Thèse en cours

Fausses nouvelles et liberté d'expression : histoire juridique d'un tiraillement politique

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Auteur / Autrice : Tancrède Texier
Direction : François Saint-Bonnet
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire du Droit et des Institutions
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2024
Etablissement(s) : Université Paris-Panthéon-Assas
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale histoire du droit, philosophie du droit et sociologie du droit (Paris ; 1992-....)

Résumé

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De l’affaire des Placards à la propagande pendant la Première Guerre en passant par la loi n°2018-1202 du 22 décembre 2018 dite infox relative à la lutte contre la manipulation de l’information ; les fausses nouvelles sont un sujet de préoccupation du pouvoir politique qui n’a eu de cesse de chercher un point d’équilibre entre sanction des fausses nouvelles et liberté d’expression. La loi de 2018 met en place un devoir de coopération des plateformes afin de faire face à la diffusion exponentielle des informations sur les réseaux sociaux, en confiant le contrôle de leur véracité, de leur authenticité, de leur innocuité à ces mêmes entreprises privées, qui ont recours, notamment, au système de signalement faisant de chaque utilisateur un lanceur d’alerte plus ou moins légitime, peut-être même un procureur. L’objectif est de contenir la toxicité des informations sur l’opinion en périodes électorales. Les fausses nouvelles en question se définissent de manière finaliste : la législation en la matière vise à limiter leurs conséquences. Cette définition finaliste est aussi celle à laquelle nous sommes parvenu en conclusion du mémoire de Master II qui répondait à la problématique suivante : Les fausses nouvelles sont-elles répréhensibles en soi ou dans la mesure où elles sont à l’origine d’un trouble à l’ordre public avant la loi de 1881 ? Elles sont l’objet d’une première législation en 1849 où la définition retenue reste vague, offrant un large champ d’application potentiel. La loi de 1881, qui est l’aboutissement d’une évolution entamée en 1789 avec l’adoption des articles 10 et 11 de la DDHC, avait pour but de trouver un équilibre entre liberté d’expression et protection du pouvoir. Chacune des législations passées en revue dans ce mémoire présentent le même objectif : contenir la nocivité des fausses nouvelles. La généalogie juridique des fausses nouvelles entre 1789 et 1881 est insuffisante. Il est apparu à mon directeur de mémoire ainsi qu’à moi-même qu’il serait fécond de remonter plus loin dans le passé et de poursuivre l’étude législative, jurisprudentielle et doctrinale après 1881. L’invention de l’imprimerie est un tournant de l’histoire où le pouvoir politique est confronté à la diffusion d’informations qu’il ne contrôle pas directement. Le premier acte relatif à la liberté de publier est pris par l’archevêque de Mayence en 1486. En France, Louis XII est le premier à adopter des édits à ce sujet . L’histoire de la censure en France est la clef envisagée pour étudier cette généalogie de la répression des fausses nouvelles entre l’invention de l’imprimerie et la fin de l’Ancien Régime. Les sources à étudier sont notamment les édits royaux du XVIe siècle, les modification apportées par Richelieu dont le travail est poursuivi sous le règne de Louis XIV pour finir avec le règlement plutôt libéral du Chancelier d’Aguesseau de 1723 qui restera en vigueur jusqu’en 1789. Un travail qui sera complété par l’étude d’ouvrages plus généraux permettant de repérer des archives de périodiques à étudier comme celles de La Gazette ou de décisions de justice relative à la toxicité de certains ouvrages. Pour les périodes déjà étudiées lors du mémoire, il conviendra de revenir sur les fausses nouvelles non-politiques (économiques, agricoles, sanitaires, etc.) et la période de l’Empire devra être étudiée comme les autres périodes de censure. La séquence qui sépare la loi de 1881 et la Première Guerre mondiale sera explorée tant à travers l’évolution de la jurisprudence et de la doctrine en matière de presse car la législation elle-même est assez stable. Une étude purement juridique qui sera évidemment à replacer dans son contexte : les périodes de trouble étant particulièrement propices à la prolifération des fausses nouvelles et, partant, à leur répression. Il existe déjà quelques travaux sur les fausses nouvelles, mais aucune étude juridique d’ampleur à leur sujet. Il apparaît d’ores et déjà que le problème posé est moins la fausseté en elle-même que leur toxicité dont cherche à s’emparer les juristes. Or, toute définition téléologique est assez insatisfaisante pour un pénaliste rigoureux. D’où l’intérêt proprement juridique de cette recherche. L’étude des travaux déjà réalisés est évidemment un préalable indispensable.Par ailleurs, nous souhaiterions approfondir la recherche juridique en la nourrissant de des réflexions anthropologiques et philosophiques que la toxicité des fausses nouvelles soulèvent. Les travaux de René Girard et de Gustave Le Bon seront des portes d’entrée en ces domaines , ainsi que l’étude du rapport entre politique et vérité dont Hannah Arendt s’est emparée et à qui l’on doit cette magnifique formule « les faits sont la matière première des opinions ».