Thèse en cours

Héritages théologiques, renouveau intellectuel et accommodements post-conciliaires. Une histoire culturelle du « retour » jésuite au Viêt Nam (1957-2017).

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Auteur / Autrice : Thi Bich Ngoc Hoang
Direction : Pascal Bourdeaux
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire des religions et anthropologie religieuse
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2024
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École pratique des hautes études
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Groupe sociétés, religions, laïcités
établissement opérateur d'inscription : EPHE PARIS

Mots clés

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Résumé

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D'après les documents internes les plus anciens remontant à l'instauration des premiers vicariats apostoliques en terre d'Asie, jusqu'aux déclarations les plus récentes de l'assemblée des évêques du Viêt Nam, les missionnaires jésuites ont été les véritables fondateurs, bâtisseurs puis accompagnateurs de l'émancipation de l'Église catholique du Viêt Nam. L'on sait en effet que les premiers jésuites sont arrivés en Cochinchine (actuel Viêt Nam méridional) en 1615 et au Tonkin (région septentrionale) en 1627, alors que le pays était en proie à une guerre civile opposant les principautés Trịnh au Nord et Nguyễn au Sud. Pendant plus d'un siècle d'activités diverses menées au sein du Dai Viet (nom du royaume correspondant au Viêt Nam actuel), de 1615 à 1773, les jésuites ne se sont pas contentés d'évangéliser les populations locales, ils se sont également activement intéressés à culture vietnamienne. Ils ont même fondé les bases intellectuelles solides sur lesquelles vont se développer par la suite les échanges culturels entre l'Orient et l'Occident, entre l'Europe chrétienne et l'Extrême-Asie. Fidèles à leurs Constitutions et à leurs vœux, ces missionnaires suivirent la méthode qu'établit pour l'Asie Matteo Ricci (1552-1610). Il fut non seulement un des tous premiers jésuites envoyés en Chine mais aussi un pionnier de l'inculturation et un des pères fondateurs de la sinologie moderne. Dans le premier livre d'un de ses coreligionnaires, Christoforo Borri, Relatione della nvova Missione delli PP. Della compagnia di Giesv, al Regno della Cocincina (Roma, 1631), on trouve les tous premiers témoignages jésuites évoquant les succès – ou au moins les espoirs – de l'action évangélisatrice en Cochinchine et une description sommaire de ce monde jusqu'alors inconnue, à travers ses populations, ses us et coutumes, ses croyances et rituels. Les Jésuites ont également apporté tout un ensemble d'objets et d'idées européennes au Viêt Nam, aussi bien religieuses (théologie, missiologie), philosophiques (scolastique, thomisme, rationalisme moderne), que scientifiques spéculatives et expérimentales (notamment l'astronomie, les mathématiques, la médecine, etc.). Au Viêt Nam comme ailleurs, les premières monographies historiques consacrées aux débuts de la Compagnie de Jésus ont montré que les premiers émissaires, tels que Francisco de Pina, Gaspar d'Amaral et naturellement Alexandre de Rhodes ont été à l'origine de la romanisation de l'écriture sino-vietnamienne ancienne, autrement dit d'une véritable révolution des idées dont on perçoit encore aujourd'hui les effets puisque ce changement d'écriture qui visa initialement l'enseignement catholique a provoqué depuis le remplacement d'un système d'écriture par un autre et la lente émergence d'une nouvelle culture lettrée au fil des siècles. On distingue généralement deux périodes lorsqu'on évoque l'histoire jésuite: celle des origines (1539) à la dissolution de la congrégation par la Pape Clément XVI (1773) ; celle du rétablissement de l'ordre en 1814 par le Pape Pie VII à nos jours. Dans le cas spécifique du Viêt Nam, une même rupture existe mais cette dernière répond à de toutes autres logiques : Les quatre siècles d'histoire jésuite que le pays a célébré en 2015 se divisent en effet en deux périodes essentiellement : la fondation d'une histoire missionnaire qui dure de 1615 (arrivée d'Alexandre de Rhodes) à 1773 (dissolution) ; le « retour » jésuite tardif en 1957 en raison du renforcement de la prépondérance prise par la Société des Missions Étrangères de Paris dans l'œuvre d'évangélisation au Viêt Nam. Alors que de nombreux ouvrages ont étudié la première période de l'histoire jésuite au Viêt Nam, aucune étude universitaire, autre qu'apologétique, n'a encore été écrite à ce jour. D'où la volonté de combler ce manque et de concentrer l'étude sur la deuxième période de l'histoire jésuite au Viêt Nam, de 1957 à nos jours. Avant d'analyser l'ensemble des activités pastorales, enseignantes, liturgiques des Jésuites et leurs évolutions au cours des 7 dernières décennies, elle va devoir s'intéresser à la diplomatie religieuse pour comprendre comment la Congrégation a bénéficié d'une première reconnaissance par les autorités de la République du Viêt Nam en 1957, puis une seconde après la réunification du pays en 1975 et l'instauration de la république socialiste du Viêt Nam en 1976. À une échelle inférieure, l'étude doit analyser l'acceptation de ce « retour » jésuite par les autres congrégations catholiques (Dominicains, Franciscains, Carmélites déchaussés, bénédictins…), les sociétés missionnaires (MEP, mais aussi les organisations protestantes ou évangéliques) et naturellement la hiérarchie catholique vietnamienne. Ce retour a en effet ouvert le second chapitre de l'histoire jésuite vietnamienne après près de deux cents ans d'absence. La recherche sur cette période est ainsi cruciale puisqu'elle permet de découvrir une période marquée par les bouleversements politiques et sociaux majeurs de notre temps. Ce retour a répondu à une attente cumulée des Jésuites et des Vietnamiens. Après leur expulsion de Chine en 1949, les jésuites ont en effet été invités à s'installer au Vietnam, ce qui se produira après 8 années de travail préparatoire et uniquement au Sud du pays, pour s'occuper en particulier des réfugiés catholiques qui ont fui le Nord et la République démocratique du Viêt Nam en 1954 (di cu 54).