La place des entreprises privées dans le droit international de la mer.
| Auteur / Autrice : | Maher Aguir |
| Direction : | Marie-Pierre Lanfranchi |
| Type : | Projet de thèse |
| Discipline(s) : | En droit spécialité Droit public |
| Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2024 |
| Etablissement(s) : | Aix-Marseille |
| Ecole(s) doctorale(s) : | Ecole Doctorale Sciences Juridiques et Politiques |
| Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : DICE - Droits International, Comparé et Européen |
| Equipe de recherche : CERIC - Centre d'Etudes et de Recherches Internationales et Communautaires |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
La place des sociétés privées dans le domaine maritime et dans le droit international de la mer s'est considérablement étendue. Le mouvement du droit de la mer a été vers toujours de délégation des pouvoirs des États du pavillon. Des sociétés privées gèrent des registres maritimes comme le (Liberian Ship Corparate Registry LLC) LICSR pour le compte du Libéria ou la République Dominicaine avec le DMRI (Commonwealth of Dominica Maritime Registry Inc.) et encore les sociétés de classification qui agissent au nom des États du pavillon dans la certification des navires et de leurs équipements. Les sociétés privées qui gèrent les activités de registre sont souvent basées hors des pays concernés, à New York ou à Londres par exemple en utilisant la loi de l'État du Delaware des États-Unis d'Amérique. En délégant ses devoirs, l'état du pavillon ne s'exonère pas de sa responsabilité. Pour autant, ces pratiques posent la question de la responsabilité de ces sociétés privées en cas de sinistre ou de problème. Ces pratiques soulèvent un certain nombre de question du point de vue du droit en général et du droit de la mer en particulier. En effet, lorsqu'il est possible de déléguer l'émission de certains documents c'est clairement mentionné dans les textes de l'Organisation Maritime Internationale (OMI). Par exemple pour les certificats relatifs aux différentes assurances maritimes la résolution A.1124(30) (on DELEGATION OF AUTHORITY TO ISSUE CERTIFICATES OF INSURANCE OR OTHER FINANCIAL SECURITY REQUIRED UNDER THE 1992 CIVIL LIABILITY CONVENTION AND THE 2010 HAZARDOUS AND NOXIOUS SUBSTANCES CONVENTION) vient encadrer ces pratiques. Mais, dans l'article 92 de la convention de Montégo Bay sur les obligations des États du pavillon, il n'est jamais fait mention d'une possibilité de déléguer les activités de registre. Ensuite, dans le système actuel contrairement à l'idée reçue, ce sont les SCH qui ont le pouvoir, qui choisissent leurs clients, validant ainsi la théorie de l'agent. Il existe une asymétrie informationnelle entre le principal, le délégant et l'agent, le délégataire. La Société de Classification Habilitée (SCH) a l'expertise technique dont ne dispose pas l'administration qui a délégué. Et, l'administration ne peut pas contrôler toutes les actions d'une SCH. Pour pallier à ces problèmes principal-agent, la littérature regroupe quatre solutions 1) les spécifications du contrat de délégation, 2) les mécanismes de sélection, 3) les obligations de rapport et de contrôle, 4) les équilibres institutionnels. Pour exemple, la France, précédemment engagé dans un système de contrôle pavillon par des fonctionnaires, a débuté une première phase de délégation de contrôle des navires de plus de 500 UMS de charge puis des navires de plus de 24 mètres (navires classés). En réalité, les sociétés de classification possédaient déjà (BV) un niveau d'intervention important pour les navires de plus de 500 UMS car elles intervenaient dès la construction dans le cadre de la première côte de classification et émettaient des « statement of compliance » que les inspecteurs fonctionnaires recevaient et sur lesquels ils se basaient pour émettre leurs propres certificats. Ainsi, pour les navires non-délégués (navires à passagers), la France devait émettre les certificats d'efficacité énergétique sur les calculs de EEXI, EEDI, C2I mais, ne disposant pas de compétences nécessaires, les SCH faisant déjà les calculs, sont ces derniers qui émettent désormais le certificat. L'étendue de l'intervention des sociétés de classification habilitée (SCH) va plus loin. Elles se sont regroupées dans une association internationale IACS qui les représente dans le monde et surtout harmonise les textes de ces sociétés. Chaque SCH développe ses propres règles dit règlement de classe qui étaient considérés comme la partie privée de leurs activitées. Mais, ces règlements sont désormais rendus obligatoires dans deux conventions différentes : SOLAS et LOAD LINE. Dans le texte (voir Annexe 1), les sociétés de classification ont la primeur devant les réglementations nationales. Il pourrait être imaginé qu'un état se soit doté des mêmes outils techniques pour effectuer un travail de classification de navire. Dans le monde, seuls quelques pays ont des organisations étatiques capables d'effectuer un travail d'approbation d'équipements mais aucune organisation publique n'est en mesure de classifier des navires. L'harmonisation faite par l'IACS concerne une partie des textes des SCH. Dans ces textes (nommés UI, UR, REC, PR) sont appliqués par les sociétés membres de l'IACS, il s'agit souvent de règlement technique sur les navires mais pas seulement. Certains textes ont pour objectif d'interpréter les Conventions lorsqu'elles peuvent manquer de clarté pour l'application par les membres de l'IACS. Mais, souvent, certains textes se retrouvent dans des résolutions ou circulaires de l'OMI et sont repris in extenso. Parfois même, il s'agit de modification du corps du texte des Conventions. Le dernier exemple en date est la définition d'un « heavy load carrier » dans l'annexe 6 de la MARPOL. L'IACS a défini dans un texte (REC170) ce terme en mai 2022. En avril 2024, le comité MEPC de l'OMI produit une circulaire (MEPC.1/Circ.795/Rev.9) qui reprend in extenso la REC de l'IACS. Il est nécessaire d'avoir un regard critique sur cette pratique. Les SCH poursuivent leurs propres buts qui ne sont pas les mêmes que l'OMI et que les États du pavillon. Laisser autant de place à l'IACS ouvre la porte à des abus. Plusieurs enjeux pour les SCH, l'immunité de juridiction qui permet de pas être inquiété en cas de sinistre en mer grave en tant qu'elles agissent au nom d'un État. La maîtrise des règles qui influent sur la construction et le suivi opérationnel des navires. Et, la maîtrise des règles qui vont agir sur le contrôle de ces SCH par les États. Les SCH ont besoin d'État qui délèguent et donc qui n'ont pas toutes les compétences et d'armateurs affréteurs qui paient. La place des SCH est encadrée par le RO Code et le Code 3I (IMO INSTRUMENTS IMPLEMENTATION). Dans ces codes, il est demandé aux États du pavillon qui ont délégué de mettre en place un système de supervision de la délégation. Dans les faits, ces systèmes de supervision n'existe pas ou sont en gestation. Le Code 3I, ratifié par la France, dicte : « L'État du pavillon devrait établir ou participer à un programme de surveillance doté de ressources adéquates pour surveiller et communiquer avec ses organisations reconnues afin de garantir que ses obligations internationales sont pleinement respectées. » Dans ce système il faudra superviser, guider, surveiller, évaluer, renforcer. L'objectif de la thèse est d'étudier la place qu'ont pris les sociétés privées dans le droit de la mer.