Thèse en cours

La démocratie substantielle

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Auteur / Autrice : Innocent Compaore
Direction : François Lecoutre
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit Public
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2024
Etablissement(s) : Orléans
Ecole(s) doctorale(s) : Sciences de la Société : Territoires, Economie, Droit - SSTED
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CRJP - Centre de Recherche Juridique Pothier

Mots clés

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Résumé

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La démocratie a souvent été perçue comme la représentation populaire, en ce qu'elle se manifeste par la participation des citoyens au choix de leurs gouvernants. Celà se traduit par le respect de procédures dites démocratiques comme l'organisation d'élection qui constitue une compétition politique à l'issue de laquelle le pouvoir est attribué. On voit donc apparaître à travers ces procédures l'idée d'une légitimation du pouvoir par le peuple dont il est censé obéir. La question qui se pose est celle de savoir si la démocratie se limite à la mise en œuvre des procédures démocratiques? Autrement dit l'essence de la démocratie réside-t-elle dans la satisfaction de règles de procédures? L'analyse de la doctrine permet de révéler une conception dite procédurale de la démocratie selon laquelle elle se justifie par le respect d'un ensemble de procédures. Pour Dahl par exemple, la démocratie constitue un système institutionnel de désignation. Cet auteur se propose de définir la démocratie à partir de deux éléments fondamentaux, la maximisation qui contient l'idée que la démocratie doit permettre d'atteindre une fin politique et la description qui sert à fixer les conditions d'élections. Cette vision procédurale de la démocratie est aussi défendue par Joseph Schumpeter, pour qui la démocratie renvoie à la compétition en vue de l'exercice du pouvoir politique mais aussi par Alf Ross pour qui la démocratie est une procédure, une méthode de désignation qui reflète la volonté du peuple qu'il considère comme un tout. Suivant cette conception, la démocratie c'est la loi de la majorité. Les tenants de cette conception refusent de reconnaître à la démocratie des fins substantielles comme par exemple l'égalité sociale et la justice. Cela paraît critiquable parce qu'elle réduit la démocratie à de simples questions de forme sans s'intéresser au contenu des décisions qui seront prises par les élus, même si les procédures doivent permettre de garantir l'égalité dans la participation, ce qui se caractérise par le fait que lors des élections toutes les voix aient la même valeur. Jürgen Habermas défend une conception procédurale de la démocratie, mais contrairement à Ross, il ne défend pas l'idée qu'elle repose sur la règle de la majorité. Pour lui la démocratie consiste en une procédure de discussion pour prendre les décisions publiques c'est pourquoi sa conception est qualifiée de démocratie délibérative. Ces discussions qu'il appelle de tous ces vœux peuvent aussi amener à prendre des décisions sur des questions substantielles. On peut donc convenir avec Florent Guénard que la démocratie procédurale n'est qu'un processus de formation de la décision sur des questions substantielles. Il est évident que la démocratie est une affaire de procédure, mais il est tout aussi évident de reconnaître qu'elle n'est pas qu'une affaire de procédure. Cette dernière peut être vue comme un degré primaire ou un degré minimal. La démocratie va au-delà des questions de procédure. Elle doit poursuivre d'autres finalités qui permettront d'asseoir une société juste. Dès lors on pourrait se poser la question de savoir comment se manifeste la démocratie véritable. Qu'est-ce qui détermine la démocratie? Ce questionnement permet de comprendre que la démocratie est fondamentalement substantielle et que son essence réside dans la poursuite des valeurs substantielles. La conception Maritanienne de la démocratie semble aller dans ce sens. Cet auteur développe une philosophie de la démocratie qui peut être qualifiée de substantielle, parce que dans sa conception, la démocratie renvoie à la recherche du bien commun. Il précise dans son ouvrage sur le Christianisme et la démocratie que la recherche du bien commun est une exigence rationnelle et montre l'importance des valeurs morales comme la justice et le respect des droits de l'homme dans la recherche de ce bien commun. Maritain montre que l'on doit voter des lois qui sont justes parce qu'il n'y a de désir d'obéir que lorsque c'est juste. Il faut selon cette conception prendre en compte la moralité du peuple qu'il estime nécessaire pour un régime démocratique. La démocratie selon lui n'est pas seulement une affaire de procédures, mais elle est aussi une affaire de convictions fortes. Ronald Dworkin précisait que la démocratie est un ensemble de procédés pour aboutir à des résultats qui seront justes. Il considère que la démocratie doit permettre de garantir l'égalité entre les individus. Il évoque l'idée d'une égalité d'impact qui renvoie à l'idée que l'opinion de chacun bénéficie d'un poids égal, l'égalité d'influence qui se traduit par le fait que l'on ai les mêmes chances d'influencer d'autres individus. Dworkin considère ces deux formes d'égalité comme imparfaites et préconise une autre forme qu'il désigne égalité dans l'attention qui consiste principalement à un partage équilibré des ressources. Chez Dworkin, cette dernière forme d'égalité revêt un caractère primordial qu'il faut nécessairement recherché. Suivant son raisonnement, on comprend que la démocratie est nécessairement substantielle, il montre qu'un régime démocratique doit permettre de garantir le respect des droits fondamentaux. Cette idée est très présente dans le raisonnement du juge européen des droits de l'Homme, au delà des questions de procédure, la Cour montre que la garantie des droits fondamentaux est nécessaire pour la démocratie, elle précise par exemple à propos de la liberté d'expression, qu'elle est l'un des fondements essentiels de la société démocratique. Le juge de Strasbourg vérifie non seulement le respect des droits prévu dans la convention pendant les périodes électorales notamment la liberté du débat politique mais elle s'assure de la participation des citoyens de façon équitable y compris les minorités dans la prise des décisions politiques. La jurisprudence de la cour permet donc de retenir qu'au-delà des procédures l'idée d'une conception substantielle de la démocratie y est présente. Dans le raisonnement du juge on remarque que les valeurs substantielles sont censées être respectées non seulement dans la procédure mais aussi lors de la prise de décision. Il est donc important que l'on approfondisse les réflexions sur la façon dont la démocratie se traduit et ce qui doit être mis en œuvre au-delà du respect des règles de formes afin que la démocratie soit dans sa forme la plus aboutie.