Matériologie profonde des paysages invisibles de l'Anthropocène entre le Sénégal et l'Inde
Auteur / Autrice : | Cécile Marzorati Jiménez |
Direction : | Frederic Landy |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Géographie humaine, économique et régionale |
Date : | Inscription en doctorat le 18/12/2024 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Milieux, cultures et sociétés du passé et du présent |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Architecture, Ville, Urbanisme, Environnement |
Mots clés
Résumé
Cette thèse en humanités environnementales (géographie et anthropologie) vise à explorer la notion de « matériologie profonde » à partir d'un travail de terrain comparatif entre le Sénégal (Sebikhotane) et l'Inde (quartier de Dharavi à Bombay). La matériologie, définie comme « une pratique d'exploration approfondie de la matière » doit permettre de réagir à « l'invisibilisation et à l'ignorance dans laquelle nous sommes volontiers maintenus quant à la composition, la traçabilité et les infrastructures des choses qui nous entourent mais aussi nous traversent et nous constituent » (Grimaud et Ducourneau, 2024). Elle constitue de ce fait un prisme d'approche pertinent pouvant participer à révéler l'existence de « zones interdites » et de ''sacrifice » (Cavé et Tastevin, 2022), ces paysages « invisibles » où sont relégués les rebuts de la consommation de masse et extraites les « ressources ». Les théories environnementales contemporaines s'intéressent au « lieu » (celui que l'on habite) comme espace et échelle propice pour penser les questions d'appartenance et de développement des prises de conscience écologiques par les individus (Plumwood, 2008) ; révéler l'existence de ces « zones » permet de critiquer la dissociation entre lieux d'attachement et lieux de «soutien économique et écologique ». Une telle dissociation est aussi à l'oeuvre dans une majorité des politiques de conservation de la nature à l'échelle mondiale où l'existence de zones protégés, sauvages et inaccessibles permet de justifier une dérégulation accrue des pratiques extractives et de prédation vis à vis du « reste » du monde ainsi que l'exclusion de populations qui habitent depuis de nombreuses générations dans ces espaces (Buscher et Fletcher, 2023). De nombreux travaux participent en contrepoint à démontrer que cette dissociation est problématique - non plus seulement à l'échelle locale des zones perturbées mais aussi de manière globale, par l'impact de ces activités sur la perpétuation de la vie même sur Terre et sur le fonctionnement écologique des milieux (Tsing, 2017). La matériologie profonde est ici à la fois un moyen et un des objets de l'analyse : l'enjeu de cette thèse et de décrire les écologies qui se déploient au sein des paysages interdits ou sacrifiés de l'Anthropocène où circulent la majorité des flux impliqués dans notre empreinte matérielle : ceux servant les activités de construction et d'aménagement des territoires. Que fait la proximité avec la matière qui soutient la croissance et le profit de quelques uns à ceux qui habitent ces paysages invisibilisés, lorsqu'ils n'en bénéficient que partiellement ou pas du tout ? A leurs manières d'habiter et de co-habiter entre eux ? A leur propre rapport aux choses et aux matières? Aux rapports inter-spécifiques ? Quelles frictions ou endroits de résistance existent, et quelles formes prennent-ils ? A travers une approche ethnographique et naturaliste, ouverte à l'expérimentation d'autres protocoles d'enquête et de captologie (enquête collective, relevé habité, diagnostic « ressources », inventaire naturaliste, cartographie, co-conception et co-construction d'outils ou d'objets), nous chercherons à décrire à l'échelle locale (milieux habités) et globale (flux des matières étudiées) - la nature sémiotique et matérielle des agencements entre humains et autres qu'humains.