Jamais ne bovray de vim, Tam que mon cuer vangiez en soye -Noblesses remuantes, turbulentes ou frondeuses en Savoie (XIV-XVes)
Auteur / Autrice : | Pierre Brugnon |
Direction : | Guido Castelnuovo |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Histoire des mondes modernes, histoire du monde contemporain |
Date : | Inscription en doctorat le 01/09/2018 |
Etablissement(s) : | Avignon |
Ecole(s) doctorale(s) : | Culture et Patrimoine |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CIHAM - Histoire, Archéologie, Littératures des mondes chrétiens et musulmans Médiévaux |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
«A marier en sçay bien .XII., De bon hostel et honnorable». Le sire de Menthon hésite. Il ne sait à quel parti lier son fils Bernard. Plusieurs familles et critères de sélection dès lors lui viennent à l'esprit : «A terruer, a hostel notable. Et aussy bien riches : a Compès, D'aultres pluseurs en Genevey». Les Menthon, sires du Genevois et historiquement liés aux comtes de Genève, cherchent donc dans leur entourage géographique proche, quitte à choisir une maison rivale, les Compey, dont l'usage du qualificatif «riches», dépréciatif en milieu nobiliaire, ne doit rien au hasard et témoigne d'un antagonisme discret. Ses vues portent aussi sur des familles plus méridionales et savoyardes : «Il est l'ostel de La Chambre, De Myolans d'aultres pluseurs, notable mayson, grant seignieur». Il demande alors à ses pairs, les sires de Duingt et de Beaufort, qui sont aussi ses parents, de l'aider à faire un choix. Le seigneur de Beaufort répond le premier et avoue son ignorance du marché matrimonial savoyard, tandis que celui de Duingt se garde bien de faire un choix : «Tous cieulx sont notable barons». Il faut les secours de dame Bertoline, l'épouse du seigneur de Menthon. Le choix se porte finalement sur la fille du seigneur de Miolans, âgée de XVI ans. Duingt confie qu'il l'a connait, qu'il l'a déjà vue et approuve l'avis de sa cousine. Beaufort ajoute : «Myolan est hostel tenus. De plus ancians de la Savoye. Pour tant que moy, je ne sçaroye. Que repliquer, senon tout bien». Avant de rallier l'avis général, le seigneur de Menthon se tourne, interrogateur, vers le «docteur», son secréataire, présent depuis le début de la scène, et dont le sentiment compte tout autant. Le serviteur livre son opinion quant aux Miolans: «Myolans est moult noble saing. Et parti de moult hault hostel. Mais que le principal chatel, Soit bon, vous ne pourrés mieulx prendre. Elle ne se peult jamais vendre. Tel marchiandise est viagiere». Le choix est fait, ce sera donc Miolans, auquel est envoyé un héraut porteur de la bonne nouvelle. Mais voilà que Bernard de Menthon, futur saint Bernard, s'envole avec les anges, renonce à l'état de chevalier et se prononce pour une vie pieuse et faite de contemplation. Lorsque Miolans apprend l'annulation du mariage, son sang noble ne fait qu'un tour : «Ha ! Notre Dame, il a trompez, Moy et ma fille et mon ligniage, Par la foy que je doibt au comte. De Savoye, ainssy n'en sera». Le seigneur de Miolans, furieux, laisse libre cours à sa colère et lance à son messager: «Monte a cheval, va diffier. Le seigneur de Menthon et ses gens [...] Deffie eulx a feu et a sang. De part moy». Enfin, à sa dame, descendue des tours pour apaiser l'hire de son époux, Miolans hurle cette promesse: « Je ne bovray jamais de vim, Tam que mon cuer vangiez en soye » Le seigneur de Miolans, on le voit, est touché dans son honneur, dans son sang et son rang au sein des élites savoyardes. Un honneur qu'il faut laver, rapidement et avec force. Mais il n'est pas le seul à subir les conséquences du choix de Bernard : «S'il est maintenant irès, Je le suis encore plus fort» répond le seigneur de Menthon. Le conflit ne dure pourtant qu'un temps, une nouvelle fois grâce aux dames. La fille de Miolans, prisée par le sire de Menthon, met fin à la colère de son père qui, ne sachant «guere latim», tend la réponse de Menthon à son écuyer. A la lecture de la lettre, c'est tout le clan Miolans qui apaise sa colère, comprend les raisons de l'annulation du mariage, se réjouissant et enviant presque lechoix de Bernard. Et Miolans de conclure la querelle en s'adressant à sa fille : «Biem trouveray aultre baron. Que Menthon [...]» avant d'ajouter, amèrement, «je vous logeray plus hault».