L'erreur chez les moralistes classiques
| Auteur / Autrice : | Raphaëlle Longuet |
| Direction : | Bénédicte Louvat |
| Type : | Projet de thèse |
| Discipline(s) : | Littératures françaises |
| Date : | Inscription en doctorat le 31/08/2024 |
| Etablissement(s) : | Sorbonne université |
| Ecole(s) doctorale(s) : | Littératures françaises et comparée |
| Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'étude de la langue et des littératures françaises |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Au seuil du Discours de la méthode, Descartes se considère « embarrassé de tant de doutes et d'erreurs », qu'il lui semble que toute son instruction n'a fait que révéler sa propre ignorance. Ce constat à la première personne traduit également l'esprit de ce début de siècle : les progrès techniques, l'exploration géographique et l'observation scientifique de la Renaissance ont affirmé au moins autant de vérités nouvelles, qu'ils n'ont révélé d'erreurs multiples. La « crise de la conscience européenne » dépasse le champ des sciences pour s'étendre à tous les domaines. Ce qui sera appelé, bien plus tard, le classicisme, naît en partie de cette crainte obsessionnelle de l'erreur et du désir impérieux de s'en préserver (par des règles, des autorités, une institution). Les critères du « clair » et du « distinct » mobilisés par Descartes trouvent leur écho dans le goût qu'affirme l' ge classique pour la « clarté » et la « netteté ». Le discours critique s'étaie sur des couples de notions mutuellement exclusives : il loue le clair, le vrai, le naturel ; il condamne l'obscur, le faux, l'artificiel. Souvent cités, dans la tradition scolaire, comme un parangon de cette esthétique, les uvres moralistes ont également l'erreur pour objet : ils révèlent la fausseté du monde (des lois et des coutumes, du mérite des puissants, des discours des hommes), mettent en scène ses acteurs contemporains (le libertin, le faux dévot, le courtisan), et recherchent les causes de l'erreur (l'imagination, l'amour-propre, la corruption des valeurs). Par son usage de la brièveté (de la maxime, de la fable, du caractère) et son goût de la définition (dont Pascal affirme qu'elle fonde sa rhétorique), on peut être tenté de voir dans le moraliste un héritier poétique de la méthode cartésienne. Cependant, ces ouvrages se caractérisent par leur liberté formelle. L'ordre, crucial dans la méthode cartésienne, semble souvent absent de ces recueils qui revendiquent la « variété » et l'usage d'une rhétorique originale (une « vraie éloquence »). Le présent travail a donc trois objets. Le premier, typologique, sera de dégager les grandes « erreurs de ce siècle » telles qu'elles se manifestent chez les moralistes, et la manière dont ceux-ci se proposent de les classer. Le second, esthétique, analysera le rôle voué à la clarté dans le style moraliste, et l'évolution de la représentation de l'erreur, du plaisir de l'illusion baroque à celui, classique, de son élucidation. Le troisième enfin, rhétorique, s'interrogera sur les causes de la fortune du discours moraliste à la fin du XVIIe siècle, qui acte le cloisonnement des domaines du savoir. Alors que Descartes, au début de son Traité des passions de l'âme, renonce à l'erreur qui consiste à aborder celles-ci « en moraliste », préférant la posture du « physicien », ceux que la critique littéraire qualifiera a posteriori de moralistes s'approprient l'erreur morale et la rattachent, durablement, au champ littéraire. Notre corpus comportera le Traité des passions de l'âme de Descartes, les Pensées de Pascal, les Réflexions ou sentences et maximes morales de La Rochefoucauld, les Fables de La Fontaine et les Caractères de La Bruyère.