Thèse en cours

Droits de la nature et démocratie écologique : composer savoirs écocentriques et légitimité populaire dans l'espace politique européen

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Auteur / Autrice : Thomas Fabre
Direction : Corine Pelluchon
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Philosophie pratique
Date : Inscription en doctorat le 09/09/2024
Etablissement(s) : Université Gustave Eiffel
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Organisations, marchés, institutions
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : LIPHA - Laboratoire Interdisciplinaire d'Etude Politique HANNAH ARENDT

Résumé

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Dans un contexte d'aggravation des crises écologiques, la Loi européenne sur la restauration de la nature montre que la régénération du vivant est devenue un enjeu politique majeur du continent. Mais alors même que s'intensifient les luttes socio-écologiques, le risque est de considérer la restauration de la nature comme un simple problème technique et d'en négliger le caractère politique. La question se pose ainsi de la voie à suivre pour construire une politique de régénération radicale, mais réellement démocratique, orientée vers la justice écologique. Précisément, les droits de la nature peuvent apparaître comme un nouveau mode de politisation des entités naturelles, plus radical et démocratique que le droit de l'environnement traditionnel. En reconnaissant la personnalité juridique de la nature, de fleuves, d'écosystèmes ou d'espèces, ces nouveaux droits pourraient aussi permettre d'incarner le vivant dans l'espace politique. À l'intersection de la philosophie et de l'écologie politique, cette recherche se propose ainsi de traiter la problématique suivante : en Europe, les droits de la nature sont-ils en mesure de rééquilibrer les pouvoirs en faveur de politiques de régénération justes et démocratiques ? La reconnaissance par l'Espagne, en septembre 2022, des droits de Mar Menor prouve déjà que ces droits constituent une piste juridico-politique possible, y compris en Europe. Le cas Mar Menor crée un précédent sur le continent européen ; en France, et ailleurs en Europe, des initiatives émergent pour reconnaître les droits d'autres entités naturelles (la Seine, la lagune de Venise, la Méditerranée, etc.). Les droits de la nature pourraient ainsi contribuer à orienter les politiques de régénération européennes vers davantage de justice écologique : c'est l'hypothèse étudiée par cette recherche. Tout en posant la question de la philosophie politique adéquate pour penser les droits de la nature, ce travail étudiera la fécondité pratique des droits de la nature en clarifiant les problèmes posés par leur mise en œuvre. Les droits de la nature ne seront donc pas seulement considérés comme une innovation juridique, mais comme de possibles sources d'inventivité politique, comme symboles de nouveaux imaginaires sociaux. Ces droits peuvent ainsi apparaître alors comme les assises d'une nouvelle figure politique, dans le sillage de l'État souverain, du citoyen moderne et des entreprises dotées de personnalités morales — la personnalité écologique. L'hypothèse guidant cette recherche trouve là une interprétation en philosophie politique : s'insérant dans la constellation des acteurs politiques traditionnels, les personnalités écologiques pourraient contribuer à un nouvel équilibre des pouvoirs, davantage favorable aux intérêts écologiques. Afin d'explorer cette hypothèse, ce travail associe philosophie et enquêtes de terrain. Des outils d'enquête sont empruntés à la sociologie de la traduction latourienne et à l'écologie politique, notamment pour étudier des conflits de classe géosociaux, embrassant mondes humains et autres qu'humains. La lagune Mar Menor constituera le premier terrain d'étude. L'enquête portera ensuite sur d'autres sites d'expérimentation des droits de la nature en France et en Europe. Une approche comparative permettra d'évaluer les apports potentiels des droits de la nature par rapport aux institutions traditionnelles de l'environnement. Enfin, une interprétation philosophique, dans la lignée des philosophies écologiques contemporaines, essaiera de clarifier les significations de cet acteur politique émergeant : la personnalité écologique.