Thèse soutenue

Charles Baudelaire chez Walter Benjamin. Lecture allégorique du fétichisme de la marchandise

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Auteur / Autrice : Yoann Loir
Direction : Bruno Pinchard
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 06/11/2020
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de philosophie (Lyon ; Grenoble ; 2007-....)
Partenaire(s) de recherche : établissement opérateur de soutenance : Université Jean Moulin (Lyon ; 1973-....)
Jury : Président / Présidente : Carole Talon-Hugon
Examinateurs / Examinatrices : Carole Talon-Hugon, Bertrand Marchal, Marc Goldschmit, Baldine Saint Girons, Jérôme Thélot
Rapporteurs / Rapporteuses : Carole Talon-Hugon, Bertrand Marchal

Résumé

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Depuis ses traductions de jeunesse jusqu’aux débordements de la liasse du Livre des Passages consacrée au poète à la fin des années 1930, Walter Benjamin a dialogué sans interruption avec l’œuvre de Baudelaire. À partir de ce qu’aura été le Baudelaire, son dernier livre inachevé et fragmentaire (dont les manuscrits, confiés à Georges Bataille, ont été découverts par Giorgio Agamben en 1981), la thèse suit le mouvement de « convergence » des grands motifs de sa philosophie au contact de l’univers clos des Fleurs du mal. L’écriture matérialiste imprégnée de théologie interroge le chiffre du déclin de l’aura ainsi que le recours inactuel à l’allégorie et aux correspondances, conditions de survie du lyrisme dans le contexte historique du capitalisme qui aurait pu signer son arrêt de mort. L’opération critique de sauvetage séjourne dans les ambigüités politiques d’une œuvre qui apparaît à la fois comme symptôme et réponse à la réification. Pour dissiper l’apparence de répétition qui envahit la scène historique du Second Empire, elle indexe sa signature dans l’histoire des révolutions, par le deuil et la mélancolie, et déchiffre dans le Paris héroïque de Baudelaire le terrain d’une vaste conspiration poétique. Présenter pour le XIX° siècle « l’expression de l’économie dans sa culture » revenait pour Benjamin à montrer que la résurgence de l’allégorie et de ses secrets se fonde sur la dévalorisation spécifique du monde des choses par la marchandise. Les « subtilités métaphysiques » et les « lubies théologiques » tombées sous l’œil de Marx sont en effet déjà impliquées par Baudelaire dans l’énigme de la modernité et dans sa pratique du fétichisme qui s’approprie l’aura de la marchandise en la transformant en « objet poétique ». En rapportant l’expérience de la marchandise à l’expérience allégorique, le poète et le critique cultivent les germes d’une écriture chiffrée qui oppose sa puissance d’arrêt au temps infini du passage et des dépassements. La production lyrique trouve sa légitimité dans un monde plongé dans une rigidité cadavérique, devenu « magasin d’images et de signes », où il reste à chercher les bifurcations en mesure d’accomplir les fragments d’utopie qui gisent dans la mémoire. Le recueil des images dialectiques exhumées dans les Fleurs du mal trace ainsi les grands axes d’un poème du Capital qui acte le cours catastrophique de l’histoire sans renoncer à sonder ses suites et ses floraisons inespérées.