, Colombia had not implemented such a system.This research combines the sociology of the construction and use of databases with legal analysis. The first part discusses the legal norms and categories used: public domain, secret knowledge, "commons", novelty, etc. It also attempts to describe the legal and political structure developed by Colombia and Peru in order to protect indigenous traditional knowledge. The second part documents the creation of the Peruvian register, detailing the roles played by various stakeholders in the process such as the multiple scientific and political actors who mediate between state officials and indigenous communities. Finally, the third part attempts to evaluate the benefits and pitfalls of the implementation of the Peruvian database, also analysing other mechanisms such as contracts and the benefits they bring to communities.This research shows that the Peruvian database system is based on a policy of nationalisation of traditional knowledge which is problematic regarding indigenous rights. The conception of this database - which is presented as a precious national heritage - is nonetheless oriented towards the commercial promotion and exploitation of resources and knowledge. This (mis-) appropriation presupposes the invention of new legal devices, the influence and effectiveness of which are ultimately uncertain. This (mis-) appropriation is very political in nature and starkly reveals the power relations between the state and indigenous communities. From this point of view, the Peruvian notion of "nationalisation" tends to reduce the ownership of indigenous communities over their knowledge. On the other hand, the analysis of the Colombian situation shows a tendency towards widening the spectrum of indigenous ownership by considering the combined importance and impact of resources, territories and knowledge. This turns out to be incompatible with the legal framework of the international database system as it is currently designed.