Évangéliser par l'image. L'art métis des premiers couvents franciscains de la Nouvelle-Espagne. XVIe siècle
Auteur / Autrice : | Morgane Thro |
Direction : | Daniel Lévine |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Histoire de l'art |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2019 |
Etablissement(s) : | Sorbonne université |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Histoire de l’art et archéologie (Paris ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de recherche sur l’Amérique préhispanique (Paris ; 2000-....) |
Mots clés
Résumé
Mes recherches portent sur l'histoire de l'art métis des couvents coloniaux franciscains dans la Province du Saint-Évangile en Nouvelle-Espagne. Lorsqu'il est question d'« art colonial » au Mexique, il est plus souvent question des XVIIe et XVIIIe siècle, alors même que la formation de la société coloniale se dessina dans ces grands complexes que sont les couvents coloniaux dès le XVIe siècle. Il s'agit d'une étude sur la conception de l'image sacrée à travers les créations tant architecturales que sculpturales et picturales. Ce sentiment du sacré a permis de tisser des liens entre l'ancienne et la nouvelle religion au point de stimuler une véritable inventivité et originalité. L'intérêt des premiers couvents coloniaux est d'avoir une double ascendance, à la fois créés par des artistes indigènes et encadrés par les premiers missionnaires des ordres mendiants pour correspondre au message évangélisateur. Ils étaient non seulement des centres de diffusion et d'enracinement du christianisme, mais également les principaux lieux de production du premier art colonial ; la création était alors entièrement dépendante de la réception indigène du nouveau sens du sacré. Ce phénomène de pénétration des coutumes anciennes dans l'établissement de la nouvelle religion et d'un nouvel ordre social est particulièrement corrélé à l'histoire même de la colonisation et surtout de l'évangélisation. En effet, la conservation des cultures locales ne fut que la conséquence de leur instrumentalisation pour une implantation pérenne du christianisme. Ce processus avait été préféré par les Franciscains, puis par les autres ordres mendiants, alors que la conquête militaire venait à peine de commencer : Mexico-Tenochtitlán tomba aux mains d'Hernán Cortés en 1521 tandis que les premiers missionnaires arrivèrent dès 1523. L'autonomie des ordres mendiants était un atout majeur pour l'évangélisation rapide d'un si vaste territoire et leur permit d'appliquer les méthodes qu'ils désiraient. Mais rapidement cette liberté causa des conflits d'autorité avec les conquistadores, l'administration de la Couronne et l'Église. Cette dernière voulut reprendre le contrôle sur les nouveaux fidèles en y assignant un clergé séculier. Dès les années 1550 des lois régirent plus strictement les productions artistiques des couvents ainsi que la façon dont devait avoir lieu l'enseignement catéchistique, afin de limiter les réminiscences des anciennes croyances. Sous le règne du roi Philippe II d'Espagne, la politique anti-indigéniste se raffermit et annonça le déclin inéluctable des ordres mendiants en Nouvelle-Espagne. Leurs pratiques missionnaires, inséparables des conditions exceptionnelles de l'évangélisation, disparurent peu à peu, provoquant ainsi l'évanouissement des formes d'art qu'elles avaient faites émerger. Notre étude s'arrêtera donc à l'orée du siècle suivant, lorsque l'art des retables et les artistes espagnols prirent la place des premières créations et des artistes indigènes. L'art métis des couvents de Nouvelle-Espagne s'inscrit donc dans une période chronologique restreinte : de l'arrivée des premiers missionnaires, en 1523, à l'arrêt de leurs entreprises édificatrices, vers 1600. Il se développa principalement sur l'ancien territoire de la Nouvelle-Espagne correspondant approximativement au territoire actuel du Mexique qui connut la première vague évangélisatrice du continent. Néanmoins, mon étude se restreint aux couvents franciscains, car il s'agit de l'ordre qui a réellement façonné cette typologique architecturale et artistique à partir de ses propres contraintes idéologiques, matérielles et symboliques. L'efficacité de ce premier modèle élaboré par les Franciscains le fit ensuite adopter par les autres ordres chargés de l'évangélisation : les Dominicains et les Augustins. Or leur première entreprise se développa dans la première Province franciscaine de la Nouvelle-Espagne : la Province du Saint-Évangile, qui englobait largement le plateau central, tout autour de la capitale. Mon corpus est composé de vingt couvents répartis sur les États d'Hidalgo, Mexico, Puebla et Tlaxcala dont le choix a été guidé par la qualité des vestiges du XVIe siècle. De fait, de nombreux couvents ont subi de multiples transformations et détériorations à travers le temps et peu d'entre eux conservent encore leur architecture d'origine, et leurs peintures ont souvent disparu ou sont dans des états de conservation dommageables. Cette étude pourrait peut-être permettre de mieux comprendre les transferts culturels entre l'Europe chrétienne et le Mexique préhispanique, sans mettre en avant un apport plus qu'un autre, et en regardant en face la domination intrinsèque de cette structure de colonisation d'un point de vue historique, afin de prendre conscience de la valeur patrimoniale de ces édifices et de la nécessité de leur conservation.