Thèse en cours

La ville dans sa représentation visuelle et sonore: Collation des cartes postales et des enregistrements des studios mobiles dans les grands ports de la Méditerranée Orientale au début du XXe siècle

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Auteur / Autrice : Theodora Spetsiotou
Direction : Pascal DesmichelMaria Zoumpouli
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Géographie physique, humaine, économique et régionale
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2023
Etablissement(s) : Université Clermont Auvergne (2021-...) en cotutelle avec Université de Ioannina
Ecole(s) doctorale(s) : Lettres, Langues, Sciences humaines et Sociales
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : UMR Territoires

Résumé

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Les vies des cartes postales et des disques de musique sont parallèles : les deux médias sont nés à la fin du XIXème siècle suite au développement technologique et ils ont bouleversé la réalité des sociétés post-industrielles. Avec la carte postale, la communication écrite entre les personnes devient plus rapide et plus facile, acquérant de nouvelles caractéristiques (Malaurie, 2003 ; Bonarou, 2009 : 156-161 ; Jaworski, 2012 : 570-571). Son ontologie relève de l'image imprimée, qui fonctionne comme un «présent» visuel accompagnant le message de l'expéditeur, quand elle ne s'y substitue pas carrément à ce dernier (Bonarou, 2009 : 167). Les conflits de guerre, les migrations transatlantiques, les vagues de réfugiés, les voyages de plus en plus courants dans les quatre coins du monde sont à l'origine de l'âge d'or des cartes postales au début du XXe siècle. Leur usage se généralise lors de la guerre franco-allemande de la seconde moitié du XIXe siècle (Roth, 1990) ainsi que pendant la Première Guerre mondiale quelques années plus tard (Gilbert, 2004). Si la première affermit leur production, leur développement et leur diffusion (Bonarou, 2009 : 159-160), la seconde voit leur essor exploser, principalement en raison du grand nombre de soldats en constant déplacement (Laffin, 2001 ; Doyle, 2010 ; Vries, 2016). La discographie, de son côté, a donné à l'homme moderne la possibilité d'écouter et de reproduire, autant de fois qu'il le souhaite, ses musiques préférées. Celles-ci sont désormais préenregistrées, captivant la performance en direct dans une figure sonore stable. Il s'agit d'un processus actif de déterritorialisation, qui met les musiques en mouvement d'une manière qui transcende leur notation (partitions), et les rend autonomes par rapport aux musiciens eux-mêmes (Gronow & Saunio, 1998 ; Pennanen, 1999 ; Gronow, 2024 ; Zagorski-Thomas, 2014 ; Ordoulidis, 2022). De plus, ce processus permet le lancement d'un énorme corpus de matériel musical qui ne cessera de croître depuis. Dès le début du XXe siècle, de grandes maisons de disques d'Europe et d'Amérique, telles que «Gramophone Co Ltd», «International Talking Machine Company», «Lindström», «Pathé» etc., envoient des studios mobiles dans le monde entier pour enregistrer in situ des musiques et des musiciens déjà populaires dans leur pays. Parmi les destinations les plus attrayantes figure la Méditerranée orientale, et notamment ses ports : Constantinople, Smyrne, Thessalonique, Alexandrie, Beyrouth sont à cette époque de grands centres urbains, où des groupes ethno-culturels hétérogènes arborent des dialectes musicaux distincts, mais aussi des langues qui leur sont communes, et par conséquent polystylistiques (Gronow, 1981 ; Strötbaum, 1993 ; Kalyviotis, 1995 ; 2002 ; 2015). Les cartes postales et les disques de musique sont des produits commerciaux qui transitent par un lacis d'échanges internationaux. Dans le monde de la modernité, ils viennent sublimer le «local», en mettant en mouvement sa représentation sociale (Jodelet, 1991), qui voyage loin de son premier lieu. L'objectif des maisons de disques et des maisons d'édition est la création d'un réseau commercial solide et une diffusion dynamique, qui assurent leur impact financier. Les choix des images imprimées sur les cartes postales et des musiciens enregistrés sur les bobines et les disques dépendent de nombreux facteurs, mais tiennent certainement compte du degré de «représentativité» des territoires dont leurs agents sont issus. La recherche envisagée ici, à travers la collation des cartes postales et de la discographie, tentera de décrypter les mécanismes par lesquels se construit cette «représentativité», en ce qui concerne les grands ports de la Méditerranée orientale. Chronologiquement, nous partons du début du XXe siècle jusqu'aux années 1920, lorsqu'une série de grands événements redéfinit le paysage en question. Avant leur transformation historique, ces centres urbains sont immortalisés dans des représentations visuelles et sonores qui sont autant des combos imaginaires, à forte connotation culturelle, que nous tenterons de prospecter à partir d'un série de dépouillements systématiques : - Comment la ville est-elle présentée à travers les cartes postales : paysage, bâtiments, personnes, culture, lieux de travail, divertissement, etc. ? - Quelles informations peut-on tirer du texte que la maison d'édition imprime au recto ou au verso, mais aussi de l'écriture manuscrite de l'expéditeur, lorsqu'elle existe ? - Quel est le répertoire musical choisi pour être enregistré sur les disques ? Quels morceaux associe-t-on sur les disques double face ? - Quels musiciens sont enregistrés ? A quelles caractéristiques esthétiques identifions-nous les «localités» ? - Que peut-on conclure des données de commercialisation impliqués dans les choix des maisons de disques et des éditeurs ? - Quels sont les réseaux de diffusion des produits, et comment finissent-ils par rapprocher les différents lieux ou, au contraire, par les «exotiser» ? - Comment le «nomadisme» inné des médias en question investit finalement la représentation sociale des lieux ? Bibliographie Bonarou, X. (2009). ''I touristiki diaxeirisi tis istorikis mnimis. Anaparastaseis tis Elladas stis sugxrones touristikes kart postal'' (PhD thesis). Athens: Panteion University. de Vries, G. (2016). The Great War through Picture Postcards. Pen and Sword Military. Doyle, P. (2010). British Postcards of the First World War. Shire Library/Bloomsbury. Gilbert, M. (2004). The First World War. A complete history. Henry Holt & Co. Gronow, P. (1981, May). The Record Industry Comes to the Orient. Ethnomusicology (Vol. 25, No. 2), pp. 251-284. Gronow, P. (2014). The World's Greatest Sound Archive - 78 rpm Records as a Source for Musicological Research. Traditiones (Vol. 43, No. 2), pp. 31-49. Gronow, P., & Saunio, I. (1998). An international history of the recording industry. (C. Moseley, Trans.) London and New York: Cassell. Jaworski, A. (2010). Linguistic landscapes on postcards: Tourist mediation and the sociolinguistic communities of contact. Sociolinguistic Studies 4/3, pp. 469-594. DOI: 10.1558/sols.v4i3.569. Jodelet, D. ([1st ed. 1989] 1991). Les Reprèsentations sociales. Paris: Presses Universitaires de France. Kalyviotis, A. (1995). Oi ichografiseis ellinikon tragoudion stin Aigypto kai o tragoudistis Ioannis Moutsos. Sylloges 137, σσ. 751-768. Kalyviotis, A. (2002). Smyrni – I mousiki zoi 1900–1992. I diaskedasi, ta mousika. (N. Dionysopoulos, Ed.) Athens: Music Corner and Tinela. Kalyviotis, A. (2015). Thessaloniki - I mousiki zoi prin to 1912. Karditsa: Selfpublication. Laffin, J. (2001). World War I In Postcards Hardcover. Wrens Park Publishing. Malaurie, C. (2003). La carte postale, une ceuvre. Ethnographie d'une collection. Paris: L' Harmattan. Collection: Psycho-Logiques. Ordoulidis, N. (15-16 October 2022). Istoriki diskographia. Nea, 10-11. Pennanen, R. (1999). Westernisation and modernisation in Greek popular music. Tampere: University of Tampere. Roth, F. (1990). La Guerre de 70. Paris: Fayard. Strötbaum, H. (1993, June). Favorite taking machines and records are known to be the best all over the world. (M. Vandamme, Ed.) Utrecht Turcological Series (Vol. 3), pp. 149-205. Zagorski-Thomas, S. (2014). The Musicology of Record Production. Cambridge University Press.