Thèse en cours

La construction de l'hérésie dans le Midi de la France dans le contexte des rivalités locales du XIIe siècle

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Auteur / Autrice : Anaïs-Jeanne Boillat jacotet
Direction : Julien Thery astruc
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire, Histoire de l'Art
Date : Inscription en doctorat le 23/10/2024
Etablissement(s) : Lyon 2
Ecole(s) doctorale(s) : ScSo - Sciences Sociales
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CIHAM - Histoire, Archéologie, Littératures des mondes chrétiens et musulmans Médiévaux

Mots clés

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Résumé

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Dans la lignée des travaux de reconsidération de l'hérésie de Jean-Louis Biget, Robert I. Moore ou encore Monique Zerner, cette thèse consiste d'une part à réfléchir au processus de construction, au cours du XIIe siècle, d'une vision uniforme (et uniformisante), biaisée et fantasmée de l'hérésie, et d'autre part à s'interroger sur la dimension politique sous-jacente aux entreprises lancées contre les dissidences méridionales, identifiées par ceux qui les combattent comme l'hérésie des Albigeois. La tournée de prédication de saint Bernard, la mission de 1178, la « pré-croisade » de 1181 et la croisade de 1209 sont autant de temps forts de la lutte contre l'hérésie dans le Midi. Ils structurent l'élaboration des discours et transforment progressivement l'affaire de la foi et de la paix (negocium fidei et pacis) en affaire des Albigeois (negocium Albigensis). Il s'agira ainsi d'étudier les mécanismes de ces interventions et d'en mesurer les effets tant sur la manière dont évolue la définition de l'hérésie que sur les outils mis en place pour combattre les dissidences méridionales, qui émergent comme hérésie en relation avec la logique générale de normalisation concomitante à la réforme grégorienne. Il existe une synchronie trop souvent délaissée par les historiens entre faits politiques et religieux, qui est en réalité révélatrice de dynamiques communes. Dans le Midi du XIIe siècle, plusieurs phénomènes connexes s'observent : le déploiement de la réforme ecclésiastique qui heurte les élites déjà en place, l'essor économique dans les villes qui conduit à l'apparition de nouveaux pouvoirs, et la recrudescence de certains conflits locaux. Dans leur contenu, les actes des grands conciles de cette époque font écho à ces contextes socio-politiques. Cela nous amènera notamment à nous interroger sur la transformation dans le droit canonique des accusations et des sanctions contre les individus qui manifestent de la complaisance à l'égard des personnes identifiées par les autorités religieuses comme hérétiques. Il importera d'apprécier dans quelle mesure le fait de tolérer la proximité d'hérétiques devient finalement un motif d'accusation d'hérésie. La question de la contagiosité de l'infamie, qui se façonne dans les discours médiévaux, sera également au coeur du propos relatif à la construction intellectuelle de l'hérésie. À ce titre, il sera nécessaire d'approfondir le rôle joué par les cisterciens dans ce processus. L'ordre se veut, de fait, l'un des principaux bras de la papauté pour contrôler tous les mouvements évangéliques qui ne s'intègrent pas dans l'institution ecclésiastique. Au cours du XIIe siècle, il élabore un lexique nourri d'images pour qualifier l'hérésie et alimenter les prédications. Une étude de la rhétorique des discours sur l'hérésie permettra d'en comprendre le cheminement et de mettre au jour les mécanismes utilisés par l'Église pour conférer à ses adversaires identité et consistance, dans une logique d'affirmation du magistère ecclésiastique et pontifical. Par ailleurs, l'analyse de la généralisation du terme « Albigeois » pour désigner les dissidents méridionaux apportera également un éclairage sur cette question. Le choix de ce vocable « Albigeois » dénote une dimension politique, qui fait écho aux rivalités territoriales entre les comtes de Toulouse et les vicomtes de Béziers, face auxquelles l'Église endosse la fonction d'arbitre. Il s'agira de réfléchir au poids de l'accusation d'hérésie dans le contexte de ces guerres territoriales et dans la perspective politique de théocratie pontificale, au regard, plus largement, de la question de la désobéissance.