Thèse en cours

Nietzsche et la question du sens. Après le nihilisme.

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Auteur / Autrice : Ammar Zeifa
Direction : Bruno Haas
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Philosophie, Histoire de la Philosophie
Date : Inscription en doctorat le 01/10/1994
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Philosophie (Paris ; 1998-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'histoire des philosophies modernes de la Sorbonne (Paris ; 1983-....)

Résumé

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L’œuvre de Nietzsche a suscité un intérêt considérable au XXème siècle, et jusqu’à nos jours. La problématique du « nihilisme européen » – ou ce que Nietzsche a appelé plus largement le « problème du nihilisme » – est réapparue à de nombreuses reprises, notamment dans l’œuvre de Heidegger. Celle-ci qui a eu une grande influence à notre époque a repris cette thématique – avec la notion nietzschéenne de Sinnlosigkeit (« absence » ou « manque de sens ») – mais pour la retourner contre Nietzsche et la projeter sur l’histoire de la « Métaphysique », sur l’histoire de la philosophie occidentale depuis Platon. Avec le fil conducteur de la « question (du sens) de l’être », qui aurait été progressivement occultée et ensevelie, Heidegger, dans son exploration de « l’histoire de l’être », ira finalement jusqu’à considérer Nietzsche comme un événement ultime, comme le summum du nihilisme de la « Métaphysique occidentale », qui aura porté « l’oubli de l’être » à son paroxysme, inaugurant ainsi « l’ère de l’absence de sens » ou de « l’absurdité achevée ». Mais c’est précisément tout ce que Nietzsche critique, dans son œuvre, et dénonce par anticipation, ouvrant un tout autre horizon qui exige un travail de relecture philosophique considérable. En remettant en cause la validité de la « question de l’être » (du concept même d’« être ») – autant au sens métaphysique que heideggérien –, Nietzsche ouvre la voie à un possible inédit et à son projet fondamental de penser et de « surmonter le nihilisme » – que Heidegger a tenté aussi de reprendre, mais sans succès véritable. Si la « question de l’être » et l’histoire de son « oubli » ont mené à une sorte d’impasse ou d’immobilisme, il en est tout autrement de ce que notre époque n’a cessé d’appeler « la question du sens », qui continue de rayonner, ou de hanter la pensée contemporaine. En mettant l’un à côté de l’autre, ou l’un en face de l’autre, la question de notre époque et l’œuvre de Nietzsche nous éclairons aussi bien la trace indélébile laissée par le philosophe que ce qui hante et travaille plus ou moins consciemment les sociétés humaines aujourd’hui. En remettant au jour cette parenté profonde et mal reconnue entre l’œuvre et la question, en voyant comment elles s’éclairent réciproquement, nous rendons à la pensée toute son étendue, toute sa vie, avec des possibilités nouvelles, non encore élucidées. En remplaçant l’univocité de la « question de l’être » par la « question du sens » dans toutes ses dimensions, en découvrant comment ce remplacement est déjà à l’œuvre dans l’épistémè contemporaine, nous opérons un nouveau départ. Pour cela, il faut d’abord dire avec Nietzsche à quel point le nihilisme, justement, n’est pas un problème ontologique, il est un « état psychologique », psycho-physio-pathologique, « transitoire », un problème anthropologique, culturel, en un mot un « problème de civilisation », celle de l’homme « mondial », avec son présent trouble et troublant, et surtout son avenir étrange, paradoxalement, plus que jamais prometteur. L’économie et la société modernes dans leur fonctionnement global, surtout depuis le siècle des Lumières, et la « nouvelle religion » du commerce et de l’industrie, devenue « civilisation des affaires en déclin », se trouvent impliquées, concernées à la fois par la « maladie générale » et par la nécessité et la possibilité d’une mutation anthropologique qui aboutirait à ce que Nietzsche a pu voir et prévoir avant l’heure, et qu’il a appelé pour nous, « le sens de la Terre ». Les sciences de l’homme et de la société, et ce qu’on pourrait appeler « la philosophie de l’économie » trouvent ici étrangement un éclairage qui leur permet de savoir d’où elles viennent et où elles vont, et ce qui les motive fondamentalement. Et c’est comme s’il fallait désormais une nouvelle « écologie » humaine, une nouvelle « maison commune » de l’humanité, une nouvelle façon d’« habiter » la terre, l’espace et surtout le temps. La question du temps, de la temporalité ou plus exactement celle de « l’éternité » apparaît au bout du compte comme décisive, avec comme une affinité élective entre le « sens », celui de notre Terre, et cette étrange « éternité », ce qu’il a avait si souvent défendu comme dimension fondamentale universelle de notre humanité : le « non-historique », l’« extra-historique », le « supra-historique », tout ce qui dépasse nos maladies, surmonte notre ancienne « histoire », le « temps » lui-même, et constitue la principale leçon de la vie sur terre.