Thèse en cours

La combinaison de la métabolomique et des modèles d'apprentissage automatique comme outil de stratification de l'hyperandrogénie chez les femmes

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Tatiana Lecot-Connan
Direction : Antonin LamaziereAnne Bachelot
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Bioinformatique et biologie des systèmes
Date : Inscription en doctorat le 02/11/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : Physiologie, physiopathologie et thérapeutique
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de Recherche Saint-Antoine
Equipe de recherche : Microbiote, intestin et inflammation

Mots clés

FR  |  
EN

Résumé

FR  |  
EN

L'hyperandrogénie est l'une des causes les plus fréquentes de consultation en endocrinologie et en gynécologie, et est souvent associée à des anomalies du cycle menstruel (1, 2). La cause la plus fréquente est le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Il est défini par la présence d'un trouble du cycle associé à une hyperandrogénie et à un aspect multifolliculaire des ovaires à l'échographie. Il s'agit néanmoins d'un diagnostic d'élimination car d'autres étiologies peuvent donner ce même tableau clinique, notamment le déficit en 21-hydroxylase de forme non classique (NC21OHD). Il s'agit d'une maladie génétique autosomique récessive fréquente en rapport avec des mutations peu sévères du gène CYP21A2 (estimée à plus de 1/1000). Son diagnostic repose sur le dosage d'un stéroïde en amont du bloc enzymatique, la 17OHprogestérone, avant et après test de stimulation au synacthène ordinaire. L'ensemble des explorations hormonales du SOPK et de son diagnostic différentiel principal, le NC21OHD, doivent être faites en phase folliculaire du cycle menstruel pour être interprétable. Dans une étude préliminaire, nous avons établi une première preuve de concept dans une population pédiatrique (3). Devant l'apparition d'une pubarche précoce, deux diagnostics peuvent être évoqués : la prémature pubarche ou le NC21OHD. Nous avons montré qu'en appliquant des modèles multivariés d'apprentissage automatique aux profils stéroïdiens basaux et aux paramètres cliniques de 97 patientes, nous pouvions distinguer les enfants présentant une prémature pubarche d'un NC21OHD, sans qu'il ne soit nécessaire d'effectuer un test au Synacthène. Dans une deuxième étude bicentrique, nous avons ensuite cherché à appliquer cette approche pour distinguer le SOPK (n=266) du NC21OHD (n=36) chez les adultes (4). Le syndrome des ovaires polykystiques est de physiopathologie complexe, impliquant une insulinorésistance. Cependant, le lien entre le dysfonctionnement ovulatoire et la résistance à l'insuline dans le SOPK reste encore mal compris, ce qui limite le développement de thérapeutiques. Des données émergent dans la littérature sur l'implication du microbiote intestinal dans la physiopathologie du SOPK notamment l'hyperandrogénie et l'insulinorésistance (5). L'amélioration de la santé métabolique a été montré comme pouvant être associée à un contenu en gènes du microbiote relativement élevé et à une diversité microbienne accrue. Dans une étude chinoise de 2019 (6), les auteurs ont rapporté que dans un contexte de faible diversité bactérienne, Bacteroides vulgatus était nettement et spécifiquement élevé dans le microbiote intestinal des personnes atteintes du SOPK. Cette dysbiose était accompagnée de niveaux réduits de certains métabolites interagissant avec les bactéries du microbiote ou impliqués dans le dialogue hôte-microbiote comme les acides biliaires et en particulier l'acide glycodeoxycholique et l'acide tauroursodéoxycholique. Il semble donc pertinent d'explorer plus en détail, en plus du métabolisme stéroïdien, l'impact du microbiote intestinal et de manière plus générale la signature métabolique associée (acides biliaires, dérivés du tryptophane, acides gras à courte chaîne...) sur la régulation du dysfonctionnement ovarien et de la résistance à l'insuline associés au SOPK. Le but de ce projet est de construire un modèle mathématique holistique, basé sur la combinaison d'un large panel d'hormones stéroïdes, de l'analyse du microbiote et de données bio-cliniques, permettant de distinguer par un simple échantillon de sang et de selles, sans test dynamique, indépendamment du cycle menstruel, ces différentes étiologies d'hyperandrogénie. Objectif Ce projet de recherche vise à étendre notre approche à une plus grande population de femmes souffrant d'hyperandrogénie, toutes causes confondues (dopage, causes ovariennes et surrénales) en incluant l'analyse du microbiote intestinal. Méthodologie 1) Recrutement des patientes. L'étude sera conçue à partir d'un recrutement de patientes avec un diagnostic de SOPK et de NC21OHD multicentrique dans le service d'endocrinologie de l'Hôpital Bicêtre, dans le service d'endocrinologie de l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière et dans le service d'endocrinologie pédiatrique de l'Hôpital Trousseau. Des données rétrospectives basées sur deux études cliniques (NCT01807364 et NCT01862380) seront utilisées pour construire le score (n=91 contrôles, n=36 NC21OHD et n=266 PCOS). Toutes ces patientes ont été phénotypées (exploration biologique et clinique) et les patientes avec NC21OHD ont été à la fois phénotypées et génotypées. L'étude comprendra également une étude de cohorte prospective, multicentrique et comparative pour valider l'algorithme sur des populations adultes et pédiatriques pour la pratique clinique (n=100 contrôles, n=180 NC21OHD et n=1800 PCOS). En parallèle des prélèvements sériques, un recueil des selles sera programmé afin de proposer des modèles biochimiques décrivant les potentiels échanges entre les différents compartiments. 2) Méthodologie analytique Une approche d'apprentissage automatique sera utilisée sur notre ensemble de données biocliniques et hormonales afin de construire un modèle qui distingue de manière fiable les femmes atteintes de NC21OHD et les femmes affectées ou non par le SOPK, sans avoir recours à un test de stimulation par l'ACTH. Dans notre projet, nous prévoyons de construire une étude multicentrique avec trois différentes institutions comme détaillé précédemment. Cette conception permettra d'accélérer et de maximiser notre recrutement et de construire et valider notre modèle sur des cohortes indépendantes. De plus, contrairement à d'autres études publiées, nous proposons de privilégier une stratégie moins ciblée incluant 22 stéroïdes (17hydroxy-progestérone (17OHP), 16hydroxy-progestérone (16OHP), 21 déoxycortisol (21DF), progestérone (P), 21 déoxycorticostérone (21DB), 11 désoxycorticostérone (DOC), corticostérone (B), aldostérone (ALDO), delta4- androstènedione (A), testostérone (T), 11β-hydroxy-androstènedione (11βOHA), déhydroépiandrostérone (DHEA), 17 hydroxy-prégnénolone (17OHPreg), prégnénolone (Preg), cortisol (F), cortisone (E), 11 déoxycortisol (11DF), 21- déoxycortisone (21DE), 5b-pregnan-3a,17a-diol-11,20-dione (5beta), prégnantriolone (PTL), 11-ketotestostérone (11KT), 11Bhydroxytestostérone (11BOHT)) pour cartographier plus exhaustivement la voie stéroïdienne. En parallèle, la signature biochimique du microbiote sera également quantifiée dans les selles ou dans le sérum incluant en particulier des profils d'acides biliaires, de dérivés des métabolites du tryptophane, des acides gras à courte chaîne, des acides aminés et des dérivés de la choline. Une étude métagénomique sera envisagée pour mieux appréhender les liens entre les variations des métabolites et la composition du microbiote intestinal. La doctorante sera impliquée dans l'analyse des données et la validation du modèle d'apprentissage automatique. Retombées attendues La constitution et l'analyse de bases de données clinico-biologiques à l'aide de méthodes d'intelligence artificielle ont permis le développement d'une première preuve de concept, valorisée par un brevet (PCT/FR2022/050759). Les perspectives à court et moyen terme sont d'étendre ces innovations par l'intégration dans un logiciel et le déploiement de cet outil diagnostique auprès des équipes soignantes impliquées dans la prise en charge de l'hyperandrogénie. Une évaluation plus large de ces nouvelles approches diagnostiques cliniques et biologiques est maintenant nécessaire. Au-delà des 3 équipes directement impliquées dans le projet, notre approche inclusive impliquera d'autres professionnels de santé afin d'ajuster notre outil aux besoins spécifiques de ce groupe de patientes. La validation des biomarqueurs prédictifs de ce panel étendu de stéroïdes fournit la base d'une caractérisation peut-être plus précise des sous-groupes de femmes souffrant d'hyperandrogénie. Le bénéfice pour la patiente est donc simple : 1) un diagnostic plus fiable, rapide et moins couteux (plus besoin d'un test dynamique), et 2) l'absence de nécessité de prélever un échantillon de la patiente à un moment précis du cycle menstruel. Références 1. McCartney CR & Marshall JC. Polycystic Ovary Syndrome. New England Journal of Medicine 2016 375 54–64. (https://doi.org/10.1056/NEJMcp1514916) 2. Merke DP & Auchus RJ. Congenital Adrenal Hyperplasia Due to 21-Hydroxylase Deficiency. New England Journal of Medicine 2020 383 1248–1261. (https://doi.org/10.1056/NEJMra1909786) 3. Agnani H et al. A proof of concept of a machine learning algorithm to predict late-onset 21-hydroxylase deficiency in children with premature pubic hair. The Journal of Steroid Biochemistry and Molecular Biology 2022 220 106085. (https://doi.org/10.1016/j.jsbmb.2022.106085) 4. Bachelot G et al. Combining metabolomics and machine learning models as a tool to distinguish non-classic 21-hydroxylase deficiency from polycystic ovary syndrome without adrenocorticotropic hormone testing. Human reproduction 2023 38(2) 266–276. 5. Giampaolino P, Foreste V, Di Filippo C, Gallo A, Mercorio A, Serafino P, Improda FP, Verrazzo P, Zara G, Buonfantino C, Borgo M, Riemma G, Angelis C, Zizolfi B, Bifulco G, Della Corte L. Microbiome and PCOS : State-of-Art and Future Aspects. Int J Mol Sci. 2021 Feb 19 ;22(4) :2048. 6. Qi X, Yun C, Sun L, Xia J, Wu Q, Wang Y, Wang L, Zhang Y, Liang X, Wang L, Gonzalez FJ, Patterson AD, Liu H, Mu L, Zhou Z, Zhao Y, Li R, Liu P, Zhong C, Pang Y, Jiang C, Qiao J. Gut microbiota-bile acid-interleukin-22 axis orchestrates polycystic ovary syndrome. Nat Med. 2019 Aug;25(8):1225-1233. doi: 10.1038/s41591-019-0509-0. Epub 2019 Jul 22. Erratum in: Nat Med. 2019 Sep;25(9):1459. PMID: 31332392; PMCID: PMC7376369.