Thèse en cours

Le droit comme poésie (XVIe-XVIIIe siècles). Une étude sur la langue du droit.

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Auteur / Autrice : Jérôme Dejonghe
Direction : Ugo Bellagamba
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire du droit
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2024
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Droit et sciences politiques, économiques et de gestion (Nice, Alpes-Maritimes ; 2008-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : ÉQUIPE DE RECHERCHE SUR LES MUTATIONS DE L'EUROPE ET DE SES SOCIÉTÉS

Mots clés

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Résumé

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Appréhender le droit comme poésie apparaît a priori comme une gageure, tant ces notions peuvent paraître contradictoires. En effet, comme l'indique la juriste québécoise Claire-Hélène Lavigne, si le droit est le domaine du savoir rationnel et de la pensée analytique, la poésie apparaît quant à elle comme le lieu des effusions lyriques. Pourtant, des études d'histoire du droit montrent qu'il a existé un droit écrit sous forme poétique, et même, une poésie juridique. C'est dans cette contradiction apparente, qui unit droit et poésie plus qu'elle ne les désunit, que s'inscrit cette thèse. En effet, droit et poésie sont deux matières qui ont pour point commun d'exiger de ceux qui les pratiquent la maîtrise de règles, d'un code, et plus généralement d'un formalisme précis. Il n'est pas étonnant que l'appréhension de formes poétiques, qui nous semblent normalement étrangères à la littérature juridique, interpelle nos consciences contemporaines, si habituées au pragmatisme stylistique, à l'efficacité. Du point de vue du juriste, la langue apparaît comme l'outil nécessaire, aussi bien pour transmettre la norme juridique, que pour l'appliquer, la défendre ou s'en défendre. À ce titre, la langue se doit d'être strictement maîtrisée par le juriste, au risque de trahir la finalité de la règle de droit, et de mettre en péril l'intégrité du corps social que celle-ci est censée régler. La langue et ses structures font donc l'objet d'un contrôle strict, et ce contrôle répond lui-même à des règles, voire des codes, qui ne peuvent pas, sans risque, être dépassées. Ainsi, connaître le droit, comprendre les phénomènes juridiques et leur évolution, passe aussi par l'analyse même des structures linguistiques qui les sous- tendent. Penser le droit, c'est également comprendre pourquoi on l'écrit de telle ou telle manière. C'est aussi la justification de mon projet de thèse. À ce titre, cette thèse veut répondre à plusieurs interrogations contemporaines des milieux juridiques. Parmi le nombre important de documents juridiques publiés ces dernières années témoignant de l'amplitude nouvelle avec laquelle s'est développée la réflexion autour des formes du droit, l'étude récente du Conseil d'Etat du 25 septembre 2016 intitulée « Simplification et qualité du droit » démontre parfaitement en quoi s'intéresser aux formes qu'épouse la norme juridique n'est pas un sujet de réflexion en apesanteur. Rappelant que « la dégradation de la qualité du droit, rendant urgent un changement profond de culture normative » dure depuis plus de 25 ans, il préconise la clarification et donne pour objectif une meilleure accessibilité à la norme juridique. Du point de vue du Conseil d'Etat, cette solution est la seule possible, tant l'époque contemporaine fait reposer toute « éthique du langage » juridique saine sur le respect de règles rationnelles qui ont bien souvent pour but la clarté et l'objectivité. Cependant, il n'en a pas toujours été ainsi, et c'est l'honneur de l'histoire du droit que de le rappeler. Entre le XIIe et le XIVe siècle, la langue du droit emprunte beaucoup aux récits lyriques, mythiques ou poétiques, et ce n'est qu'à partir du XVe siècle que les choses commencent à changer. Cette mise à l'écart des formes les plus précieuses, les plus virtuoses du langage, dans les matières juridiques, au profit de formes plus brèves, plus concises, plus claires et plus rationnelles, a souvent été envisagé comme un progrès. Mais cela a-t-il été véritablement le cas ? Pour répondre à cette question, il nous faudra sortir des représentations héritées de nos modèles contemporains qui sont profondément ancrés dans nos imaginaires. De ce point de vue, c'est le travail du chercheur en histoire du droit de comprendre, non seulement le contexte qui provoque ce glissement de la complexité littéraire à la simplicité formelle, mais de surcroît, d'identifier les points de bascule qui l'ont rendu possible : telle est aussi l'ambition de cette thèse.