Échos de pouvoir. Discours, performances et expériences sonores de l'autorité impériale à Byzance (Ve-XIIe s.)
Auteur / Autrice : | Marie-Emmanuelle Torres |
Direction : | Elisabeth Malamut, Julien Ferrando |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Histoire |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2016 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille |
Ecole(s) doctorale(s) : | Ecole Doctorale Espaces, Cultures, Sociétés |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : LA3M - Laboratoire d'Archéologie médiévale et moderne en méditerranée |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
La présente étude interroge la place du sonore dans la pratique du pouvoir impérial byzantin entre les Ve et XIIe s., à travers les musiques, voix, sons et silences qui accompagnent systématiquement les performances politiques. L'empereur apparaît toujours dans un paysage sonore qui marque sa présence dans l'espace public, définit son identité et diffuse de façon massive son idéologie. Le peuple est tenu de faire entendre le consensus réuni par l'empereur en acclamant, de mémoriser la propagande impériale en la chantant, et de compléter par sa voix la performance d'ordre tangible. L'acclamation est écoutée comme une preuve de l'élection divine de l'empereur et exploitée comme un outil de silenciement des masses. Par sa puissance, ses textures et ses symboliques, le sonore augmente l'effet des rituels en traduisant en sensations et émotions, l'idée de puissance universelle, de pouvoir divin, de mimésis du Ciel. En créant des échos au paysage sonore sacré et en s'appuyant sur l'optimisation acoustique, le sonore impérial transcende les mots de l'idéologie politique en la traduisant en expérience sensible. Grâce au son, la théophanie impériale offre un aperçu tangible de celle de Dieu : c'est une expérience augmentée et immersive. En parallèle, le pouvoir utilise le son comme arme de contrôle social, de conciliation divine et de combat. Les chants sacrés, réputés inspirés directement des chants angéliques, sont réalisées en continu par les moines, les clercs et la population pour offrir à l'Empire la protection et la victoire militaire. En campagne, le son est utilisé comme ruse, signalisation, arme physique et psychologique. Il permet de grossir la taille de la troupe, de tromper, impressionner, terrifier ou désorienter l'ennemi. Les chants, les harangues, le cri de guerre et le silence sont essentiels au conditionnement mental du soldat et à la discipline. En ville en temps de paix, l'acclamation publique est exigée et écoutée pour son bruit car elle confirme l'adhésion et la légitimité. La formalisation extrême de cette vocalisation permet de masquer toute revendication éventuelle. D'un autre côté, en temps que chef de l'Église, garant de l'Orthodoxie l'empereur orchestre le paysage sonore de l'Empire en soutenant la traduction musicale du dogme, en protégeant le temps religieux des interférences profanes et en séparant strictement le sacré du profane en répartissant les textures sonores de façon stricte. Des empereurs composent eux-mêmes les traductions musicales du dogme, d'autres commandent les pièces nécessaires aux fêtes qu'ils instaurent, ou encore valident les initiatives ecclésiastiques. La christianisation du sonore et du musical fait aussi partie de leurs attributions. La confrontation des prescriptions avec les chroniques a également mis en lumière l'expérience aurale du paysage sonore impérial. Les échos littéraires confirment l'écoute systématique de l'acclamation pour définir la légimité politique, et du son pour juger du caractère d'un empereur. Les gestes sonores sont dictés et écoutés par-rapport à un imaginaire auditif forgé par la littérature homérique et biblique. L'écriture sonore du pouvoir est toujours périmée car elle puise dans les topoi sonores dionysiaques, homériques et bibliques, mais les significations qu'elle véhicule restent valides. Cette écriture sonorisée vise à déclencher une image mentale, un ressenti, une interprétation insufflée par des icônes sonores connues de tous. Cette écriture augmentée empêche la reconstruction du paysage sonore décrit, mais prouve que le son est bien une clef de communication, verbale et non verbale, de représentation, de signification. Cette étude montre que l'autorité impériale se définit, s'impose, s'exerce, se comprend, se ressent, se vit et se conçoit par l'auralité.