La satisfaction des prétentions en contentieux administratif
Auteur / Autrice : | Sarah Barathier |
Direction : | Delphine Costa |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | En droit spécialité Droit public |
Date : | Inscription en doctorat le 01/11/2019 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille |
Ecole(s) doctorale(s) : | École Doctorale Sciences juridiques et politiques (Aix-en-Provence) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CRA - Centre de Recherches Administratives |
Mots clés
Résumé
Finalité commune à l'ensemble des procès, la satisfaction du requérant peut être résumée comme traduisant la nécessité pour le juge de répondre le plus entièrement possible à la demande qui lui est soumise. Toutefois, compte tenu du déséquilibre entre les parties au procès administratif, les prétentions du requérant ont longtemps été reléguées comme secondaires. Dans les premiers temps de son existence, le Conseil d'État s'est attaché à réprimer toute sorte d'illégalité résultant de l'action administrative en vue de légitimer son existence. À partir des années 2000, le centre de gravité du procès s'est peu à peu déplacé de l'administration vers la satisfaction pleine et entière des intérêts du justiciable, sous la double influence de réformes législatives et réglementaires et d'impulsions jurisprudentielles. Dès lors, le juge doit non seulement considérer l'ensemble des conclusions formulées dans la requête mais bien davantage s'assurer qu'un litige de même nature ne puisse resurgir en donnant plein effet à l'autorité de chose jugée. Ce que certains ont dénommé la subjectivisation du contentieux administratif se caractérise ainsi par « la place accrue accordée par le juge administratif aux situations des personnes physiques et morales ainsi qu'aux droits et obligations qu'elles en tirent » . Pourtant, les dernières évolutions de la procédure contentieuse relativisent nettement ce mouvement. Tiraillées entre la lutte contre l'engorgement juridictionnel et la volonté de préserver la qualité de la justice, les réformes de la juridiction administrative lancées à l'année 2016 traduisent une volonté de réguler l'accès au prétoire. D'une part, à l'appui de la loi du 18 novembre 2016, le législateur a institué de nouveaux moyens pour satisfaire la demande en justice. À côté du contrôle juridictionnel classique, les requérants se sont vus reconnaître la possibilité de recourir aux modes alternatifs de règlement des litiges pour obtenir une réponse plus adaptée et négociée à leurs différends. De surcroît, ont été développées des méthodes de traitement collectif des requêtes avec l'introduction de l'action de groupe et l'action en reconnaissance de droits dans le giron du juge administratif. D'autre part, le pouvoir réglementaire est intervenu pour établir une hiérarchisation des litiges selon laquelle toutes les demandes ne peuvent être satisfaites de la même façon. À cet égard, le décret pour la justice administrative de demain du 2 novembre 2016 instaure des mesures qui peuvent dissuader les requérants d'intenter un recours (augmentation de l'amende pour recours abusif, extension de l'obligation de représentation...). Le filtrage des requêtes se poursuit ensuite à l'ouverture du procès administratif avec l'affermissement de règles procédurales rigoureuses qui sanctionnent la négligence du requérant. Aussi, ce dernier est appelé à faire preuve de prudence et d'implication pour que sa demande ne soit pas jugée irrecevable ou évincée par un juge unique (multiplication des ordonnances de tri, désistements provoqués d'office...). Non seulement les évolutions consacrées nuisent à l'accès au juge mais peuvent aussi porter atteinte au principe du double degré de juridiction en ce qu'elles cloisonnent la voie d'appel. Par ailleurs, cet arsenal législatif et réglementaire est corroboré par l'affermissement d'une politique jurisprudentielle du Conseil d'État qui modifie les données du contrôle juridictionnel. Sous couvert de stabiliser les relations entre l'administration et les requérants, le juge administratif serait devenu un juge qui n'annule plus. Alors que le principe de légalité constituait le principal instrument dont disposait le juge pour restaurer les droits du requérant, l'intégration du principe de sécurité juridique a bouleversé la conception traditionnelle de la fonction de juger. La jurisprudence récente de la Haute juridiction tempère la remise en cause des situations consolidées par l'effet du temps quitte à sauvegarder des situations illégales. En témoignent notamment l'impossibilité généralisée d'intenter un recours au-delà d'un délai d'un an alors même que le justiciable n'avait pas connaissance de cette possibilité ou encore la limitation de l'invocation de certains vices. Peu à peu, la préservation de l'action administrative prendrait le pas sur la recherche de la satisfaction du requérant. Se révèle insidieusement la volonté de préserver le bras armé du pouvoir exécutif en le délestant de contraintes formelles, au nom de certains principes, au premier rang desquels figure, précisément, la sécurité juridique.