Thèse en cours

La liberté de l'homme chez les premiers auteurs chrétiens : anthropologie et exégèse des écrits de Paul et de sa première réception.

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Romain Girardi
Direction : Arnaud ZuckerAndreas Dettwiler
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Langues et littératures anciennes
Date : Inscription en doctorat le 31/08/2023
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur en cotutelle avec Université de Genève
Ecole(s) doctorale(s) : SHAL - Sociétés, Humanités, Arts et Lettres
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CULTURES ET ENVIRONNEMENTS. PRÉHISTOIRE, ANTIQUITÉ, MOYEN-AGE

Résumé

FR  |  
EN

De nombreux philosophes modernes travaillant sur la question du libre-arbitre ont considéré que le christianisme des premiers siècles (en particulier Augustin) constitue un moment décisif dans l'élaboration de notre concept moderne du libre-arbitre, de la volonté́ et de ses facultés (cf. Dihle 1982). Pourtant, plusieurs spécialistes ont récemment démontré qu'Augustin n'a en réalité pas de conception originale de la volonté mais qu'il dépend intimement des élaborations stoïciennes. Comme l'affirme R. Gauthier dans son introduction de l'Éthique à Nicomaque 1970, 259: « If no one has ever defined the Augustinian conception of the will, that is simply because this conception does not exist: of all the traits of the 'will' in Augustine, there is not a single one that is not found earlier in the Stoics ». La remise en question de ce postulat invite donc le chercheur à se diriger vers les pères avant Augustin afin d'examiner l'originalité ou non de leur pensée. Pour ce faire, adopter une perspective comparatiste et diachronique semble être un choix judicieux. En effet, les auteurs proto-chrétiens (Ier-IIIe siècle) ne revendiquent pas de pensée originale mais ils aiment souligner au contraire leur intime dépendance à l'enseignement du « canon » (alors en élaboration) des Écritures et du corpus paulinien en particulier. Malgré cette dépendance affichée, Paul apparait pourtant comme une voix dissonante par rapport à celle des premiers pères, en particulier des apologistes grecs et d'Origène sur la question du libre-arbitre. Si l'apôtre insistait sur la nécessité de l'action divine pour libérer une volonté alors conçue comme totalement esclave de ses passions (du péché, si l'on parle comme Paul), les apologistes et Origène n'ont eu de cesse d'affirmer la liberté originelle, même essentielle, de l'homme dans ses prises de décisions éthiques. Ils défendaient en outre l'idée que l'homme demeurait à chaque instant détenteur de cette liberté pour s'autodéterminer vers la vertu ou le vice. Comparer Paul et les premiers chrétiens sur la question du libre-arbitre est donc une entreprise prometteuse, car au-delà du constat paradoxal, si une diversité de pensée est confirmée il s'agira alors de tenter d'en expliquer l'origine. Mon hypothèse de travail est qu'il convient de chercher du côté des prémices anthropologiques. Les premiers auteurs chrétiens, qui sont pour la plupart d'anciens penseurs grecs convertis semblent avoir hérité des écoles philosophiques antiques d'une conception anthropologique très différente et largement plus optimiste que celle de l'apôtre Paul. Ce dernier semble quant à lui dépendre d'une certaine conception juive, plus pessimiste, fondée sur l'idée d'une « chute » de l'humanité, celle qui semble-t-il, prévalait à Qumran. Leur vision hellénisée de l'homme et leur élan vers la liberté, auraient alors modifié drastiquement leur compréhension de certains concepts théologiques juifs, jusqu'à affecter leur exégèse des textes pauliniens. Tout au long de l'étude, mais surtout dans la première partie, une attention toute particulière sera accordée aux questions textuelles, à commencer par les questions d'édition et de traduction, et à la terminologie grecque. Des études diachroniques sur des termes clés tels que la προαίρεσις sont envisagées, notamment en étudiant l'évolution de leur charge sémantique tout au long du développement de la polémique entre aristotéliciens et stoïciens sur la question de l'εἱμαρμένη et de son emprise sur les hommes. L'exégèse de chaque texte sera évidemment fondée sur le texte original grec (et parfois latin) et sera conduit selon la méthode historico-critique couplée à une analyse rhétorique. La typologie qui me servira de grille de lecture sera quant à elle établie selon la terminologie philosophique contemporaine, qui a profité des précisions produites par les débats entre libertariens et compatibilistes.