Thèse en cours

Les racines philosophiques et anthropologiques de l'État chez Pierre Clastres

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Auteur / Autrice : William Lajeanne-Coutard
Direction : Jean-Claude MonodAlexandre Suralles
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Philosophie
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2024
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale École transdisciplinaire Lettres/Sciences
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Pays germaniques Transfert culturels et Archive Husserl
établissement opérateur d'inscription : Ecole normale supérieure

Mots clés

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Résumé

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L'anthropologie a longtemps affirmé des sociétés des basses terres d'Amérique du Sud qu'elles sont sans État et sans politique. Pierre Clastres a brisé ce lien entre forme étatique et fond politique chez les sociétés primitives, leur reconnaissant une capacité réflexive sur cette institution. Il va cerner la nature de l'État en regardant ces sociétés comme un « miroir [qui] ne nous renvoie pas notre image ». Mais il renverse l'interrogation traditionnelle en se demandant « qu'est-ce qu'une société sans État », et même « qu'est-ce qu'une société contre l'État ». Intriquant philosophie et anthropologie, son œuvre nous questionne sur l'ouverture de nouveaux champs d'intelligibilité quand les deux disciplines collaborent. Il faut ainsi interroger la nature de l'apport spécifique de l'anthropologie à la philosophie politique et réciproquement, ainsi que les déplacements conceptuels qui s'opèrent à l'issue de ces croisements chez Clastres. Notre thèse est qu'il aborde son travail d'anthropologue avec les catégories occidentales de la philosophie politique et, plutôt que de les abandonner quand elles ne recoupent pas la réalité à laquelle il tente de donner sens, il fait le choix de leur appliquer des torsions et de les subvertir en les faisant entrer dans des jeux d'oppositions qui remettent en question les définitions et dichotomies auxquelles nous sommes habitués. 1. Qu'est-ce qu'un chef dans la société primitive ? Avec « Copernic et les Sauvages », Clastres donne corps et direction à son programme en le centrant sur le pouvoir politique dans ces sociétés. Depuis « Échange et pouvoir : philosophie de la chefferie indienne », c'est une période de genèse dans laquelle il nous faudra interroger ses rapports à la théorie et au terrain en ce qu'ils conditionnent ce tournant et son approfondissement par la suite. Systématiquement il vise à « réfléchir à la nature du pouvoir, à son origine, aux transformations […] que l'histoire lui impose selon les types de sociétés où il s'exerce », tâche alors à produire en Amérique du Sud. Ce programme se concrétise par le tracé de nouvelles lignes d'oppositions conceptuelles : il n'y a pas de lien de nécessité entre pouvoir et coercition ; l'essence du politique n'est ni la hiérarchie ni l'autorité. 2. L'État est Un, les Sauvages veulent le Multiple C'est dans la paradoxale positivité du contre l'État que va se trouver le centre de gravité de la suite de ses travaux. Alors que dans la logique occidentale le chef détient le pouvoir dans une, la société primitive refuse que le pouvoir soit séparé d'elle pour venir s'incarner dans l'Un du chef. Le renversement qui s'opère dans le passage du sans au contre consiste à enfin définir la société primitive par ce qu'elle est. Pour appréhender ce cheminement, c'est à partir de cette période qu'il nous faut intégrer le travail d'Hélène Clastres. 3. L'État est contre la guerre, la guerre est contre l'État Si la nature des sociétés primitives est la lutte contre l'État, alors le passage à la société étatique ne peut se faire que par une rupture. C'est vers la guerre et son emballement comme sources de ce basculement que s'orientent les dernières recherches de Clastres. Dans « Archéologie de la violence », il projette la guerre en tant que potentialité permanente comme fondement de la société primitive et élément central de la lutte contre l'émergence d'un pouvoir politique centralisé. 4. Comment rendre compte de l'altérité ? Chez Clastres, l'entrée dans l'univers amérindien par la catégorie du politique est source d'équivocités. Est-ce parce que cette difficulté est insurmontable ou à dessein s'il conserve les termes de « chef », « pouvoir », « politique », « guerre » ? Si nous examinons l'épistémologie de Clastres, notre hypothèse est qu'il est fondamentalement structuraliste. Toute son œuvre est traversée de couples structurants pour les sociétés primitives, dont l'opposition des termes tend à subvertir la coupure habituelle – pouvoir/non-coercition, chef/société, Un/Multiple, guerre/État. Pour dépasser la limite des termes de la philosophie et pour mieux faire jaillir d'autres façons de faire société, il en ferait ainsi un usage entrant volontairement en contradiction avec ce qu'ils recoupent en occident. Dans ces contrastes se trouverait sa façon singulière de créer la comparaison propre à l'anthropologie.