Thèse en cours

Epistémologie de la réparation - De la souffrance à la connaissance - l'écriture et la recherche comme réparation

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Jean philippe marie Bouilloud
Direction : Jean-Philippe Pierron
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Philosophie
Date : Inscription en doctorat le 31/10/2024
Etablissement(s) : Bourgogne Franche-Comté
Ecole(s) doctorale(s) : SEPT - Sociétés, Espaces, Pratiques, Temps
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire de Recherches
établissement de préparation : Université de Bourgogne (1970-....)

Résumé

FR  |  
EN

De nombreux chercheurs en sciences sociales évoquent leur processus personnel de recherche en termes de « réparation », souvent aux détours d'un texte autobiographique ou d'un entretien. Mais comment passe-t-on de la souffrance à la connaissance ? Quelle est la valeur heuristique, épistémique, de cette connaissance ainsi produite ? A supposer que le récit soit valide, corresponde à une réalité, que pouvons-nous espérer savoir, dans ces conditions si singulières de production et d'énonciation de la connaissance ? Cette question, l'épistémologie (entendue ici comme étude et philosophie des connaissances scientifiques) se l'est peu posée, et elle apparaît essentiellement dans d'autres disciplines, comme la sociologie des sciences, ou l'histoire. Or il nous semble que c'est proprement une question épistémologique, en ce qu'elle intéresse la scientificité des connaissances ainsi produites. Ce qui nous intéressera ici, c'est d'essayer de voir, dans une perspective épistémologique, dans quelle mesure la recherche et l'écriture en sciences sociales ont à voir avec une notion de « réparation », et quels sont les mécanismes, enjeux, processus mais aussi productions de ces figures de la réparation. Le thème de la réparation a fait l'objet de nombreuses publications ces dernières années, en littérature (Gefen, 2017) et en droit (justice réparatrice ou restauratrice). En psychanalyse comme en droit, on évolue toujours à partir d'une situation initiale qu'il faut corriger, rééquilibrer, du fait d'un préjudice initial. Dans la perspective d'une « anthropologie philosophique de la réparation », Johan Michel a exploré quatre domaines ou points d'appui de la réparation : le vivant, l'esprit, la faute morale, la justice et l'histoire, mais la dimension épistémologique du processus de réparation n'est pas évoquée. Cette question de la réparation nous renvoie à la question ancienne des liens entre histoire personnelle et production intellectuelle : l'œuvre scientifique est-elle à prendre en compte en dehors de la vie de son auteur, ou au contraire doit-elle être comprise à l'aune de son existence et de sa trajectoire historico-sociale ? De nos jours, les travaux d'historiens des sciences n'ont cessé de resituer la pensée d'un chercheur dans le contexte à la fois personnel, historique et social dans lequel il évolue. Pourtant, il n'y a pas dans les grands auteurs internationaux en épistémologie, comme Popper, Fleck, Kuhn, Lakatos ou Feyerabend, de réflexion sur les liens entre vie vécue et production scientifique. Cependant, il semble aujourd'hui difficile de faire l'économie du contexte de production d'une recherche, surtout dans les sciences qui ont à voir avec le social, tant les modes, événements et manières de penser semblent encastrées dans une période, et tant la recherche apparaît comme une activité collective qui fait interagir institutions, équipes et individus. Si une philosophie de terrain s'emploie à interroger philosophiquement des situations ou des expériences, alors d'une « épistémologie de la réparation » semble se prêter facilement à une telle approche philosophique. Il s'agirait donc, en décalant ou spécifiant le regard, de contribuer à une « épistémologie de terrain », qui dialogue avec philosophie, histoire et sociologie des sciences. Une première étape portera sur un corpus purement épistémologique (Popper, Lakatos, Feyerabend, Kuhn, Holton, …). Dans une phase ultérieure, deux corpus seront principalement utilisés : un ensemble de textes autobiographiques de chercheurs en sciences sociales, et un corpus de chercheurs en début, milieu ou fin de carrière, que nous interrogerons.