Thèse en cours

La matière du silence. Photographies des camps de concentration franquistes en Espagne (1936-1947).

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Auteur / Autrice : Nicolas Combarro
Direction : Stéphane MichonneauRafael RODRíGUEZ TRANCHE
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2024
Etablissement(s) : Paris 12 en cotutelle avec Université complutense de Madrid
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Cultures et Sociétés
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CRHEC - Centre de recherche en histoire européenne comparée

Mots clés

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Résumé

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Cette thèse se concentre sur les camps de concentration désignés comme tels par le régime franquiste, que les recherches récentes évaluent à plus de 300 grâce à la documentation des archives militaires qui ont été récemment ouvertes en Espagne. Le régime appelait « camps de concentration » des structures qui accueillaient les individus considérés comme dangereux pour le régime, sans procès préalable ni consécutif à l'enfermement (à la différence du système purement carcéral). Ainsi, à côté des prisonniers de guerre républicain (auxquels s'ajoutent les brigadistes internationaux), on trouve tout individu ayant une quelconque affiliation avec la République (professeurs d'université, syndicalistes, fonctionnaires, hommes politiques, syndicalistes, etc.), ainsi que tout sujet dont le comportement est considéré comme potentiellement dangereux ou subversif par le régime : homosexuels, tziganes, etc. Bien entendu, les femmes (et leurs enfants) sont également internées dans ce réseau de camps. On estime qu'environ 700 000 personnes ont été emprisonnées dans ce réseau entre 1936 et 1947, date à laquelle le dernier des camps, à Miranda del Ebro, est fermé. Ces camps sont donc l'épicentre du système répressif en ce qu'il touche de nombreuses catégories de population. La question qui a le plus attiré notre attention est la relative absence de représentations imagées de ces espaces en Espagne, comme en témoigne le nombre réduit d'images photographiques ou audiovisuelles actuellement répertoriées (environ 700 images et 1 film). La plupart des images que nous trouvons se réfèrent aux prisonniers de guerre républicains, utilisées soit à des fins militaires, soit à des fins de propagande, mais toujours dans l'optique d'une exaltation des camps comme lieu de punition et de rédemption des troupes ennemies. Dans tous les cas, elles témoignent d'une vision extrêmement partielle et orientée de la réalité concentrationnaire. L'existence d'images des camps de concentration est sans doute plus abondante dans la période du début de la guerre civile, justifiant la concentration des prisonniers républicains comme une nécessité de guerre, mais au fur et à mesure que les camps deviennent des structures plus stables ou nouvellement construites, les images photographiques semblent se raréfier. Il s'agit donc de mesurer ce décalage en confrontant les sources visuelles aux autres nombreuses sources disponibles (inventaires des arrivées et des départs des prisonniers, 39 plans originaux de camp aux archives militaires d'Ávila, etc.). Il s'agira de comprendre les raisons de ce relatif silence des sources alors qu'après 1945, le régime franquiste lutte pour sa survie dans le contexte de la défaite de ses alliés fascistes. Il est aussi indispensable de confronter ces sources aux archives associatives ou privées où l'on peut retrouver quelques photographies des camps prises par les prisonniers. Ces contre-témoignages sont très utiles en ce qu'ils sont susceptibles de nous informer sur une autre réalité des camps : la faim, les mauvais traitements, la torture, la maladie, la mort. Un aspect important de la thèse consiste à comprendre les conditions de production de ces photographies : qui sont leurs auteurs ? Comment ont-ils accédé aux camps ? Une ultime question est celle de la vie de ces images par-delà l'existence des camps. A quoi servent ces photographies pour la dictature ? Quels sont leurs usages ? Sont-elles diffusées dans la presse et au prix de quelles transformations ? Sont-elles au contraire occultées ? Ces questions conduisent à comprendre pourquoi ces témoignages sont passés sous silence pendant la Transition démocratique espagnole (1975-1982) et pourquoi il a fallu attendre la promulgation de deux lois mémorielles (dite de la « mémoire historique » en 2007, puis de la « mémoire démocratiques » en 2023) pour commencer à traiter le sujet, même si de manière très balbutiante.