La répression des crimes de masse en Haïti en droit international
Auteur / Autrice : | Delva Dimanche |
Direction : | Mathilde Philip-Gay, Roger Koudé |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Droit mention droit public |
Date : | Inscription en doctorat le 22/11/2023 |
Etablissement(s) : | Lyon 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de droit (Lyon) |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Les crimes de masse se distinguent catégoriquement des crimes de droit commun en raison du contexte dans lequel ils sont commis et les moyens qu’ils nécessitent pour qu’ils se réalisent. Ils constituent à l’évidence des actes d’une extrême violence qui ciblent des populations civiles, où les rapports de force sont nettement disproportionnés. Ces crimes impliquent en conséquence une multiplicité d’acteurs et une massification des victimes. S’agissant de leur contexte d’émergence, ils sont apparus officiellement après la seconde guerre mondiale, à l’occasion du procès de Nuremberg organisé pour juger les principaux criminels de guerre nazis. Étant un pur produit du droit international, ce n’est que tardivement que les systèmes juridiques nationaux vont chercher à intégrer ces crimes dans leurs codes pénaux. Cet exercice de codification se révèle délicat pour certains États sortant de conflits ou qui ont fait l’expérience de la dictature. Haïti illustre bien ce déséquilibre pour avoir connu l’une des dictatures les plus rétrogrades du Tiers-monde avant d’entamer une longue transition démocratique. La question de la poursuite des auteurs des crimes de masse est pourtant récente dans son histoire, car elle s’est posée pour la première fois à l’occasion du procès de Jean-Claude Duvalier qui était poursuivi sur le territoire haïtien pour crimes contre l’humanité. Mais le droit interne haïtien semble favoriser l’impunité de tels crimes, dans la mesure où le Code pénal en vigueur ne les reconnaît pas et ne contient aucune loi spéciale y relative. À défaut d’un cadre juridique interne suffisamment prévisible, le droit international va donc s’imposer comme un rempart civilisationnel face à la barbarie. À ce titre, il permet de consolider l’office du juge interne par le biais du droit international coutumier, qui devient une composante essentielle de la législation nationale. Le droit international ne se contente pas de combler les lacunes du droit interne, il va jusqu’à susciter sa modernisation, comme le témoigne la réforme pénale en cours. Cependant, il se heurte à certains obstacles, tant sur le plan judiciaire, juridique que politique, limitant sa portée dans le travail de la justice. Sur le plan judiciaire, il est affaibli par la méthode du juge national qui se caractérise par un certain « nationalisme juridique ». Sur le plan juridique, le recours au droit international coutumier est confronté à la doctrine légaliste qui y voit une application douteuse du droit international portant à ignorer les principes de légalité et de prescription. Enfin sur le plan politique, la volonté manifestée par l’État haïtien quant au rapprochement de l’institution de la Cour pénale internationale semble subir l’influence des États-Unis, qui sont très hostiles envers cette Cour. C’est ce qui justifie aujourd’hui la nécessité de cette étude qui s’intéresse à la répression des crimes de masse en Haïti en droit international. Une telle étude a pour objet principal d’analyser les interactions entre le droit interne haïtien et le droit international dans le cadre de la poursuite des auteurs des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre en particulier. Il s’agit de voir dans quelle mesure la politique juridique de cet État vis-à-vis de tels crimes, peut orienter la réforme pénale en cours, consolider l’office du juge interne et conduire finalement à une ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.