Défendre la ''vraie foi''. L'appropriation, l'application et lapropagation de la réforme tridentine par les catholiques des diocèses de Toul, Metz et Verdun à travers les livres de prières entre 1545 et 1610.
Auteur / Autrice : | Isabelle Riquet |
Direction : | Malcolm Walsby |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Histoire, Histoire de l'Art |
Date : | Inscription en doctorat le 18/10/2023 |
Etablissement(s) : | Lyon 2 |
Ecole(s) doctorale(s) : | ScSo - Sciences Sociales |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CGN - Centre Gabriel Naude |
Mots clés
Résumé
Les villes de Toul, Metz et Verdun ont la particularité de ne pas faire partie du royaume de France sous l'Ancien Régime. Entre le Xe et le XIIIe siècle, chacune d'entre elles obtient le titre de ville libre d'Empire : elles sont autonomes de par le fait qu'elles dépendent directement et uniquement de l'autorité de l'empereur du Saint-Empire romain et peuvent participer à la diète d'Empire. Ces diocèses conservent leur indépendance lorsqu'ils sont annexés sous le règne d'Henri II, dans les années 1550. Libérés de leur tutelle germanique, indépendants vis-à-vis de l'Église gallicane, les Trois-Évêchés de Lorraine font front commun contre le protestantisme dès le XVIe siècle. Soutenus par les autorités séculières et cléricales, les diocèses de Toul, Metz et Verdun développent dans les ateliers de presses lorrains les bases de la propagande de la réforme tridentine (ou Contre-Réforme). Idéologie issue de dix-huit années de débats au sein du Concile de Trente, la réforme tridentine est une réponse aux idées protestantes destinée à séduire les chrétiens d'Occident. Elle réaffirme son identité en soutenant notamment la doctrine des sept sacrements, celle du culte des saints et des reliques ainsi que le dogme de la transsubstantiation. Enfin, pour se différencier des offices protestants qui se déroulent en langue vulgaire, l'Église maintient sa liturgie en latin. Néanmoins, l'usage de cette langue et le fait que le prêtre tourne le dos à l'assemblée rend la messe peu accessible pour l'ensemble des fidèles, et donc peu séduisante contrairement au culte protestant. Les livres de prières publiés pendant et après la Réforme tridentine apportent une solution efficace à ce problème : bréviaires et missels proposent aux fidèles des prières à dire durant la messe, ou bien des explications et commentaires pour permettre de mieux comprendre la cérémonie. Outils de communication par excellence, les livres de prières permettent ainsi de renforcer le lien entre l'Église catholique et les fidèles, surtout pour ceux qui seraient tentés de se convertir au protestantisme. A Verdun, l'évêque Nicolas Psaume renforce même la théologie pastorale en rédigeant de nombreux textes de pastorale destinés à ses prêtres, dans lesquels il leur demande de donner une compréhension éclairée des sacrements qu'ils administrent aux fidèles. Durant le premier siècle de l'imprimerie, il n'est donc plus question de traiter le chrétien comme un croyant passif mais comme un être doté de questions et parfois de doutes que le prêtre se doit de disperser en apportant des réponses claires et satisfaisantes pour le jugement de son paroissien. En effet, avant de provoquer des conflits, la Réforme de 1517 suscite avant tout des questionnements chez tous les chrétiens d'Europe, que la presse à imprimer de charge de relayer. Devant tant d'ouvrages et de doctrines qui se contredisent, voire qui dénoncent les abus pluriséculaires d'une Église toute-puissante, la crise de foi de certains croyants se transforment en crise d'autorité qu'il faut éradiquer par tous les moyens. Le premier d'entre eux, et le plus souvent évoqué par les historiens, est la réponse politique ferme apportée l'Église catholique et les autorités séculières qui la soutiennent. En ce sens, le cas de la Lorraine est particulièrement documenté par Marie-Catherine Vignal Souleyneau1 qui met en avant la synergie zélée des ducs de Lorraine et des évêques de Toul, Metz et Verdun pour défendre la foi catholique. Des cas précis ont été découverts dans le monde de la recherche scientifique pour montrer les différents moyens mis en place par les hauts dignitaires de l'Église pour répandre les idées de la Contre-Réforme comme Nicolas Psaume, dont la politique pastorale a été abondamment décrite par Bernard Ardura2. L'intérêt de l'évêque pour l'imprimerie, nec plus ultra de la technologie à la Renaissance, est évoqué dans son article mais développé par Malcolm Walsby qui présente une stratégie de communication élaborée par Mgr. Psaume qui réunie les différents actes synodaux de son diocèse en un livre. A ce titre, le livre étudié en tant que vecteur d'idées religieuses novatrices à la Renaissance est un sujet qui a été exploré par les chercheurs avec beaucoup d'attention, notamment pendant la période des Guerres de Religion. En témoigne le livre de Jean Quéniart qui s'intéresse à l'appropriation de la culture de l'imprimerie et de l'écrit par les Églises réformées et l'Église catholique, qui établissent chacune des règles bien précises destinées à rallier le plus de chrétiens à sa cause4. En tant que contenu, la communauté scientifique est donc bien au fait des différentes doctrines théologiques et politiques développées dans les textes religieux du XVIe siècle, a fortiori dans les documents officiels rédigés et promulgués par les hautes autorités séculières et cléricales de la période. De même, dans leur aspect géographique, de nombreux travaux de recherches ont étudié la propagation desdites doctrines au sein de l'église gallicane5 et dans les églises réformées de France, en particuliers celles de Lorraine avec les travaux du professeur Jalabert. Cette thèse propose ainsi une approche novatrice de la propagation de la réforme tridentine en axant son étude autour de deux thématiques : la réception et la transmission de cette réforme par les fidèles et l'histoire du livre. En cela, elle s'inspire de l'ouvrage co-écrit par Malcolm Walsby, Rosa de Marco et Renaud Adam qui analyse les tenants et les aboutissants du développement de l'industrie du livre en faveur de la Contre-Réforme7. En se basant sur une étude matérielle des livres, l'histoire du livre est pourtant à même d'apporter des réponses novatrices en s'appuyant non seulement sur les textes de pastorales, les ouvrages de catéchisme, qui donnent des instructions aux prêtres de la génération de la réforme tridentine pour obtenir l'adhésion des fidèles, mais aussi les bréviaires et les missels qui dévoilent une appropriation intime de cette réforme.