Thèse en cours

Les polytechniciens. Cultures professionnelles et relation aux territoires (1794-1960)

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Auteur / Autrice : Sam Couqueberg
Direction : Julie Andurain (d')
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2024
Etablissement(s) : Université de Lorraine
Ecole(s) doctorale(s) : HNFB - Humanités Nouvelles-Fernand Braudel
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CRULH - Centre Régional Universitaire Lorrain d'Histoire

Résumé

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En 1794, de la fondation de l'École Polytechnique émerge une élite d'ingénieurs et d'officiers. A partir d'un corpus comprenant l'ensemble des 25 000 polytechniciens des promotions de 1794 à 1940, cette thèse explore l'histoire de leurs cultures professionnelles, en lien avec leur cœur de métier : la transformation des territoires. Le premier enjeu est de comprendre les conditions historiques d'émergence de l'idée d'une « grande famille polytechnicienne », groupe socio-professionnel à l'esprit de corps particulièrement développé. L'esprit de corps se comprend comme un ensemble de moyens collectifs permettant de lutter pour les intérêts du groupe, qui se matérialise différemment selon le contexte. De là, l'idée paradoxale d'une 'grande famille' alors que d'autres estiment que les militaires forment une société dans la société et les civils un groupe à part. Le deuxième enjeu est de saisir l'unité et les différences dans les cultures professionnelles de ces ingénieurs, pour certains dans les Mines, pour d'autres aux Ponts et Chaussées, dans le Génie militaire ou l'Artillerie. On s'intéressera également aux démissionnaires, souvent en lien avec leurs collègues restés dans la fonction publique. Se distinguent-ils de leurs collègues « fonctionnaires » ? Comment tous ces « X » travaillent-ils ? Ce questionnement relève donc de l'histoire du travail, du point de vue de ceux qui disposent du monopole du commandement dans leurs administrations, et des capitaux dans les entreprises. Le troisième enjeu est d'appréhender les interactions des polytechniciens entre eux et avec la société. Nous voulons comprendre leur inscription dans des territoires dont ils sont les aménageurs. Nous cherchons les origines de la pensée aménagiste en France : facteurs d'émergence, premières structurations en réseaux, mise en œuvre concrète des politiques. La maîtrise du temps et d'outils statistiques nouveaux conditionne la naissance de ces techniques administratives modernes. Le corollaire économique de l'aménagement des territoires est la planification : le groupe X-Crise témoigne de l'intérêt des polytechniciens pour ces nouvelles politiques après la crise de 1929, au sommet de l'Etat. Nous partons de l'hypothèse que ce groupe n'est pas le premier à promouvoir ces techniques de gouvernement. Comme pour les aménagistes, nous voulons identifier la première génération polytechnicienne à s'intéresser à ces questions et comprendre comment et pourquoi l'on passe d'une génération à l'autre : changement de régime, guerre, réformes. On s'intéressera donc aux modalités de l'engagement politique polytechnicien.. Engagement 'en politique', pour ceux qui sont ministres, députés, maires ou membres de cabinets. Engagement 'politique' pour ceux qui prennent part, dans le cadre de leur travail, à la transformation de l'organisation des hommes en société. Le poids du système polytechnicien dans les évolutions sociales – mérite et concours, fonctionnarisation et uniformisation des administrations – nous interroge sur sa capacité à s'établir comme un modèle professionnel à suivre. Dans ce processus, les polytechniciens ont-ils occupé un rôle de décideur ou de conseil ? Le ministre Charles de Freycinet, « bâtisseur de la République » est-il un « profil-type », ou les « X » sont-ils plutôt dans l'ombre des cabinets ministériels ? Cette thèse considère donc le développement de l'Etat français, qui s'appuie sur des « experts » aux capacités de transformation massive des territoires. Les polytechniciens ont participé de l'essor d'une modernité fondée sur le progrès technique et l'industrie. Ils ont contribué à façonner un Etat de plus en plus puissant, tantôt qualifié de bureaucratique ou technocratique. Cette prosopographie n'entend donc pas documenter l'anonyme ni le « grand homme », mais les polytechniciens qui ont fait de leur cœur de métier, la transformation des territoires, une technique de gouvernement à une échelle plus vaste et sur un temps plus long.