Thèse en cours

Le partage du volant dans les couples : quels facteurs psychosociaux dans le partage du volant et du guidon chez les couples d'automobilistes ainsi que les couples de motards ?

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Auteur / Autrice : Seher Genc
Direction : Marie-Axelle GraniÉChristine Morin messabel
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Psychologie
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2023
Etablissement(s) : Lyon 2
Ecole(s) doctorale(s) : EPIC - Education, Psychologie, Information et Communication
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : MODIS - Mobilité durable, Individu, Société

Résumé

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Selon l'ONISR , en 2019, il y a eu 56 016 accidents corporels en France métropolitaine dont 3 244 personnes tuées sur la route. Parmi ces 3 244 morts (piétons, motards, conducteurs de véhicules de tourismes, véhicules légers etc.), 2 509 sont des hommes (soit 77%) et seulement 735 sont des femmes. Les hommes tués sur la route sont à 79% conducteurs de leur véhicule et seulement à 9% passagers (et 12% restants, piétons) tandis que pour les femmes, à 43% elles sont conductrices et à 31% passagères (26% piétonnes). Ces chiffres nous permettent de constater un écart important entre les hommes et les femmes ; les hommes plus souvent impliqués dans des accidents en tant que conducteurs et les femmes plus souvent victimes en tant que passagères. Pour comprendre ces différences entre les hommes et les femmes, plusieurs études ont été menées sur les facteurs psychosociaux (Degraeve et al., 2015; Granié, 2008, 2013, 2018; Guého, 2015; Pravossoudovitch, 2016). Il en ressort que les différences de comportements et de prise de risque entre hommes et femmes sont expliquées par l'adhésion aux stéréotypes de sexe généraux (masculins et féminins) mais aussi par les stéréotypes de sexe associés à la conduite automobile (Granié, 2013, 2018; Granié & Papafava, 2011). Il y a une socialisation genrée au risque et à la conduite, qui influence le rapport des individus à la voiture et à la conduite (Guého, 2015; Pravossoudovitch, 2016; Varet et al., 2018). La route est un lieu de socialisation et conduire une automobile est une activité stéréotypée masculine ; c'est un lieu de domination sociale mais aussi de démonstration de nos traits de caractère (virile, courageux, prudent...) à travers notre style de conduite (Granié, 2018; Vincent-Geslin, 2012). Il est démontré que plus les hommes adhèrent aux stéréotypes de sexe masculin associés à la conduite et plus ils adoptent des comportements dangereux au volant tandis que plus les femmes adhèrent aux stéréotypes de sexe féminin associés à la conduite et plus elles adoptent des comportements prudents et sécuritaires (Granié, 2018). Ces stéréotypes de sexe féminins et masculins, cette conformité aux stéréotypes, attentes et normes sociaux associés au sexe féminin et masculin sont notamment observés et étudiés dans d'autres domaines, à travers des activités tout autant stéréotypées que la conduite, comme par exemple, les tâches domestiques. En effet, les tâches domestiques sont des activités genrées féminin et plusieurs études (Brice et al., 2015; Cartier et al., 2018; Régnier-Loilier & Hiron, 2010; Ricroch, 2012) montrent que la répartition des tâches au sein du foyer est genrée : les femmes assument plus les tâches journalières telles que le linge, le repassage… tandis que les hommes assument plus les tâches occasionnelles telles que le bricolage. De plus, les statistiques de l'INSEE sur le partage des tâches domestiques dans les couples montrent que les femmes consacrent plus de temps aux tâches domestiques que les hommes y consacrent ; les femmes sans enfant consacrent 35h/semaine, les femmes avec enfant(s) consacrent 41h/semaine contre 27h/semaine pour les hommes sans enfant et 26h/semaine pour les hommes avec enfant(s). La diminution du temps consacré par les femmes aux tâches domestiques dans les dernières décennies n'est pas dû au fait que les hommes assument plus de tâches mais au gain de temps dû à l'utilisation des appareils électroménagers ou au fait de pouvoir faire appel aux services payants d'une tierce personne (Ricroch, 2012). Selon van der Vleuten et al. (2021), on observe une différence dans le partage des tâches domestiques, selon la composition du couple. Nous observons que les couples hétérosexuels (une femme et homme) sont moins égalitaires dans le partage des tâches que les couples de même sexe (deux femmes ou deux hommes). Néanmoins, van der Vleuten et al. (2021) nuancent cela en expliquant que les couples de femmes adoptent un partage plus égalitaire concernant les tâches domestiques contrairement aux couples d'hommes qui adoptent des comportements plus inégalitaires pour effectuer ces tâches ; les chercheurs observent que dans les couples de deux femmes et de deux hommes, les individus ont tendance à se conformer aux rôles de sexe masculin et féminin et aux attentes liés à ces deux sexes. D'autres études (Brice et al., 2015; Cartier et al., 2018; Régnier-Loilier & Hiron, 2010; Ricroch, 2012), montrent que le partage des tâches domestiques varie selon plusieurs effets. Un effet générationnel : les jeunes couples sont plus égalitaires dans le partage que les couples âgés car ils remettent plus facilement en cause le schéma traditionnel du partage et des stéréotypes de sexe associés au tâches domestiques. Un effet de l'arrivée d'un enfant dans le couple : quelle que soit la composition du couple (homme et femme, deux femmes, deux hommes), ces études montrent que l'arrivée d'un enfant a un effet sur le partage des tâches domestiques ; même si le partage est égalitaire, l'arrivée d'un enfant bascule cela et les couples entrent plus facilement dans un schéma traditionnel de la vie de famille – et du partage des tâches domestiques – avec un partenaire centré sur le foyer (qui s'occupera davantage de l'enfant et du foyer familial) et l'autre partenaire tourné vers « l'extérieur » (qui s'occupera de gagner de l'argent afin de nourrir sa famille et la protéger). Ces études démontrent aussi un effet de la CSP sur le partage des tâches domestiques : les couples de CSP inférieures restent dans un schéma plus traditionnel de la famille et des partages (les femmes s'occupent seules du foyer et les hommes travaillent et gèrent les tâches occasionnelles telles que le bricolage) tandis que les couples de CSP supérieures tendent à un partage plus égalitaire des tâches. De ce fait, les différents stéréotypes de sexe associés au contexte routier (comportements au volant, notamment à risque) et associés au partage des tâches domestiques nous poussent à nous questionner sur le partage du volant dans les couples ; nous connaissons les stéréotypes de sexe associés à ces deux activités genrées, l'une masculine et l'autre féminine, cependant que se passe-t-il lorsque les couples prennent le volant ensemble ? Il est nécessaire de comprendre quels facteurs psychosociaux (stéréotypes, normes, croyances…) entrent en compte lors de la négociation du partage du volant. Nous nous attendons donc à observer, pour les hommes, un effet de la conformité aux traits, stéréotypes, rôles de sexe, normes associés au sexe masculin sur leurs participations aux tâches : les hommes assumeront des tâches dites masculines telles que le bricolage, l'entretien du véhicule (auto ou moto) mais aussi à ce qu'ils monopolisent davantage la conduite (auto/moto) en la présence de leurs partenaires/familles. A l'inverse, nous nous attendons à observer, pour les femmes, un effet de la conformité aux traits, stéréotypes, rôles de sexe, normes associés au sexe féminin sur leurs participations aux tâches : les femmes assumeront des tâches dites plus féminines telles que : la lessive, le repassage, les courses mais aussi à ce qu'elles laissent davantage leurs partenaires prendre le volant en leur présence. L'étude qualitative que nous avons mené dans le cadre de notre mémoire de recherche de Master 1 (Genç, 2022) avait pour objectif d'explorer les facteurs explicatifs du partage du volant avec, en point d'appui et de comparaison, le partage des tâches domestiques dans le couple. Il ressort des 12 entretiens dyadiques menés auprès de couples mixtes que le partage du volant, tout comme le partage des tâches domestiques, est genré. En effet, le partage du volant est genré masculin et les hommes, dans leur couple, prennent plus souvent le volant en compagnie de leur famille et/ou de leur partenaire (que ce soit pour des trajets courts ou longs). Les femmes, quant à elles, prennent plus souvent le volant pour les besoins de leur famille ou de leur foyer (rendez-vous, courses, accompagner une personne). Demoli & Gilow (2019) parlent dans cette situation, de “mobilité féminine”, fortement associée au travail de “care”. Selon une enquête de mobilité sur le partage du volant menée par MODIS et DEST, financée par le BQR AME, auprès d'un échantillon de 1500 participant.es en couples, avec 51% de femmes et 49% d'hommes, les hommes prennent davantage le volant que les femmes, quel que soit le motif et la longueur du trajet et décident plus fréquemment qui prendra le volant lors des trajets en commun. Ces premiers résultats sur la mobilité partagée en France confirment l'intérêt de comprendre quels sont les facteurs déterminant le partage du volant dans les couples. Ce projet de thèse aura pour but la compréhension autour du partage du volant chez les couples d'automobilistes à travers un regard psychosocial ; nous serons aussi à l'initiative de systématiser nos méthodes d'études sur un autre moyen de mobilité, la moto, avec pour but de comprendre quels mécanismes psychosociaux entrent en compte dans le partage du guidon dans les couples. Nous chercherons donc, grâce à ce projet de thèse, à mettre en lumière les différents facteurs qui peuvent être une entrave à la sécurité routière. Cette enquête nous permet donc d'avoir des chiffres, de quantifier, et d'observer qu'il y a un manque de partage du volant évident dans les couples. Ce projet de thèse aura pour but la compréhension autour du partage du volant chez les couples d'automobilistes à travers un regard psychosocial ; nous serons aussi à l'initiative de systématiser nos méthodes d'études sur un autre moyen de mobilité, la moto, avec pour but de comprendre quels mécanismes psychosociaux entrent en compte dans le partage du guidon dans les couples. Nous chercherons donc, grâce à ce projet de thèse, à mettre en lumière les différents facteurs psychosociaux qui influencent les comportements des individus au volant (et dans le partage) et qui peuvent être une entrave à la sécurité routière, les hommes mourants plus en tant que conducteurs et les femmes étant plus souvent tuées en tant que passagères des hommes.