Thèse en cours

Les Leishmania du sous-genre Mundinia à travers le monde

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Auteur / Autrice : Emilie Kariya
Direction : Jérôme Depaquit
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Médecine
Date : Inscription en doctorat le 01/03/2025
Etablissement(s) : Reims
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Sciences Fondamentales et Santé
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : ESCAPE - EpidémioSurveillance et CirculAtion de Parasites dans les Environnements

Mots clés

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Résumé

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Les leishmanioses sont des maladies parasitaires tropicales émergentes qui affectent l'Homme et les mammifères. Elles sont causées par environ 30 espèces du genre Leishmania, protozoaires intracellulaires, membres de la famille des Trypanosomatidae. Ils provoquent trois grandes formes cliniques : la leishmaniose cutanée (LC), la leishmaniose cutanéo-muqueuse (LCM) et la leishmaniose viscérale (LV), la dernière étant la forme la plus grave. L'intensité des symptômes dépend de l'immunité de l'hôte et des espèces de parasites impliquées. Le VIH/SIDA concomitant augmente non seulement le risque de LV active, mais entraîne également l'échec du traitement. Actuellement, 0,9 à 1,3 million de nouveaux cas sont signalés chaque année, avec 20 000 à 30 000 décès causés par la LV. Le genre Leishmania élargit son aire de répartition. ll est divisé en quatre sous-genres : Leishmania dans l'Ancien Monde et dans le Nouveau Monde, Viannia dans le Nouveau Monde, Sauroleishmania parasites des lézards dans le monde entier, et Mundinia, le plus récent, réparti dans le monde entier, y compris l'Australie et l'Afrique. Dans ce dernier sous-genre, L. martiniquensis, espèce assez récemment décrite des Antilles est un pathogène émergent distribué dans le monde entier qui est résistant à l'amphotéricine B, principal médicament antileishmanien utilisé dans le traitement des leishmanioses viscérales. À ce jour, il existe six espèces décrites appartenant au sous-genre Mundinia : • L. enriettii Muniz & Medina 1948, • L. martiniquensis Desbois, Pratlong & Dedet, 2014, • L. macropodum Barratt, Kaufer et Ellis, 2017 • L. orientalis Bates & Jariyapan 2018 • L. chancei Kwakye-Nuako, Mosore, Boakye et Bates 2023 • L. procaviensis Kwakye-Nuako, Mosore, Boakye et Bates 2023 Les phlébotomes (Diptera, Psychodidae) sont les vecteurs exclusifs des espèces des sous-genres Leishmania, Viannia et Sauroleishmania. Les espèces du sous-genre Mundinia semblent être mieux transmises par la piqûre d'une famille d'insectes différente : les Cératopogonidés, à savoir des Forcipomyia trouvés naturellement infectés par les promastigotes de L. macropodum en Australie et des membres du genre Culicoides observés infectés naturellement en Thaïlande, ou infectés expérimentalement. Néanmoins, le rôle des Phlébotomes dans la transmission de ces leishmanies nécessite d'être précisé. Pendant longtemps, l'Asie du Sud-Est (SE) a été considérée comme une zone indemne de leishmaniose. Les premiers cas autochtones se sont produits au Vietnam mais sont restés confidentiels. Depuis 2007, la Thaïlande est un foyer d'émergence de leishmanioses à transmission locale. À ce jour, deux espèces nouvellement identifiées, L. martiniquensis et L. siamensis, ont provoqué une leishmaniose viscérale indigène chez des patients thaïlandais. Ces cas ont été initialement suspectés d'être provoqués par une nouvelle espèce de Leishmania, peu décrite, initialement appelée Leishmania « siamensis ». Au fil des années, des études ont confirmé que la plupart des infections à Leishmania chez les patients thaïs et birmans étaient finalement principalement dues à L. martiniquensis. Malgré une répartition couvrant l'Asie, l'Europe et les Amériques, L. martiniquensis est une espèce récemment décrite de l'île de la Martinique. Le faible nombre de cas humains combiné à la large répartition de L. martiniquensis (Amériques, Europe, Asie) implique nécessairement, d'un point de vue épidémiologique, l'existence d'un ou de plusieurs réservoirs. Le parasite ne se limite pas aux Hommes : il a également été identifié chez des vaches et des chevaux en Suisse, en Allemagne et aux États-Unis. Ces constats ne permettent cependant pas de considérer ces animaux comme des réservoirs. En ce qui concerne les autres espèces, la rareté des cas humains incite également à penser qu'il s'agit de zoonoses dans lesquelles l'existence d'un réservoir animal s'impose comme une évidence épidémiologique. L'hypothèse que le maintien de leishmanies chez les patients immunodéprimés puisse maintenir le cycle ne nous semble pas l'hypothèse la plus privilégiée mais ne peut pas être exclue. Ce projet se concentrera sur les différents volets concernant les leishmanies du sous-genre Mundinia. Objectifs de la recherche proposée L'objectif général de ce projet collaboratif est de décrypter l'épidémiologie des parasites émergents Mundinia. Les objectifs spécifiques seront : (i) de synthétiser l'expression clinique chez l'Homme pour ces différentes espèces et d'évaluer les méthodes de diagnostic biologique (ii) de déterminer quels sont les insectes vecteurs ; (iii) identifier les réservoirs animaux du parasite afin de (iv) déterminer les relations phylogénétiques existant entre les différentes espèces ou populations de Mundinia et (v) caractériser l'épidémiologie des Mundinia. L'atteinte de ces objectifs reposera sur les nombreuses collaborations nationales (UMR MIVEGEC et CNR des leishmanioses à Montpellier) et internationales développées par l'UR ESCAPE, notamment avec la Thaïlande (Department of Parasitology, College of Medicine, Chulalongkorn University – Pr. Padet Siriyasatien. Description détaillée des objectifs de la recherche Synthèse de l'expression clinique et des méthodes de diagnostic biologique L'expression clinique des leishmanioses est variable et dépend de l'espèce en cause ainsi que de la réponse immunitaire de l'hôte. On distingue trois formes principales : LC caractérisée par des lésions ulcèrées ou crouteuses localisées au site de piqûre ; les LCM, plus agressives, débutant comme des leishmanioses cutanées puis évoluant comme de véritables métastases affectant les muqueuses naso-oropharyngées ; et les leishmanioses viscérales, aussi appelées kala-azar, qui affectent les organes internes comme la rate, le foie et la moelle osseuse, se manifestant par une fièvre prolongée, une splénomégalie, une anémie et une altération de l'état général. Le diagnostic biologique repose sur plusieurs méthodes, selon la forme clinique et les ressources disponibles. L'examen microscopique direct de biopsies colorés au Giemsa, permet d'observer les formes amastigotes dans les macrophages des lésions cutanées ou des tissus profonds. La culture sur milieux spécifiques et la PCR sont des outils sensibles pour identifier l'espèce en cause. Les tests sérologiques, comme l'ELISA et le test de détection des anticorps anti-Leishmania (DAT, IFI), sont principalement utilisés pour la leishmaniose viscérale, bien qu'ils puissent manquer de spécificité. Le choix de la méthode diagnostique dépend de la forme clinique et de l'accès aux techniques en laboratoire, combinant souvent plusieurs approches pour une confirmation optimale. Une revue de la littérature complétée par nos propres observations permettra la restitution d'une synthèse clinico-diagnostique des leishmanioses causées par les Mundinia. Identification des insectes vecteurs des Mundinia Le mode de transmission des Mundinia n'est pas parfaitement connu. Il est très vraisemblable qu'il s'agisse d'un mode de contamination vectorielle. À ce jour, quelques Cératopogonidés ont été impliqués dans la transmission de L. martiniquensis et de L. macropodum étant infectés naturellement ou expérimentalement. Cependant, le rôle des phlébotomes doit être exploré en tenant compte du fait que l'ADN de L. martiniquensis a été détecté chez certaines espèces de Sergentomyia en Thaïlande. Le rôle des Sergentomyia dans la transmission des leishmanioses, jamais vraiment envisagé auparavant, a été récemment évalué. On ne sait presque rien de la transmission de L. procaviensis et de L. chancei. Pour répondre à cette question scientifique, nous envisageons d'une part la détection et l'isolement des leishmanies en conditions naturelles à partir des vecteurs et d'autre part la réalisation d'infections expérimentales à partir d'espèces que nous aurons préalablement élevées : Culicoides arakawe et Phlebotomus stantoni, un culicoïde et un phlébotome abondants en Asie du Sud-Est et anthopophiles. Identification des réservoirs animaux des Mundinia L'identification des réservoirs animaux des Mundinia repose sur une approche intégrée combinant des observations sur le terrain, des études épidémiologiques, des analyses de laboratoire et des investigations écologiques. Dans un premier temps, des enquêtes sur le terrain permettent de recenser les espèces animales présentes dans les zones endémiques et susceptibles d'entrer en contact régulier avec les vecteurs. Les chiens, par exemple, sont fréquemment ciblés dans les régions méditerranéennes, mais d'autres espèces sauvages telles que certains rongeurs, renards, chauve-souris ou même marsupiaux peuvent jouer un rôle dans la transmission. Les prélèvements biologiques – sang, biopsies cutanées ou échantillons de tissus lymphatiques – effectués sur ces animaux seront ensuite soumis à divers tests diagnostiques. La PCR, grâce à sa grande sensibilité, est utilisée pour détecter l'ADN des Leishmania dans les échantillons, tandis que des techniques sérologiques, comme l'ELISA ou l'immunofluorescence, évaluent l'exposition des animaux au parasite en mesurant la présence d'anticorps spécifiques. Enfin, l'analyse de l'origine des repas sanguins des vecteurs gorgés par séquençage des gènes PNOC ou cytochrome b contribueront grandement à nous orienter vers les réservoirs potentiels Approche phylogénétique des Mundinia L'étude phylogénétique approfondie du sous-groupe Mundinia que nous souhaitons réaliser n'a pas pour objectif de préciser la place des Mundinia au sein des Leishmania mais de comprendre les relations qui existent entre les différentes espèces du sous-genre ainsi qu'entre les différentes populations de L. martiniquensis afin d'émettre des hypothèses évolutives permettant de dater les évènements évolutifs grâce à de bonnes calibrations des horloges moléculaires afin de comprendre les phénomènes de spéciation entre les différentes espèces de Mundinia comme les processus de dispersion de L. martiniquensis à travers le Monde. Caractérisation de l'épidémiologie des leishmanioses causées par les Mundinia Cette synthèse épidémiologique constituera le dernier volet de las thèse et s'appuiera sur toutes les données acquises afin de proposer des hypothèses de circulation, de dispersion et de lutte.