Thèse en cours

la perfectibilité des outils juridiques (droit de la concurrence et contrôle des investissements étrangers) à l'aune de la sauvegarde de la souveraineté économique

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Auteur / Autrice : Timothy Voisin
Direction : Claire Crepet-daigremontPascale Martin-bidou
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit public
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2022
Etablissement(s) : Université Paris-Panthéon-Assas
Ecole(s) doctorale(s) : Droit international, droit européen, relations internationales et droit comparé
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche de l'Institut des Hautes Etudes Internationales

Mots clés

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Résumé

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Afin de comprendre le point de frottement du sujet, il est impératif de faire la lumière sur la différence entre protectionnisme et souveraineté économique. Deux notions souvent confondues. D'un côté, la souveraineté économique consiste, pour un État, en la capacité de déterminer sa politique économique de manière indépendante. De l'autre côté, le protectionnisme consiste, pour un État, à protéger son économie nationale de la concurrence étrangère dans un contexte d'économie libre-échangiste (correspondant à une économie ouverte au commerce international, par la suppression des différentes barrières à la circulation des biens et services). La confusion entre ces deux notions provient de leur proximité. La première notion englobe la seconde. Il y a une relation verticale entre elles. Le protectionnisme est l'un des instruments qui existent, au service de la souveraineté économique, non l'inverse. La souveraineté économique équivaut à décider de sa politique économique de manière indépendante. En toute indépendance il peut être décidé de protéger son économie de la concurrence étrangère. A contrario, il peut être décidé que la maîtrise de son destin économique, doive s'inscrire dans une économie libre- échangiste. Ainsi, la sauvegarde de la souveraineté économique n'équivaut pas, mécaniquement, à pratiquer du protectionnisme. Être maître de son destin économique peut tout à fait prendre la forme d'une adhésion totale (ou partielle) aux règles du libre-échange, afin par exemple de bénéficier de débouchés importants et ainsi développer ses exportations. Pour un État, être souverain économiquement peut consister à pratiquer uniquement du protectionnisme ou à adhérer totalement au libre-échangisme mais également à jongler entre les deux. Cette dernière hypothèse est celle que les deux plus grandes puissances économiques ont adopté : États-Unis et Chine, lesquelles adhérent aux règles de l'OMC mais les outrepassent régulièrement en augmentant leurs droits de douanes sur des secteurs stratégiques. En outre, la souveraineté économique a deux composantes : la puissance et l'indépendance. Elles sont indissociables. L'exercice de la souveraineté économique d'un État est un arbitrage entre ces deux notions. Jongler, arbitrer entre protectionnisme et libre-échangisme permet d'augmenter tantôt l'un tantôt l'autre. Une économie nationale, forte de ses exportations, est une économie puissante, mais bien souvent dépendante à l'égard des pays importateurs dont les choix politiques peuvent impacter directement la capacité exportatrice du pays concerné. A l'inverse, une économie davantage protectionniste, c'est-à-dire maitrisant ses importations, maitrisera, de facto, son indépendance, mais sera plus en difficulté quant au développement de sa puissance, au regard de sa croissance économique. Le schéma suivant, certes simpliste permet de résumer cette idée : • Protectionnisme = indépendance - ; mais puissance + • Libre échangisme = indépendance + ; mais puissance - Une fois cette vulgarisation effectuée, il est plus aisé de comprendre la raison pour laquelle la souveraineté économique est défendue par des courants politiques différents. Les libéraux (au sens économique) prônant une souveraineté économique de la « puissance » quand le courant dit souverainiste (au sens politique) prône une souveraineté économique de l'indépendance. Cette clarification notionnelle entre souveraineté économique, protectionnisme et libre- échangisme est nécessaire à la compréhension des différents enjeux du sujet, notamment juridiques. Le droit permet de dépasser le manichéisme entre protectionnisme et libre-échange. Certaines règles juridiques démontrent que les composantes de puissance et d'indépendance de la souveraineté économique ne sont pas tout à fait des vases communicants ; qu'il ne s'agit pas d'un Optimum de Pareto, de sorte que l'augmentation de l'un réduirait mécaniquement l'autre. L'Union européenne (UE) et l'État français par son intermédiaire sont adhérents de l'OMC. A ce titre, l'exercice de leur souveraineté économique est en partie enfermée dans ce cadre. En prônant un libre-échangisme de principe, ce cadre constitue pour les États adhérents, à la fois un instrument d'exercice de leur souveraineté économique (par exemple, par la sauvegarde d'une concurrence loyale dont le corollaire est la réparation des actes de déloyauté, à l'image des mesures antidumping) et un obstacle à celle-ci (sanction des subventions étatiques par exemple). La souveraineté au sens politique a, par nature, une composante interne et une composante externe. Le souverain est à la fois celui qui a la compétence de la compétence (interne), et celui qui est indépendant vis-vis des souverains voisins (externe). La souveraineté économique a par extension, elle aussi, ces deux composantes : à l'intérieur dans le fait de décider de son avenir économique, et à l'extérieur dans le fait de jongler avec l'indépendance et les interdépendances inévitables à l'égard des États voisins. Avec pour toile de fond le concept de guerre économique, la présente étude aura pour objet d'envisager tant les outils externes qu'internes, dans cette compétition internationale normative. Ainsi, les outils existants au regard du droit de l'OMC posent le cadre général de l'exercice de la souveraineté économique à l'extérieur, lequel est un vecteur de puissance au détriment de l'indépendance (Partie 1) ; et le droit positif européen et français s'appuient sur des instruments, afin d'exercer celle-ci à l'intérieur, vecteurs de puissance sans nécessairement constituer des freins à l'indépendance (Partie 2).