Le comportement locomoteur du bonobo, entre paléoanthropologie et conservation

Locomotor behaviour of bonobo, between paleoanthropology and conservation

• Auteur / Autrice : Amira Perrot
• Direction : Gilles Berillon
• Type : Projet de thèse
• Discipline(s) : Paléoanthropologie
• Date : Inscription en doctorat le 01/10/2023
• Etablissement(s) : Paris, Muséum national d'histoire naturelle
• Ecole(s) doctorale(s) : Sciences de la nature et de l'Homme : évolution et écologie
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Histoire Naturelle de l'Homme Préhistorique
• Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : PaléoFED (Paléoanthropologie Fonctions, Évolution et Diversité biologique)

Mots clés

Mots clés libres

Comportement locomoteur

Pan paniscus

Conservation

Environnement physique

Évolution

Hominines

Locomotor behaviour

Pan paniscus

Conservation

Physical environment

Evolution

Hominins

Résumé

Le comportement locomoteur des primates s'étudie souvent dans une perspective évolutionnaire : par l'anatomie fonctionnelle, il est possible de relier une forme à une fonction, ici la locomotion, permettant ensuite des inférences paléontologiques. Mieux cerner la variabilité du comportement locomoteur en lien avec les habitats et les ressources disponibles en intégrant la capacité d'une espèce à le modifier peut également permettre d'affiner les stratégies de conservation. De telles études éco-fonctionnelles n'ont encore jamais été mobilisées dans une double perspective, à la fois évolutionnaire et de conservation. Cela est aujourd'hui possible grâce à une approche interdisciplinaire croisant la biomécanique, le comportement, l'écologie et la géographie. C'est l'objet de ce projet doctoral qui porte sur l'étude du comportement locomoteur du bonobo (Pan paniscus) et qui a pour objectif principal d'analyser sa flexibilité locomotrice. Pour cela, il s'agira de caractériser les substrats disponibles dans l'habitat des bonobos puis d'analyser la variabilité inter-individuelle de ce répertoire (âge/sexe) et intra-individuelle (en fonction des types d'habitat rencontrés et de la saison). Des observations en milieu naturel se feront sur la communauté de Manzano (une trentaine d'individus) au sein de la Concession Forestière des Communautés Locales de la Rivière Mbali (Territoire de Bolobo, République Démocratique du Congo) gérée par l'ONG congolaise Mbou-Mon-Tour. L'habitat y est fragmenté, avec une mosaïque forêt-savane rarement rencontrée dans l'aire de répartition des bonobos, représentant un écosystème particulièrement pertinent pour évaluer la flexibilité locomotrice de cette espèce menacée. Des observations complémentaires et plus fines seront réalisées dans un espace plus homogène et contrôlé, sur la communauté d'une vingtaine de bonobos hébergée au parc zoologique La Vallée des Singes (France). En pratique, la mesure du comportement locomoteur via individual focal sampling se fera par enregistrement vidéo, suivi d'un codage sur le logiciel ELAN des modes posturo-locomoteurs et des substrats utilisés par les individus. L'étude de la biomécanique (paramètres spatio-temporels du déplacement, vitesse, distance, etc.) sera réalisée à partir de vidéos calibrées grâce à un pointage laser. Enfin, l'analyse de la structure de l'habitat, sa fragmentation et sa connectivité, repose sur une classification et une caractérisation structurelle des types de forêts existantes pour ce site et sera complétée par une analyse des substrats (diamètre, inclinaison et flexibilité des branches). Nous pouvons nous attendre à ce que de multiples facteurs influencent le comportement locomoteur des bonobos, tels que l'âge, le sexe, le type d'habitat dans lequel ils se déplaçent ou encore les substrats disponibles. Appréhender dans quelle mesure ce comportement est variable chez un grand singe actuel nous permettra d'étayer les réflexions sur la flexibilité locomotrice supposée des premiers hominines (par ex. Sahelanthropus tchadensis, Orrorin tugenensis, Ardipithecus ramidus). Dans une perspective de conservation, grâce à l'évaluation de la manière dont l'espèce utilise son habitat en milieu naturel, impliquant une meilleure connaissance des contraintes et des préférences en termes de substrat utilisé, nous serons en mesure de proposer des pistes de réflexion pour affiner les stratégies de conservation du bonobo et de proposer également des améliorations pour le bien-être en parc zoologique.

The locomotor behavior of primates is often studied from an evolutionary perspective: through functional anatomy, it is possible to link a form to a function, in this case locomotion, allowing for paleontological inferences. Better understanding the variability of locomotor behavior in connection with habitats and available resources, while considering a species' ability to modify it, can also help refine conservation strategies. Such eco-functional studies have never been employed in a dual perspective, both evolutionary and conservation-oriented. This is now possible thanks to an interdisciplinary approach combining biomechanics, behavior, ecology, and geography. This is the focus of this doctoral project, which aims to study the locomotor behavior of bonobos (Pan paniscus) with the main objective of analyzing their locomotor flexibility. To achieve this, we will first characterize the available substrates in the bonobos' habitat, then analyze the inter-individual variability of this repertoire (age/sex) and intra-individual variability (based on the types of habitats encountered and the season). Observations will be carried out in the wild on the Manzano community (about thirty individuals) within the Mbali River Local Community Forest Concession (Bolobo Territory, Democratic Republic of Congo), managed by the Congolese NGO Mbou-Mon-Tour. The habitat is fragmented, with a forest-savanna mosaic rarely found in the bonobo range, representing a particularly relevant ecosystem for assessing the locomotor flexibility of this endangered species. Additional and more detailed observations will be conducted in a more homogeneous and controlled space, on a community of around twenty bonobos housed at the La Vallée des Singes Zoological Park (France). In practice, locomotor behavior will be measured via individual focal sampling through video recordings, followed by coding in the ELAN software for postural-locomotor modes and substrates used by individuals. Biomechanical analysis (spatio-temporal parameters of movement, speed, distance, etc.) will be conducted based on calibrated videos using laser pointers. Finally, the analysis of the habitat structure, its fragmentation, and its connectivity will rely on classification and structural characterization of existing forest types at the site, complemented by an analysis of substrates (diameter, inclination, and flexibility of branches). We can expect that multiple factors will influence the locomotor behavior of bonobos, such as age, sex, habitat type in which they move, or available substrates. Understanding the extent to which this behavior varies in a present-day great ape will allow us to support hypotheses on the supposed locomotor flexibility of early hominins (e.g., Sahelanthropus tchadensis, Orrorin tugenensis, Ardipithecus ramidus). From a conservation perspective, by evaluating how the species uses its natural habitat—providing a better understanding of the constraints and preferences regarding substrate use—we will be able to propose ideas for refining bonobo conservation strategies, as well as suggestions for improving their welfare in zoological parks.