Thèse en cours

Une recomposition politique au sein Parti démocrate?: l'influence électorale des Democratic Socialists of America (DSA) au niveau municipal et des états, New York et Michigan, 2000-2020

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Alisen Boley
Direction : Olivier RichommeAmbre Ivol
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Etudes anglophones
Date : Inscription en doctorat le 13/12/2022
Etablissement(s) : Lyon 2
Ecole(s) doctorale(s) : 3LA - Lettres, Langues, Linguistique et Arts
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : TRIANGLE - Action, discours, pensée politique et économique

Résumé

FR  |  
EN

Mon projet de thèse a pour objectif d'étudier comment les militant.e.s se définissant comme progressistes pèsent sur l'équilibre idéologique du Parti démocrate à différentes échelles (nationale, étatique, municipale), grâce à la mise en œuvre d'une stratégie orientée en direction de candidats sélectionnés dans le cadre d'élections municipales et de celles organisées à l'échelle des états. Ce travail s'intéressera à l'organisation politique dénommée Democratic Socialists of America (DSA) présente dans deux États différents, New York et le Michigan, sur une période de vingt ans, allant de 2000 à 2020. Ce projet postule que les nouveaux membre, comme Alexandria Ocasio-Cortez (NY) et Rashida Tlaib (MI), furent élu.e.s à la suite d'efforts concentrés et ciblés nés de comités d'action politiques (Political Action Committees : PACS), et impulsés par des activistes et des organisations politiques spécifiques liées aux instances gouvernementales locales. Contrairement aux partis politiques dont le but consiste à contrôler la direction du gouvernement, les organisations politiques sont des associations d'individus essayant de faire progresser une ou plusieurs causes politiques. Les organisations politiques représentent une catégorie de groupe qui est plus large que les partis politiques car ces réseaux ne recherchent pas le pouvoir institutionnel pour eux-mêmes. Plus généralement, leurs membres s'engagent dans un travail pratique et de formulation de strategies afin de faire avancer leur(s) cause(s) de différentes façons. Les activistes politiques sont des individus qui essayent de provoquer un changement. L'activisme politique peut prendre plusieurs formes, comme par exemple: la création d'un comité d'action politique indépendant, la formation d'un mouvement citoyen ou simplement l'action bénévole tournée vers une campagne électorale. Ce projet étudiera principalement les activités politiques et les stratégies électorales issues de divers comités de DSA dans l'État de New York et dans le Michigan. De plus, ma recherche se focalisera sur la période de 2000-2020 avec l'intention d'étudier et d'analyser la trajectoire politique des DSA en tant que telle. Longtemps reléguée en marge de l'échiquier politique, l'organisation est récemment devenue la plus importante structure porteuse d'idées socialistes aux États-Unis. Cadre théorique Cette thèse analysera comment les acteurs politiques non affiliés au Parti démocrate ciblent les élections à l'échelle des comtés, des municipalités, et d'état afin d'impulser un changement institutionnel et sociétal. Ce projet de recherche puise dans le travail politiste de Kathleen Bawn et ses collègues (2012), qui postule que les groupes de pression et les activistes sont les acteurs principaux visant le développement de programmes communs et opérant des choix de candidats en fonction de leur fidélité envers ces programmes. Cette perspective diffère d'autres théories axées sur les partis politiques qui tendent à se focaliser surtout sur les hommes et les femmes politiques, les considérant comme les acteurs principaux. La théorie de Bawn postule que les partis politiques sont contrôlés par des groupes extérieurs et affirme que les partis politiques américains sont donc moins réactifs aux préférences des électeurs. Mon projet ne réfute pas la théorie de Dawn mais au lieu de se concentrer sur la réactivité du parti vis-à-vis des préférences des électeurs, mon étude se focalisera sur la question suivante: comment les militant.e.s se définissant comme progressistes pèsent-ils sur l'équilibre idéologique du Parti démocrate au niveau national, grâce à la mise en œuvre d'une stratégie orientée en direction de candidats choisis lors d'élections municipales et à l'échelle de l'état ? De plus, ce projet prendra en compte d'autres théories existantes, telles que Party Factions de Daniel DiSalvo, Electoral Political Parties de Marty Coen et. Al., et Political Ideologies and Political Parties de Hans Noel, en supposant que ces dernières tendent toutes à laisser de côté le rôle important joué par les législations locales et étatiques dans le cadre de la politique nationale. En effet, pendant que les acteurs principaux (les groupes de pression et les activistes politiques) développent des programmes communs, le pouvoir politique des États fédérés (ainsi que l'identité des partis politiques étatiques se développant dans un État donné), peut significativement influencer la politique au niveau national. Une telle dynamique fut à l'œuvre au sein du Parti républicain suite à la création en interne d'une faction appelée Tea Party. Le Tea Party est un mouvement né en 2009 ; il a refusé de se structurer en tant que parti mais a favorisé une recomposition politique au niveau local. Ses représentants ont eu tendance à représenter l'extrême droite au sein du Parti républicain. De 2010 à 2015, les Républicains ont réussi à gagner 12 % des législatures d'État, en partie grâce à la montée des candidats du Tea Party. En ce qui concerne le Parti démocrate, lors des élections de mi-mandat en 2018, un nombre sans précédent de candidats se déclarant progressistes se sont présentés aux primaires du Parti démocrate dans tout le pays. Ce mouvement progressiste renouvelé a émergé à la suite de la candidature de Bernie Sanders aux primaires présidentielles de 2016 et a été le moteur de victoires électorales très visibles, comme celles d'Alexandria Ocasio-Cortez dans l'État de New York et d'Ayanna Presley dans le Massachusetts. Cette dynamique s'est poursuivie lors des élections de mi-mandat de 2020. Le réajustement de la théorie de Dawn nous conduit à formuler l'hypothèse suivante : plutôt que d'être façonné par l'élan progressiste actuel au sein du Congrès, le Parti démocrate est de plus en plus influencé par des groupes extérieurs qui désignent des candidats restant fidèles à leur programme au niveau local et étatique. Alors que ces divers groupes et individus extérieurs ont de multiples priorités, leur objectif de base est la mise en œuvre d'une législation progressiste, éloignant ainsi le Parti démocrate de sa stratégie plutôt centriste (consolidée dans les années 1990). Ce projet de recherche vise à documenter et à analyser l'influence du mouvement progressiste sur l'idéologie du Parti démocrate à travers ses efforts concentrés visant à contrôler des législatures des états et des municipalités. L' État de New York et du Michigan: 2000-2020 L'État de New York et le Michigan représentent des études de cas intéressantes en raison de leur histoire politique unique et de leur situation politique actuelle. L'infrastructure actuelle du parti politique de New York remonte au 20ème siècle. En effet, dans l'Etat de New York, le Parti démocrate reste le parti dominant. Cela signifie que le Parti républicain et les autres partis plus marginaux ne concurrencent pas les Démocrates lors de la plupart des élections. Depuis 2010, des groupes progressistes, tels que les DSA, le Working Families Party et les New York Communities for Change, tentent de remplacer les membres des conseils municipaux et de l'assemblée législative de l'État de New York par leurs propres candidats. En 2020, le candidat soutenu par les DSA, Zohran Mamdani, a battu la candidate sortante, en place depuis douze ans, Aravella Simotas, dans le 36e district de l'Assemblée de New York. NYC-DSA est récemment devenu un acteur politique majeur. Bien que le Michigan ne soit pas aussi unipolaire que New York en ce qui concerne la domination de certains partis politiques, le Michigan possède le système électoral le plus décentralisé de la nation. C'est l'un des 20 États de la nation qui maintiennent un niveau de gouvernance de type municipal. Ce fonctionnement très décentralisé signifie que le contrôle du gouvernement local est d'une grande importance. Par exemple, en 2012, le Parti républicain a contrôlé le redécoupage électoral et disposait d'une majorité de 14 -7 au sein des délégués de la commission d'Oakland County. En 2021, pour la première fois en un demi-siècle, le Parti démocrate bénéficia d'un avantage de 11-10 et contrôla le redécoupage des circonscriptions électorales des comtés. Même si le Michigan a pris des mesures pour lutter contre le redécoupage abusif des circonscriptions électorales (le gerrymandering) grâce à l'Independent Redistricting Commission, cela ne s'applique qu'au niveau étatique et du Congrès, et non au niveau des comtés. Cela signifie donc que le parti qui contrôle le redécoupage des circonscriptions électorales des comtés peut faciliter la victoire de ses propres candidats au niveau local. Au niveau national, l'État de New York et le Michigan ont élu de nouveaux membres à la Chambre des Représentants, Alexandria Ocasio-Cortez (NY) et Rashida Tlaib (MI), deux figures emblématiques de la jeune aile progressiste du Parti démocrate, et qui sont toutes les deux soutenues par DSA. Ce projet enquêtera davantage sur les élections au niveau de l'État et des municipalités afin de déterminer si les organisations politiques influencent effectivement les législatures des États et des municipalités. Par exemple, combien de candidats soutenus par les DSA se présentent aux élections ? Les sujets de prédilection des DSA sont-ils ajoutés à des programmes politiques du Parti démocrate local ? Est-ce que des propositions de loi plus progressistes sont proposées et adoptées par rapport aux agendas électoraux passés ? Ce projet de recherche analysera vingt cycles électoraux commençant en 2000 et se terminant en 2020. Afin de comprendre complètement l'impact historique et politique des DSA, il est impératif d'étudier l'activité du groupe sur le temps long, en remontant à une époque de marginalité mettant en contraste son passé insignifiant avec l'influence acquise au cours des deux premières décennies du 21ème siècle. Cela nous permettra de comparer les stratégies électorales employées par les DSA sur une large période de temps, des années 1980 à 2020. Un certain nombre de questions émergent ainsi : comment les objectifs politiques des DSA ont-ils évolué au fur et à mesure que le nombre de leurs membres augmentait ? Comment leur relation avec le Parti démocrate a-t-elle changé au cours de cette période de vingt ans ? Comment leur présence plus large d'activisme de terrain a-t-elle influencé les stratégies électorales locales ? Ce projet documentera et analysera les stratégies électorales des DSA, leur signification historique, les succès et les échecs électoraux dans l'État de New York et dans le Michigan sur une période de vingt ans, afin de bien comprendre le(s) rôle(s) et l'influence politiques du groupe. Les Démocratic Socialists of America et le Parti démocrate La genèse des DSA est enracinée dans l'influence de la politique traditionnelle. DSA s'est formé en mars 1982 par la fusion de deux groupes socialistes issus des années 1970 : le Democratic Socialist Organizing Committee (DSOC), dirigé par Michael Harrington, et le New American Movement (NAM), dirigé par Ronald Radosh. À l'origine, le DSOC espérait « (…) construire la gauche des années 70 » et expliquait son programme en ces termes : «Nous devons aller là où se trouve le peuple, c'est-à-dire l'aile gauche du Parti démocrate ». Fondé en 1971, le NAM était « engagé dans une perspective traditionnelle de nouvelle gauche et dans l'organisation d'un nouveau tiers parti » . Il était ancré dans une «vision socialiste démocratique. » La fusion DSOC-NAM dans les années 1980 a tenté d'unir les forces de gauche afin de « renouveler l'attention portée aux élections ». Cependant, des factions au sein du Parti démocrate avaient déjà commencé à tirer l'idéologie du Parti vers la droite. Dès 1980, une faction du Parti démocrate préconise une alternative au libéralisme du New Deal du Parti démocrate. La philosophie du New Deal reposait sur les principes de la centralisation fédérale : prendre un rôle dans l'économie nationale par le biais de la planification macroéconomique afin de contenir les excès de l'industrialisation et de compenser les échecs du capitalisme. Cette faction, les Nouveaux Démocrates, a déclaré : «Les vieilles croyances du Parti, le progressisme du New Deal, a fait son temps…» En 1992, William «Bill» Clinton, un Nouveau Démocrate, a remporté la primaire présidentielle du Parti démocrate et a battu le républicain sortant George H. W. Bush. Les Nouveaux Démocrates ont défini des positions distinctes qui s'écartent du courant dominant du Parti. Ils rompent avec les syndicats et prônent le libre-échange et la réduction des déficits comme les meilleurs moyens de stimuler la croissance économique. À la fin des années 1990, le Parti démocrate est un parti à tendance centriste. Entre-temps, les DSA ont eu peu d'influence lors des élections de 1984, la Rainbow Coalition de Jesse Jackson ayant éclipsé les DSA en tant que force majeure de l'aile gauche du Parti démocrate. Dans les années 1990, les DSA sont réduites à un groupe de débat et ont peu d'influence au sein du Parti démocrate. Malgré la présence réduite de l'organisation au niveau national, le groupe avait une formidable présence locale dans quelques villes, notamment Chicago. Au niveau national, les DSA ont continué à avoir peu d'influence jusqu'à la campagne présidentielle de 2016 de Bernie Sanders. Bernie Sanders, qui se présente comme un socialiste démocrate, a perdu la primaire du Parti démocrate face à la « Nouvelle Démocrate » Hillary Clinton en 2016. Cependant, la défaite de Sanders, ainsi que la victoire du Républicain Donald Trump à la présidence ont alimenté la récente ré -émergence de la gauche. Le nombre de membres des Socialistes Démocratiques en Amérique a considérablement augmenté et représente actuellement la plus grande organisation socialiste des États-Unis, avec plus de 92 000 membres et des branches locales dans les cinquante États. Actuellement, l'objectif déclaré des DSA est de construire des sections locales afin de maîtriser la fonction d'un parti indépendant de l'influence de l'implantation du Parti démocrate. Ses membres concentrent leurs efforts d'organisation sur les campagnes législatives et les initiatives de vote au niveau municipal et de l'État. Les DSA fonctionnent à la fois au niveau national et local. Le groupe dispose d'un Comité politique national qui constitue sa principale direction politique. Il s'agit d'un organisme de seize personnes qui fait office de conseil d'administration et qui est élu tous les deux ans par les délégués des DSA. Au niveau local, les membres des DSA créent des sections basés dans les villes. Ces branches politiques locales se concentrent sur l'organisation électorale à échelle municipale et s'attachent à recruter et à soutenir des candidats. Le groupe gère également un programme de terrain basé sur le volontariat dans le but de renforcer les moyens qui s'étendent au-delà du cycle électoral. Dans le Michigan, l'organisation gère actuellement six sections locales et un comité d'organisation dans sept villes différentes. Dans l'État de New York, les DSA gèrent treize sections couvrant les principales villes et régions. Les sections majeures tels que New York City et Capital District, ont des branches individuelles qui couvrent différents lieux géographiques à l'intérieur même de la section. Cette étude analysera les stratégies politiques des DSA au niveau de l'État et des municipalités afin de déterminer si, effectivement, les efforts concentrés cette organisation affectent sensiblement le positionnement idéologique du Parti démocrate. Par exemple, les propositions des DSA, telles que le droit au logement, la politique fiscale et budgétaire progressiste ou le Green Deal, pour n'en citer que quelques-unes, sont-elles intégrées au programme du Parti démocrate, mises en avant lors de discours importants ou ajoutées aux programmes législatifs ? Questions pertinentes: Quel rôle jouent les politiques locales en influençant l'identité idéologique de la direction du Parti démocrate ? Comment les stratégies diffèrent-elles lorsqu'une organisation politique travaille activement en dehors du Parti démocrate ? Quel est le rôle de la politique locale et étatique dans le cadre de la politique nationale du parti ? Dans quelle mesure les stratégies politiques peuvent-elles différer au niveau local et étatique, par rapport aux directives politiques établies au niveau national/fédéral ? Comment les groupes extérieurs contrôlent-ils le processus de nomination des candidats au niveau local ? Quels rôles peut-on attribuer aux organisations politiques, aux comités d'action politique et à certains militants politiques dans la politique électorale des municipalités et des États ?