Thèse en cours

Interactions entre le Cycle de l'eAu et le cYcle de carbone dans les Mangroves calédoNiennes

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Auteur / Autrice : Océane Tardivel
Direction : Cyril Marchand
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : 36 - Terre solide : géodynamique des enveloppes supérieures, paléo-biosphère
Date : Inscription en doctorat le 23/08/2024
Etablissement(s) : Nouvelle Calédonie
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale du Pacifique (ED469)

Résumé

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La capacité des mangroves à stocker de grandes quantités de carbone organique dans leurs sols et à participer aux processus biogéochimiques leur confère un rôle crucial dans le cycle global du carbone. Le projet de thèse vise à étudier l’influence de la qualité et la quantité de l’eau, d’une part, sur les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) depuis les sols de mangrove, et d’autre part, sur l’export de GES et de carbone inorganique dissous vers les écosystèmes adjacents. Deux sites d’études ont été sélectionnés pour ce projet de thèse constituant des mangroves de fond de baies, l’un dans un contexte volcano-clastique sédimentaire situé sur la grande Terre de la Nouvelle Calédonie sur la commune de Dumbéa, et l’autre site avec un contexte géologique carbonaté sur l’île basse d’Ouvéa. Ce projet de doctorat vise à améliorer la compréhensions des processus biogéochimiques liant l’eau au carbone dans les sol de mangroves et influençant les émissions de GES à l’interphase sédiment-air. Les résultats attendus de ce projet contribueront à affiner le bilan carbone d’un écosystème d’intérêt dans la mitigation des changements climatiques et permettront d’acquérir des résultats incitant à sa préservation.1. PRESENTATION DU PROJET DE THESE 1.1 DOMAINE Ce projet de thèse vise à étudier les interactions entre le cycle de l’eau et cycle du carbone au sein des mangroves, et plus précisément à comprendre l’influence de la qualité et la quantité de l’eau dans la mangrove sur les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) depuis les sols des mangroves étudiées, ainsi que sur l’export de GES et de carbone inorganique dissous vers les écosystèmes adjacents. Les travaux envisagés seront principalement associés au domaine des sciences de l’environnement. Ils concerneront également le domaine de la biodiversité terrestre, la géochimie et de l’hydrogéologie.1.2 PROBLEMATIQUE, HYPOTHESES DE RECHERCHES ET RESUME La mangrove et la forêt tropicale humide, se démarquent comme l'écosystème terrestre les plus productifs avec 30.0 Tmol C y-1 (Kristensen et al., 2008; Bouillon et al., 2008; Alongi, 2009b; Donato et al., 2011). Les écosystèmes côtiers des zones tropicales ont un rôle crucial dans le cycle global du carbone en raison de leur aptitude à emmagasiner d'importantes quantités de carbone organique dans leurs sols et participent aux processus biogéochimiques. Parmi ces différents écosystèmes côtiers, les mangroves sont des écosystèmes intertidaux se distinguant par leur importance capitale en raison de ses multiples fonctions interconnectées. Elles servent non seulement de zone de reproduction et de source de nourriture pour de nombreuses espèces aquatiques, mais jouent également un rôle crucial dans la protection contre les cyclones, les tsunamis et le piégeage des sédiments provenant des cours d'eau. Les mangroves offrent de multiples ressources aux populations locales, telles que de la nourriture, du bois, des fibres, des médicaments ou encore de l'énergie. Elles se trouvent sur environ 75% des littoraux tropicaux et subtropicaux, occupant une superficie d'environ 140 000 km². Ces écosystèmes abritent une riche variété de végétation comprenant environ 70 espèces de palétuviers (Giri et al., 2011). La zonation des mangroves est le résultat de plusieurs paramètres liés aux différentes espèces de palétuviers présents et leurs propriétés ainsi qu’aux caractéristiques des eaux qui les alimentent, et également à la fréquence et à la durée de l'immersion de ces eaux. Parmi ces paramètres, il peut être considéré l'élévation de la zone par rapport au niveau de la mer (la topographie), la proximité des apports en eau douce continentale et en eau lagonnaire par l’étude des ruissellement hydrogéologiques (différences notables selon les saisons), la salinité du substrat, la texture du substrat et la variation de la marée (Marchand et al., 2007). La zone indo-pacifique est un véritable hotspot de biodiversité pour les mangroves à l'échelle mondiale. Une cinquantaine d'espèces de palétuviers y est répertoriée, tandis que dans la zone atlantique, ce nombre se limite à une vingtaine d'espèces. Cette grande disparité en termes de diversité floristique fait de la zone indo-pacifique une région de conservation prioritaire pour les mangroves. En Nouvelle-Calédonie, la mangrove recouvre plus de 35 000 hectares (tannes inclus) et 80 % du littoral de la côte Ouest de la Grande Terre et près de 20 % du littoral oriental. Une richesse floristique remarquable des mangroves en Nouvelle-Calédonie avec un total de 24 espèces identifiées, parmi lesquelles on compte 6 espèces de Rhizophora. Le climat tropical tempéré présente des saisons sèches et humides qui alternent. Les variations de température et de précipitation peuvent entraîner des modifications dans la composition géochimique des sols des mangroves en plus de la présence d’espèces différentes de palétuviers. La diversité floristique de ces mangroves est divisée en zones en fonction de plusieurs facteurs tels que la durée d'immersion et la salinité. Sur la côte Ouest de la Grande-Terre, il est observable principalement trois bandes végétales distinctes, réparties en fonction de la pente topographique. En bas, les Rhizophora poussent sur un substrat plus immergé avec une salinité comprise entre 5 et 50 g l-1. Ensuite, nous avons les Avicennia qui se développent sur un substrat avec une salinité variant entre 35 et 70 g l-1. Enfin, en hauteur, nous trouvons la tanne qui prospère sur des sols très salés, avec des niveaux de salinité allant de 70 à 120 g l-1 (Marchand et al., 2007).Dans le contexte du cycle mondial du carbone, les mangroves jouent un double rôle important. Elles agissent à la fois comme un puits de carbone, absorbant environ 13,5 milliards de tonnes de carbone par an (Alongi, 2012; Marchand et al., 2007) , et comme une source de carbone inorganique et organique pour l'océan (Bouillon et al., 2008). Les mangroves jouent un rôle clé dans le cycle du carbone et peuvent stocker une quantité considérable de carbone organique et inorganique . Leur capacité, à piéger le carbone peut aider à atténuer le changement climatique en réduisant les concentrations de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère en la fixant par ses feuilles. Effectivement, la fixation de carbone dans les écosystèmes de mangroves varie considérablement selon les régions, avec une estimation moyenne de 50t CO2 (équivalent/ha/an) (Bouillon et al., 2008). Cependant, il convient de noter que cette estimation peut varier significativement d'une zone à une autre en raison de différents facteurs qui influencent la productivité de ces écosystèmes. En plus de la fixation de carbone par la végétation, le stockage de carbone dans les sols de mangrove est d'une importance considérable. Une estimation d’environ 10t CO2 (équivalent/ha/an) a été faite et sont stockées dans les sols de mangrove (Bouillon et al., 2008). Ce stockage significatif de carbone est principalement dû aux conditions spécifiques des sols de mangrove. Les sols de mangrove sont généralement gorgés d'eau en raison de leur proximité avec l'océan. Cette saturation en eau limite l'accès à l'oxygène dans les couches profondes du sol, créant ainsi des conditions anaérobies. Les débris végétaux, qui forment la litière, se décomposent donc plus lentement en raison du manque d'oxygène nécessaire aux décomposeurs tels que les bactéries et les champignons. Cette décomposition lente des débris végétaux dans les sols de mangrove contribue à la préservation du carbone organique, car il est moins rapidement transformé en dioxyde de carbone (CO2) par les processus de décomposition aérobie. En conséquence, le carbone organique s'accumule dans les sols au fil du temps, augmentant la capacité de la mangrove à agir comme un puits de carbone, c'est-à-dire à stocker du CO2 de l'atmosphère (Ellison, 1999; Kristensen et al., 2008; Bouillon et al., 2008).Néanmoins, les estimations du bilan de carbone dans les années 2000 au sein de ces écosystèmes révélaient de nombreuses incertitudes. Le cumul des différents puits de carbone dans la mangrove, à savoir l'export, l'enfouissement et la minéralisation ne représentaient qu'environ 50 % du carbone fixé par les palétuviers lors de la photosynthèse (Bouillon et al., 2008). Plus récemment, la quantification de l’export sous forme dissoute et gazeuse du carbone inorganique vers les eaux côtières et l’atmosphère (Maher et al., 2013 ; Leopold et al., 2013) a permis de combler cette lacune dans le bilan. Cependant, de nombreux facteurs influent cet export de carbone inorganique et tous n’ont pas encore été bien compris. Bien que la mangrove dans son ensemble puisse être considérée comme un puits de CO2, certains de ses compartiments, tels que les sols et l'eau, peuvent agir comme des sources de CO2 ou de méthane (CH4). Ces gaz à effet de serre sont produits lors de la décomposition de la matière organique. Le cycle du carbone dans les mangroves est donc un processus complexe et dynamique, où la production de matière organique par la photosynthèse permet de fixer le CO2 de l'atmosphère, tandis que la décomposition ultérieure de cette matière organique libère des gaz à effet de serre, tels que le CO2 ou le CH4. Ces résultats soulignent l'importance de mieux comprendre les processus biogéochimiques dans les mangroves afin d'évaluer plus précisément leur contribution au cycle global du carbone et leur impact sur le climat (Bouillon et al., 2008; Alongi, 2009a). En effet, il est reconnu que le cycle du carbone dans les mangroves est fortement influencé par la typologie des communautés biologiques, les marées et les cycles saisonniers. Cependant, le rôle de la nature du substrat et de la qualité des eaux interstitielles sur le piégeage et les émissions de CO2, notamment à l’interface sédiment-air, reste à préciser. Ainsi, l’étude des interactions entre le cycle de l’eau et le cycle du carbone au sein des mangroves, sur les deux saisons en Nouvelle-Calédonie (sèche/chaude et froide/humide), en fonction de la variation de la marée, en prenant en compte les différentes espèces rencontrées ainsi que la position et la nature du substrat représentent un intérêt particulier afin de comprendre au mieux les systèmes de renouvellement de la qualité d’eau et du cycle de carbone au sein de la mangrove calédonienne. 6 Le site d’Apogoti, situé dans la commune de Dumbéa sur la zone littorale de la « Baie d’Apogoti ». Le littoral de cette ville est presque entièrement couvert par des forêts de mangroves. Le bassin versant géologique du site est caractérisé par une formation sédimentaire du Crétacé (grès et calcaire) qui héberge souvent des fragments volcano-clastiques (Service de la Géologie de Nouvelle-Calédonie, 2009). Ce site de mangroves contient les deux espèces de mangroves dominantes, à savoir les Rhizophora spp et les Avicennia marina. Des études scientifiques ont récemment été menées sur la mangrove d’Apogoti, comme site de référence comme n’ayant pas été impacté par les pollutions anthropiques afin de pouvoir comparer aux sites jugés contaminés proches des activités anthropiques (Robin et al., 2021a; b, 2022). De plus, le site est utilisé comme site d’étude par des techniques d’acquisition de données innovantes, utilisant la photogrammétrie et la lasergrammétrie afin de comprendre comment évoluent les mangroves urbaines face aux différentes menaces pesant sur ces dernières (Roy et al., 2022). Le site de Hnymëk, situé sur l'atoll d'Ouvéa ayant un substrat carbonaté, présente un système remarquable composé d'une mangrove située en amont d'un récif lagonaire classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. Une particularité de cette île basse est qu'elle ne reçoit aucun apport de sédiments d'origine terrigène. Ce site sera étudié en comparaison avec le site d’Apogoti. Rhizophora apiculata et Bruguiera gymnorrhiza sont les deux espèces de palétuvier dominant les mangroves d'Ouvéa, à deux stades différents de leur développement. Des études scientifiques internationales ont récemment été menées sur les mangroves d'Ouvéa, notamment grâce au financement du Fonds Pacifique entre 2017 et 2019 et de la Fondation National Geographic en 2021 et 2022, ainsi que dans le cadre du projet EC2CO (MODICARB). Le projet MOBICARB vise à étudier le substrat de ces deux espèces de palétuviers ainsi que le cycle du carbone afin de caractériser le sédiment. Dans le cadre de cette étude, diverses caractéristiques des sédiments ont été mesurées, telles que la granulométrie, la teneur en carbone organique et inorganique, ainsi que les concentrations en éléments majeurs et traces. La composition minéralogique a également été eu, incluant les degrés de cristallisation des minéraux carbonatés et leurs indices de dissolution évalués. Des analyses ont été réalisées à la fois sur les sédiments et les eaux interstitielles afin de quantifier les différentes formes de carbone présentes dans le substrat des mangroves en fonction de la profondeur. De plus, des tables de sédimentation et des capteurs de pression ont été implantés sur le site lors de projets précédents pour mesurer la durée d'immersion de chaque strate étudiée. Malgré ces études en cours, les interactions entre l'air, et le sol, ainsi que la qualité de l'eau et de la matière organique produite par la mangrove, restent encore mal connues. Les deux mangroves choisies (Dumbéa et Ouvéa) partagent l’absence d’influence directe de bassin-versant. Dans ces mangroves de fond de baies, seules les marées et les précipitations apportent de l’eau aux systèmes.1.3 ANCRAGE(S) THEORIQUE(S) ET PRINCIPAUX CONCEPTS Pourquoi étudier le cycle de carbone des mangroves ? Les mangroves sont des écosystèmes côtiers extrêmement efficaces pour stocker le carbone dans leur biomasse et leurs sédiments. Elles ont une capacité élevée à absorber et à séquestrer le dioxyde de carbone (CO2) de l'atmosphère (Alongi et D.M, 1998). Elles font partie intégrante du cycle global du carbone. Elles jouent un rôle majeur dans l'échange de carbone entre l'atmosphère, les écosystèmes terrestres et les océans. Les mangroves produisent une grande quantité de biomasse végétale par unité de temps (Kristensen et al., 2008; Bouillon et al., 2008; Alongi, 2009b; Donato et al., 2011). Cette forte productivité contribue à leur capacité de stockage de carbone. En étudiant ce processus, nous pouvons mieux appréhender comment le carbone circule dans l'environnement et comment les activités humaines peuvent perturber cet équilibre. Les mangroves sont vulnérables aux effets du changement climatique, tels que l'élévation du niveau de la mer, l'augmentation des températures et les événements météorologiques extrêmes. En étudiant leur cycle de carbone, nous pouvons mieux anticiper et comprendre comment ces écosystèmes répondront aux changements environnementaux. (Kristensen et al., 2008). Une meilleure compréhension du cycle du carbone des mangroves peut guider les efforts de conservation et de gestion de ces écosystèmes précieux. En reconnaissant leur rôle dans la régulation du climat, plus d’arguments motivera l’ensemble de la population à protéger ces zones côtières critiques. Quel est le lien entre le cycle de carbone et le cycle de l’eau dans les mangroves ? Le cycle de carbone et le cycle de l'eau dans les mangroves sont étroitement liés et interagissent de manière complexe, influençant la dynamique globale des mangroves et leur rôle dans le climat et l'environnement. Comme énoncé dans le paragraphe ci-dessus, les mangroves sont vulnérable aux effets du changement climatique par l’évolution des écosystèmes, les variations dans le cycle de l'eau peuvent influencer la dynamique des écosystèmes de mangroves et, par conséquent, le stockage et les émissions de carbone (Kristensen et al., 2008). Les changements de salinité (Walsh, 1974), dus aux apports d’eaux douces et aux marées (McKee, 1993), peuvent influencer la distribution des espèces de mangroves (Rabinowitz, 1978), ce qui a un impact sur la capacité du système (la photosynthèse des feuilles des palétuviers et la sédimentation) à stocker du carbone en fonction de la zonation des mangroves (Baltzer, 1969). Le cycle de l'eau influence également les conditions d'oxygénation des sols de mangrove couplé avec la nature du substrat (Nickerson et Thibodeau, 1985) ainsi sur la favorisation ou non de la décomposition anaérobique et aérobique. En effet, les sols gorgés d'eau (anoxiques) favorisent les processus de décomposition anaérobie, qui conduisent à une production accrue de CH4. D'autre part, lorsque les sols sont bien drainés, l'oxygène est disponible, ce qui favorise la décomposition aérobie et limite la production de CH4 (Ellison, 1999; Bouillon et al., 2008). Pourquoi étudier les émissions de GES dans les mangroves ? Les mangroves peuvent être sources ou puits de différents gaz à effet de serre tels que le CO2, le méthane (CH4). Elles sont considérées comme des écosystèmes d’intérêt dans la lutte dans les changements climatiques. Les conditions d'oxygénation des sols de mangrove, les durées d’inondations, les échanges d'eau douce et d'eau salée, ainsi que les espèces de palétuviers influencent les échanges gazeux entre les mangroves et l'atmosphère ou les mangroves et les écosystèmes 8 adjacents. La présence d'eau douce peut influencer la production de CH4 par des processus anaérobies dans les sols. Les échanges entre les eaux douces et les eaux salées peuvent influencer les taux d'émission de CO2 des eaux de surface. Lors des inondations marines, l'eau salée pénètre dans les zones de mangrove et peut inhiber la respiration des racines, ce qui entraîne la production de gaz à effet de serre. Cependant, les racines aériennes des palétuviers permettent également aux arbres de capter l'oxygène pendant les marées hautes, réduisant ainsi la production de CH4 (Bouillon et al., 2008). Comprendre les facteurs qui influencent ces émissions est essentiel pour évaluer leur impact sur le réchauffement climatique par exemple. Comment étudier le cycle de l’eau au sein de la mangrove ? L’eau douce est apportée à la mangrove par les pluies, potentiellement par des systèmes fluviaux ou par apport d’une nappe d’eau souterraine alimentant le système par le ruissellement et l’infiltration. L’eau salée est apportée aux mangroves par les marées. Au sein des sols de mangroves, ces eaux vont être soumises à différents processus, physiques, chimiques et biologiques. L’évaporation est intense dans les mangroves, elle contrôle partiellement la salinité du sol qui est le facteur clé de la répartition et la productivité du système. L’évaporation varie en fonction des saisons, de la marée, et de la densité de canopée qui contrôle l’énergie reçu par le sol. Les palétuviers vont également prélever une partie de l’eau du sol, et leurs besoins sont variables en fonction de l’espèce et de la saison (Suarez et Sobrado, 2000). La quantité d’eau présente (le degré de saturation du sol) et les ions contenus dans cette eau vont influencer les processus de minéralisation de la matière organique et donc la production puis les émissions de GES. La qualité de l’eau au sein des mangroves peut se déterminer par le prélèvement de l’eau interstitielle des sites étudiés (prélèvement de carotte de sédiment et extrait de l’eau des interstices grâce à des rhizons), par des analyses in situ physico-chimique (pH, redox, salinité, température), et par des analyses au laboratoire (anions, cations, CID, COD, les isotopes de la molécule d’eau (D et 18O)). Des analyses sur l’eau de mer entrante et sortante de la mangrove seront réalisées pour comprendre la qualité et la quantité des éléments importés et exportés du système, principalement les différentes formes de carbone inorganique (dissous et gazeux). Ces échantillonnages se feront durant des cycles de 24h dans les chenaux de marée pénétrant les mangroves et à plusieurs saisons. Comment étudier le cycle de carbone au sein de la mangrove ? Le cycle du carbone dans la mangrove est composé de stocks et de flux. Les stocks sont ceux dans la biomasse (thèse de Leyla Roy) et les sols (données acquises sur les sites considérés). Nous identifierons l’origine du carbone stocké dans les sols, que ce soit sous forme organique ou inorganique, en utilisant le δ13C. En ce qui concerne les flux entrants, nous n’étudierons pas la photosynthèse mais nous nous intéresseront à la qualité et à la quantité du carbone apporté par les marées lors des cycles de 24h. En ce qui concerne les flux sortants, nous nous intéresserons aux émissions de CO2 et de CH4 en étudiant l’interface sédiment-air grâce à l’utilisation d’une chambre d’incubation relié à un analyseur de flux de gaz , il est possible d’identifier la source de CO2 émis en utilisant le 13C-CO2 (Leopold, 2012; Jacotot et al., 2018b). Dans un second temps, nous quantifierons et qualifierons le carbone inorganique gazeux et dissous exporté vers les écosystèmes adjacents par les marées. Un équilibrateur connecté à un analyseur de gaz sera utilisé pour doser le CO2 et le CH4 exporté ; tandis que des échantillons d’eau seront prélevés pour être analyser en laboratoire pour ce qui concerne la phase dissoute. 9 2. CONTEXTE, POSITIONNEMENT ET OBJECTIFS DU PROJET DE THESE 2.1 POSITIONNEMENT DU PROJET DE THESE DANS LES AXES DU CRESICA ET DU LABORATOIRE DE RATTACHEMENT Le projet de thèse se positionne dans l’objectif « valorisation du capital naturel (biodiversité, mines et environnement) » du CRESICA. Il répond aux enjeux qui se posent en termes de connaissance pour faire face aux impacts naturels et anthropiques actuels afin de pouvoir prédire l’évolution de la mangrove, et en particulier face au changement climatique. Le projet s’inscrit dans les activités de recherche menées du laboratoire de rattachement : l’ISEA, l’Institut de Sciences Exactes et Appliquées de l’Université de Nouvelle-Calédonie. Il s’agit d’une unité de recherche pluridisciplinaire (biologie, chimie, géologie, informatique, mathématiques, et physique) avec pour thème commun la compréhension de l’environnement en zone tropicale, qu’il soit côtier ou terrestre, ainsi que son évolution sous contraintes anthropiques. Le sujet de la thèse est parfaitement en cohérence avec les objectifs du laboratoire et il rejoint le thème A à savoir : Processus, flux aux interfaces et bilan : avec l’étude du cycle de carbone par la détermination des émissions de flux de CO2 et de CH4 à l’interface sédiment-air, ainsi que l’export de carbone inorganique vers les eaux côtière, afin de déterminer un bilan carbone plus détaillé. Les outils de biogéochimie permettront de développer une approche plus globale pour la caractérisation du cycle carbone et également du cycle de l’eau au sein des mangroves. Ce projet de thèse s’inscrit au sein de la continuité des thèses d’Audrey Leopold et d’Adrien Jacotot encadrées par Cyril Marchand sur le cycle de carbone (Leopold, 2012; Jacotot, 2017). 2.2 ÉTAT DE L'ART Les mangroves sont des écosystèmes qui présentent une forte production de matière organique. Elles agissent à la fois comme des sources autochtones, produisant des feuilles, de la litière et des microalgues benthiques, ainsi que comme des puits allochtones en piégeant la matière organique apportée par les cours d'eau et les marées (Bouillon et al., 2004). Ces zones abritent de nombreux processus biogéochimiques qui influencent les cycles des éléments au cours des processus de diagenèse qui s'y déroulent (Dittmar et al., 2006). En 2008, il a été proposé un bilan carbone global pour la mangrove, où le devenir de plus de la moitié du carbone capturé par l’écosystème représenté 112 Tg sur 218 capturés, s’est révélé être impossible à expliquer (Bouillon et al., 2008). De nombreuses études ont alors été menées pour tenter de tracer ce carbone manquant afin de tenter de combler le manque dans le bilan. En 2014, il a été proposé une réactualisation avec les données nouvellement acquises ces dernières années et parmi les manques identifiés, l’export du carbone sous forme inorganique dissoute (DIC) vers les eaux côtières adjacentes dû au lessivage des sols par les marées, c’est montré être primordial (e.g(Santos et al., 2012; Maher et al., 2013, 2015; Stieglitz et al., 2013; Call et al., 2015)). Parallèlement, des études se sont concentrées sur les émissions de gaz à effet de serre depuis les sols ( eg (Chen et al., 2010, 2012, 2014, 2016; Jacotot, 2012; Leopold et al., 2013, 2015; Chanda et al., 2013; Bulmer et al., 2015; Wang et al., 2016; Grellier et al., 2017)), ou depuis les creeks et les eaux côtières adjacentes (e.g.(Dutta et al., 2013, 2015, 2017; Nóbrega et al., 2016; Jacotot et al., 2018a)). Toutefois, en raison de difficultés méthodologiques, peu d'études ont été en mesure d'évaluer précisément la production GES et de carbone inorganique (DIC) 10 par les mangroves (Ray et al., 2018; Maher et al., 2018; Ohtsuka et al., 2020) et le bilan carbone(Parida et Jha, 2010). Les deux espèces les plus rependues sur le territoire calédonien, sont le Rhizophora spp et l’Avicennia marina. La gestion de la salinité chez les palétuviers du genre Rhizophora spp est réalisée par filtration des membranes osmotiques situées dans le système racinaire. Cependant, le Rhizophora spp se développe de façon optimale à une salinité proche de l’eau de mer (Parida et Jha, 2010) d’où sa présence en partie aval des zones intertidales en Nouvelle-Calédonie (Jacotot, 2017). Avicennia marina, couramment appelé « palétuvier gris ». Avicennia marina est adapté à la colonisation de nouveaux espaces, dont la partie médiane des zones intertidales contenant des eaux avec une salinité supérieure à 35‰, leur permettant de s’installer dans la partie haute de l’estran. Par ailleurs, ces palétuviers ont la capacité de transférer de l’air depuis les systèmes racinaires vers le sol limitant ainsi l’anoxie, comme par exemple lors des submersions tidales (Scholander et al., 1955; McKee, 1996; Krauss et al., 2008). Le genre Bruguiera, qui se développe à Ouvéa, n'est pas adapté aux salinités élevées et se trouve plutôt associé aux zones de la mangrove où la salinité est la plus faible, grâce à des apports d’eau douce. Des études ont été réalisés sur les émissions de GES depuis les sols de mangrove en Nouvelle-Calédonie (Leopold et al., 2013, 2015). Ces études ont montré une forte variabilité saisonnière des flux, avec des valeurs plus élevées mesurése pendant la saison chaude, principalement dû à l’effet stimulant de la température sur les processus de décomposition de la matière organique. Le type de marée et l’amplitude de la marée se sont avérés êtres les principaux paramètres contrôlant les flux de GES vers l’atmosphère. De plus, le CO2 émis depuis le sol est fortement dilué par l’eau estuarienne (plus la colonne d’eau augmente). Finalement, les émissions de CO2 et de CH4 sont plus importantes en marée descendante, du fait de l’enrichissement progressif de la colonne d’eau par la diffusion du gaz depuis les sols avec l’augmentation de son temps de résidence. (Jacotot, 2017). 2.3 OBJECTIFS ET CARACTERES NOVATEURS DU PROJET DE THESE (INTERET DU SUJET, PERSPECTIVES ATTENDUES, RETOMBEES SCIENTIFIQUES ET SOCIALES) L’objectif général de la thèse est de comprendre les relations entre le cycle de l’eau et celui du carbone dans les mangroves en répondant aux questions suivantes : 1) Quelles sont les caractéristiques physico-chimiques des sols de mangrove sur les deux sites suivant les espèces rencontrées ? 2) Quelle est la qualité de l’eau apportée par les marées et les précipitations ? 3) Comment varie la qualité de l’eau sur les deux sites en fonction de la profondeur, des espèces de palétuvier et des saisons ? 4) Quelles sont les quantités de GES émisent dans le sol de mangroves des deux sites et selon les espèces, les saisons et le moment de la marée ? 5) Quelles sont les quantités et qualités de carbone inorganique exporté des mangroves vers les écosystèmes côtiers adjacents ? 11 Dans ce contexte, notre travail s’articulera autour de grandes hypothèses interconnectées : 1) La position de la mangrove dans la zone intertidale va influer sur la nature des apports en eau, sur l’intensité des processus d’évaporation, mais également sur la production et l’émission de GES, 2) Les variations des cycles de marée vont fortement influencer l’export de GES et de carbone inorganique vers les écosystèmes adjacents, 3) Les variations saisonnières de précipitation, en modifiant la saturation des sédiments de mangrove, influenceront à la fois la production et les émissions de GES vers l’atmosphère. Pour atteindre nos objectifs, des mesures de flux de CO2 et de CH4 seront réalisés in-situ à l’aide d’une chambre d’incubation connectée à un analyseur de de GES, où le δ13C-CO2 sera déterminé ce qui permettra d’identifier les sources de CO2 dans les flux à l’interface sédiment-air. Ces méthodes de mesure participerent au caractère innovant du projet de thèse. A partir des eaux interstitielles extraites en utilisant des rhizons, différentes analyses seront réalisées sur les échantillons pour caractériser leur contenu en carbone (carbone organique dissous, carbone inorganique dissous, δ13C-DIC), ainsi que l’origine de l’eau en étudiant la composition en anion et cation ainsi qu’en étudiant les isotopes de la molécule d’eau (D et 18O). Les résultats de ce projet permettront d’affiner les bilans carbone d’un écosystème d’intérêt dans la mitigation des changements climatiques. Des articles scientifiques seront publiés, et les résultats seront présentés aussi bien lors de conférences internationales que grand public pour disséminer un message de préservation de cet écosystème d’intérêt patrimonial pour la Nouvelle-Calédonie. 3. PROGRAMME SCIENTIFIQUE 3.1. PROGRAMME SCIENTIFIQUE ET STRUCTURATION DU PROJET DE THESE (METHODOLOGIE ENVISAGEE, TERRAIN, CONSTITUTION DU CORPUS, ETC.) Les phases d’échantillonnage se feront aux deux saisons, en saison sèche (octobre -décembre) et en saison chaude et humide (janvier - avril). Nous collecterons les sédiments dans trois strates représentatives de la zonation des espèces végétales des mangroves du territoire. Le programme scientifique de la thèse s’articulera autour de trois grands axes : i. Qualité de l’eau au sein de la mangrove L’étude des eaux interstitielles permettra étudiant la composition en anion et cation ainsi qu’en étudiant les isotopes de la molécule d’eau (D et 18O) et ainsi de tenter de déterminer l’origine de l’eau et les différentes proportions ii. Caractérisation spatio-temporelle des sols de mangroves à différentes profondeurs en fonction de la marée et de la saison. Les sédiments de mangroves seront étudiés par l’analyse de carotte sédimentaire pour identifier la granulométrie, la teneur en eau, la masse volumique… L’étude des eaux interstitielles permettra de caractériser le contenu en carbone du sol (carbone organique dissous, carbone inorganique dissous, δ13C-DIC), ainsi que l’origine 12 de l’eau en étudiant la composition en anion et cation ainsi qu’en étudiant les isotopes de la molécule d’eau (D et 18O). La caractérisation sédimentaire des sols de mangrove sera réalisée en fonction des conditions de marée et des saisons et sur plusieurs stations au sein du système. iii. Étude des émissions de flux de CO2 et de CH4 par la mangrove en fonction des espèces, des saisons, de la marée. Quantifier les émissions de GES (CO2 et CH4) à l’interface sédiment-air en fonction des espèces de palétuviers.4. DESCRIPTION DES PARTENARIATS ET COLLABORATIONS ENVISAGEES L’encadrement de la thèse sera réalisé par Cyril Marchand (ISEA-UNC). Cyril Marchand est géochimiste, spécialiste des mangroves, qu’il étudie depuis plus de 20 ans. Il a publié 83 articles pour plus de 8200 citations et un h-index de 36. Il a encadré 15 thèses sur le sujet et géré de nombreux projets de recherche. L‘étudiante bénéficiera d’un accès au laboratoire ISEA ainsi qu’aux divers équipement dont l’analyseur de CO2/ CH4 ; l’analyseur isotopique 13C-DIC/13C-CO2, l’analyseur isotopiques D et 18O et la chromatographie ionique. Cette étude rentre dans le cadre du projet TROPECOS (PEPR Faircarbon). En effet, le projet TROPECOS, ayant pour titre en français bilans de carbone des écosystèmes côtiers tropicaux dans l’Anthropocène, vise à caractériser les écosystèmes interconnectés des estuaires et des mangroves en régions tropicales, qui jouent un rôle crucial dans les émissions de gaz à effet de serre et le stockage de carbone à l'échelle mondiale. Le projet se concentre sur trois territoires ultramarins français (Guyane française, Guadeloupe, Nouvelle-Calédonie) ainsi que deux sites de recherche internationaux au Vietnam et au Brésil. En utilisant des données existantes et de nouvelles mesures de terrain, ainsi que des outils de télédétection et de modélisation, le projet quantifie les émissions de CO2, CH4 et N2O dans les estuaires tropicaux et analyse leur évolution au cours des 20 dernières années. Dans les mangroves, le projet met en place un échantillonnage à grande échelle pour quantifier les 13 composantes des bilans de carbone, y compris la croissance et la mortalité de la biomasse, les échanges gazeux et la séquestration dans les sols. Le projet examine également les facteurs qui préservent le carbone dans les sols des mangroves à l'échelle mondiale, ainsi que les processus microbiens et l'impact de l'eutrophisation. Pour faciliter la collaboration entre les partenaires géographiquement éloignés, des modes de communication et de formation en ligne seront développés, et les campagnes de terrain seront organisées entre les pôles Atlantique et Indopacifique pour minimiser l'empreinte carbone du projet. Pr. Marchand Cyril est le responsable de la zone indopacifique. 5. MOYENS FINANCIERS – COFINANCEMENTS DEMANDES OU OBTENUS POUR LA REALISATION DE LA THESE Cyril Marchand est partenaire du projet intitulé TROPECOS, déposé en réponse à l’AAP FAIRCARBON qui a pour objectif de réaliser un bilan carbone des écosystèmes côtiers tropicaux. Ce projet a été retenu et démarrera le 1er novembre 2023. Le projet finance pour la Nouvelle-Calédonie une demi-bourse de thèse ainsi que 10 000 euros pour en assurer le fonctionnement. Ainsi, nous demandons à l’école doctorale du Pacifique une demi-bourse de thèse. Durant la thèse, des financements complémentaires pourront être recherchés auprès de bailleurs locaux (CRESICA, mécénat d’entreprise), ou internationaux (PIURN, Fonds Pacifique, etc.). Tous les équipements nécessaires à la bonne réalisation de la thèse sont disponibles à l’UNC ou au sein du CRESICA, les sites d’étude étant en NC, les besoins financiers de cette thèse sont limités.