Thèse en cours

La réputation en droit privé

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Julie Adam
Direction : Christophe RadeBruno Py
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit privé et sciences criminelles
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2024
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de droit
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CENTRE EUROPÉEN DE RECHERCHES EN DROIT DES FAMILLES, DES ASSURANCES, DES PERSONNES ET DE LA SANTÉ

Résumé

FR  |  
EN

Etre ou paraître ? N'en déplaise à William Shakespeare. La notion de réputation La réputation est une notion aussi courante que méconnue. Elle est sur toutes les lèvres mais personne n'en saisit réellement la teneur. Des cités défavorisées au cercle feutré des dirigeants d'entreprises, la réputation est scrutée, protégée, défendue, attaquée… C'est qu'à force d'en parler, on a fini par croire qu'elle relevait de l'évidence. Or, les apparences sont trompeuses : la réputation est une notion floue qui semble recouvrir mille réalités. Elle “ne se présente pas comme un objet d'étude aisément saisissable mais plutôt comme un fantasme, le chant d'une sirène qui nous entraînerait dans des eaux profondes pour nous noyer”. Seules quelques études savantes, relevant notamment de la sociologie et de la psychologie, ont esquissé les contours de ce qui représente « le désir le plus ardent de l'âme humaine », une soif de reconnaissance dépeinte par Adam Smith comme profondément ancrée dans les sociétés humaines. Plus parlant encore, selon le psychologue Philippe Rochat c'est la réputation qui fait l'être humain. Les juristes, pour leur part, ne s'y sont guère intéressés. Aucune analyse d'ampleur n'a été, à notre connaissance, réalisée sur le sujet. Pour l'essentiel, la réputation n'est envisagée, par les spécialistes du droit, que de façon morcelée, dans le champ de la liberté d'expression et de ses limites (celles instituées par l'article 10 de la CEDH ou par le droit pénal à travers les notions de diffamation, d'injure ou de dénonciation calomnieuses), ou dans celui de la concurrence déloyale. Intérêts de la recherche Or il est, a priori, au moins deux raisons de s'atteler à une étude générale de cette notion. La première : l'essor des réseaux sociaux et l'importance qui en découle de l'e-réputation. “Comme toutes les tempêtes, les vents mauvais de l'inquisition moderne commencent toujours par se lever sur les réseaux sociaux”. Dans les sociétés anciennes, celles ayant précédé l'avènement des réseaux sociaux, la réputation se faisait ou se défaisait, sur le long terme, et dans des « périmètres » nécessairement restreints. Sa protection (juridique) s'organisait logiquement autour de ces caractéristiques. Or, les réseaux sociaux ont réduit le temps (la calomnie est désormais à haute viralité) et ouvert l'espace (y faisant entrer le tribunal de l'opinion) de façon inédite dans l'histoire des hommes. Nous vivons l'avènement de ce “monde de silhouettes” que redoutait tant Albert Camus. Hypothèse peut être faite que ces changements ne peuvent rester sans conséquences sur les règles qui encadrent la réputation (et la valeur économique et sociale qu'elle représente). La seconde : La libération de la parole des femmes. Elle est chance et danger. Elle révèle l'ignominie et les effets systématiques de domination masculine. Le prémisse d'un horizon plus désirable. Mais libre et sans entrave, la parole est une arme qui peut détruire une réputation, une carrière et même une vie tout entière. « C'est un redoutable paradoxe : trop légère, la parole a le poids du plomb et peut entraîner, par le fond, celui qu'elle accable ». Aussi, si le souci de protéger la réputation ne saurait faire obstacle à la dénonciation de faits litigieux, elle ne peut (ne doit) rester sans effets quant à ceux qui ferait preuve de trop de légèreté. Questions Comment le droit, privé, se saisit-il de la réputation (impossible, a priori, de considérer qu'il ne s'en saisit qu'en la nommant. L'hypothèse ne peut être écartée, que le droit garantit la protection de la réputation sans, pour autant, la nommer expressément). La question en appelle maintes autres : quelle est la « substance juridique » de la réputation (qu'est-ce que la réputation pour le droit ; dans le droit) ? Quelle en est la ou les fonctions ? Est-elle l'objet d'un droit subjectif (le droit à la réputation) ou une simple norme objective de contrôle et d'évaluation de comportements soumis au juge ? Quel(s) types de rapports ce droit subjectif, à le supposer établi, entretient-il avec d'autres prérogatives consacrées par l'ordre juridique : le droit à la vie privée, le droit à l'honneur et à la considération, le droit à la dignité… La réputation est-elle notion autonome, ou simple vocable, soluble dans d'autres concepts ? Et puis, c'est tout autre chose, quelle est la teneur du droit de la réputation ? Comment le droit la protège t-elle ? Dans quels cas, en accepte-t-il le sacrifice ? Notre projet se propose de discuter ces différentes questions (et d'autres qui, sans doute, apparaîtront pendant l'avancée de nos travaux). L'analyse se veut ambitieuse, englobant différents champs du droit privé : droit du travail, droit de la responsabilité civile, droit de la propriété intellectuelle, droit pénal… Elle se propose également de saisir la réputation dans tous ses états qu'elle s'attache aux personnes (physiques ou morales) ou aux choses (corporels ou incorporels), qu'elle prenne figure classique ou numérique (e-réputation).