Thèse en cours

La philosophie du sujet chez ludwig wittgenstein et maurice merleau-ponty.

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Triangle exclamation pleinLa soutenance a eu lieu le 29/05/2015. Le document qui a justifié du diplôme est en cours de traitement par l'établissement de soutenance.
Auteur / Autrice : Matthias Heuser
Direction : Sandra Laugier
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Philosophie (métaphysique, épistémologie, esthétique)
Date : Inscription en doctorat le 18/02/2010
Soutenance le 29/05/2015
Etablissement(s) : Amiens
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale en Sciences humaines et sociales (Amiens)

Résumé

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On trouve un nombre étonnant de références à wittgenstein dans la littérature consacrée à merleau-ponty. ces références restent pour la plupart ponctuelles et accessoires, mais leur nombre témoigne d'une intuition répandue d'une parenté entre les deux philosophies. même s'il est vrai qu'on peut relativement facilement mettre en rapport des analyses isolées des deux philosophes, il convient de rester prudent à l'égard de ces tentatives afin de ne pas éclipser les arrière-plans très hétérogènes dans lesquels ils s'inscrivent. la facilité avec laquelle des rapports se tissent devrait nous rendre plutôt circonspect et peut-être même réservé. une grande obscurité règne encore quand l'on tente d'élaborer un véritable dialogue en profondeur entre merleau-ponty et wittgenstein. il s'agit d'étudier dans le détail la parenté de ces deux philosophies tout en les replaçant dans leur contexte. dans le désir de contribuer à éclaircir cette obscurité, je conçois ce projet de dissertation comme une contribution spécialement à deux champs de problèmes entrelacés qui jouent à juste titre un rôle important dans les débats actuels philosophiques et ce en france comme en allemagne : la philosophie du sujet d'une part, la philosophie du langage « anthropologique » de l'autre. depuis le xixe siècle, la conception du sujet transcendantal, de la pure présence à soi-même incorporelle, rencontre une vive critique amplement productive. c'est peut-être chez nietzsche qu'elle prend sa forme la plus évocatrice. il décrit le langage comme une armée de métaphores, voué à la perspective intersubjective, la « perspective du troupeau », devant laquelle toute individualité s'efface. le langage ne pourrait saisir que la surface, ce que le monde a de commun, uniquement la « moyenne » dans l'individu ; la conscience de nous-même en tant que présence médiatisée par le langage, mais aussi comme un certain regard sur nous-même, serait le résultat d'un travail commun, une partie d'un jeu intersubjectif. la notion de sujet comprend une ambivalence qui est particulièrement intéressante dans le cadre de cette critique, spécialement en allemagne, puisque la langue allemande ne la connaît pas. d'une part, on y trouve une composante active en tant qu'opposition à la notion d'« objet » et par rapport au prédicat grammatical. d'autre part, elle comprend une facette passive, en ce qu'elle désigne le soumis, le dépendant. dépendant des règles de la vie en communauté qui déterminent les conditions d'accès à la position de locuteur légitime ou même seulement à la position de membre du groupe ; dépendant d'un monde préexistant et de ses offres et interdictions, etc. il manque à la notion allemande du sujet cette deuxième perspective. les débats autour du concept d'un sujet qui appartient à une configuration culturelle historique qu'il faut saisir au cœur du jeu intersubjectif dans lequel il est engagé, la difficulté à déterminer son lieu philosophique entre le savoir et l'éthique, ont encore aujourd'hui une actualité éminente. la philosophie « anthropologique » du langage comprend la parole comme activité d'hommes incarnés, voués à leur existence concrète. il est impératif de placer le langage dans le contexte de la pratique humaine, d'une vie commune qui se constitue autant à travers le langage que celui-ci lui donne sa forme. c'est le caractère performatif de la parole, les changements qu'elle implique dans le sujet et dans le monde qu'il s'agit d'examiner. on peut voir à quel point ces deux thèmes, la philosophie du sujet et celle du langage, sont étroitement noués et c'est justement cet entrelacement que merleau-ponty et wittgenstein ont étudié avec autant de zèle et de profit. le point de départ de cette thèse sera la mise en rapport et la comparaison des philosophies de wittgenstein et de merleau-ponty. je tracerai les lignes qui réunissent les deux philosophes ainsi que celles qui les opposent, non moins subtiles, et pourtant potentiellement fondamentales. cette constellation promet de nouvelles vues et évaluations sur plusieurs niveaux. du point de vue du contenu, d'abord, la confrontation permettrait un éclairage des deux philosophies, dans la mesure où, du moins dans leurs œuvres tardives, les problèmes se croisent et sont traités de façon certes différente mais qui n'excluent pas une comparaison qu'on aurait pu craindre pénible et vaine. les deux philosophes ont en commun que leurs œuvres tardives ouvrent de toutes nouvelles perspectives qui, contrairement à leurs premières œuvres, tendent à se rejoindre, mais dont le développement a été interrompu par la mort soudaine des deux auteurs et qui sont restés à l'état d'ébauches. dans les deux cas, on a affaire à des manuscrits et notices à moitié terminés dont on ne connaît ni l'agencement, ni le sort auquel les auteurs les auraient destiné. toutefois, bien plus que d'isoler et exploiter des points communs, il conviendra de valoriser les parallèles et différences en tenant compte de leur enracinement dans l'œuvre complète des deux auteurs pour améliorer la compréhension de chacun d'eux. reprendre les fils que merleau-ponty et wittgenstein nous ont légués et les mettre à profit l'un de l'autre promet de nouvelles perspectives qui vont peut-être même au-delà de l'horizon actuel de la philosophie du sujet et du langage. du point de vue du contexte ensuite, les deux auteurs sont les représentants non orthodoxes de courants opposés qui ont marqué profondément la philosophie du xxe siècle. la mise en rapport aura donc certainement des effets rétroactifs sur la compréhension du contexte plus large de leurs philosophies. dans son œuvre tardive, merleau-ponty se détourne de la phénoménologie (et il critique vivement son oeuvre rétrospectivement) et développe une « ontologie de la chair ». wittgenstein, de son côté, rompt avec la philosophie du tractatus et celle du langage idéal et il prend un nouveau départ en étudiant les jeux de langage ancrés dans des styles de vie. vers la fin des années quarante, il développe sa philosophie de la certitude en réaction à g. e. moore, aboutissant à ce que l'on nomme parfois sa troisième grande œuvre : de la certitude. wittgenstein et merleau-ponty sont donc à la fois des représentants distingués de la période « classique » de leurs courants respectifs, mais ils figurent encore parmi leurs critiques les plus importants et brillants. si l'on intègre de façon rigoureuse cette ambivalence déjà visible dans leurs œuvres, on obtient à travers la confrontation des deux philosophies une image d'autant plus complexe des lignes de pensées philosophiques qui se croisent ici. cette rencontre est spécialement intéressante pour la philosophie allemande puisque l'œuvre tardive de merleau-ponty y reste relativement peu connue. d'où l'opportunité d'approfondir sa réception en allemagne. en partant du dialogue entre wittgenstein et merleau-ponty, nous pouvons apporter un nouveau regard sur la traditionnelle rupture entre phénoménologie et philosophie du langage d'empreinte wittgensteinienne. il ne s'agit pas de présenter une opposition philosophique classique, mais au contraire de souligner comment les démarches des deux auteurs visant à surmonter leurs propres traditions peuvent, par la méthode de la confrontation de leurs perspectives et de leurs objets différents, être reprises et portées plus avant. cela ouvrira l'étude sur les possibilités qu'il reste à découvrir dans les champs philosophiques concernés, notamment en abordant des questions éthiques liées à la philosophie du sujet et du langage. il ne faudra bien entendu pas que la rigueur des deux positions philosophiques soit sacrifiée à la fécondation mutuelle, sans quoi ce travail serait futile.