Femmes avec handicap intellectuel en institution : de la gestion du quotidien à l'organisation de la stérilité
Auteur / Autrice : | Estelle Veyron la croix |
Direction : | Albert Ciccone, Magali Mazuy |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Psychologie |
Date : | Inscription en doctorat le 23/09/2018 |
Etablissement(s) : | Lyon 2 |
Ecole(s) doctorale(s) : | EPIC - Education, Psychologie, Information et Communication |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CRPPC - Centre de recherche en Psychopathologie et Psychologie Clinique |
Mots clés
Résumé
La littérature scientifique met en évidence que les femmes accueillies en établissement médico-sociaux ne choisissent pas leur méthode contraceptive. En effet, ce sont les membres de la famille et/ou l'institution d'accueil qui prennent les décisions pour elles. Ce constat amène à se demander comment procède l'environnement pour cette prise de décision (Servais et al., 2002, Mc Carthy, 2009, Horner-Johnson et al., 2019, Retznik et al., 2021, Ledger et al., 2016, Sitbon, 2016). En effet, alors qu'un ensemble de Lois et de recommandations indiquent que le consentement de la personne doit être recherché et obtenu, s'agissant de toute décision la concernant, comment les institutions procèdent-elles pour imposer leurs décisions ? Et quels sont les effets de cette obligation contraceptive ? La méthodologie mise en oeuvre a comporté des observation ethnographiques au sein de 8 services médico-sociaux (3 foyers de vie, 3 foyers d'accueil médicalisé, 2 foyers d'hébergement), des entretiens avec 51 professionnels et 47 résidents (35 résidentes et 12 résidents), ainsi que des groupes de discussions avec les femmes hébergées. Les résultats mettent en évidence que le milieu institutionnel est opposé à l'accès à la maternité des femmes hébergés. En conséquence, les professionnels vont mettre en oeuvre des procédés discursifs et des pratiques invasives afin de convaincre et d'obliger les femmes à prendre une contraception. Cette contrainte contraceptive pèse sur la vie des femmes et présente des conséquences délétères directes sur leur sexualité et leur santé mentale. Afin de justifier ses agissements, l'institution avance principalement l'argument d'une protection des femmes contre le risque de grossesses non désirées (notamment issues de viols). Cependant, en focalisant toute son attention sur le contrôle de la fécondité des femmes, les foyers ne mettent en place aucune démarche de prévention des violences sexuelles et de prise en charge des victimes. Ainsi, contrairement à l'effet protecteur évoqué, la mise sous contraceptif obligatoire augmente la vulnérabilité des résidentes au risque de violences sexuelles. De plus, les pratiques d'emprise exercées par les professionnels sur l'intimité des femmes constituent des facteurs de stress traumatique importants générateurs de forte limitations de leur autonomie et de souffrances psychologiques. Notre travail permet ainsi d'identifier les processus en jeu dans les pratiques de négociations, de prescriptions et d'administrations de la contraception ainsi que leurs conséquences directes sur les femmes. Il aboutit au développement du concept de « violence contraceptive » qui permet de nommer un ensemble d'actes et d'effets jusque là invisibilisés. Cette recherche présente des implications en terme de santé publique puisqu'elle expose les difficultés rencontrées par les femmes handicapées concernant leur autonomisation sexuelle et le respect de leurs droits. Elle permet également d'engager la réflexion concernant la prise en charge de victimes présentant des troubles du développement intellectuel.