Sed uiros non diligit'': un discours du désir 'lesbien' dans les écrits dévotionnels de Hildegard von Bingen et Mechthild von Magdeburg (XIIe et XIIIe siècles)
Auteur / Autrice : | Hannah Johnson |
Direction : | Delphine Pasques |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Linguistique |
Date : | Inscription en doctorat le Soutenance le 18/12/2024 |
Etablissement(s) : | Sorbonne université |
Ecole(s) doctorale(s) : | Concepts et langages |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de linguistique en Sorbonne |
Jury : | Président / Présidente : Yasmina Foehr-janssens |
Examinateurs / Examinatrices : Delphine Pasques, Laura Saetveit miles, John Arblaster, Diane Watt, Gilles Couffignal, Jean-François Laplénie | |
Rapporteur / Rapporteuse : Laura Saetveit miles, John Arblaster |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
L'absence de visibilité des vies « queer » dans les textes médiévaux est souvent interprétée comme preuve de la non-existence des personnes « queer » au Moyen Âge. Le champ d'études médiévales queer (« queer medieval studies ») n'existe d'ailleurs que depuis les années 80. Ce silence des sources et des études au sujet du « queer » au Moyen Âge incite les chercheurs et chercheuses à examiner plus attentivement les sources. La présente thèse s'intéresse au discours des femmes médiévales, aux émotions et désirs qu'elles exprimaient elles-mêmes au sein de leurs écritures. Plus précisément, ce projet cherche à savoir si nous pouvons légitimement interpréter les expressions du désir que l'on trouve dans les textes écrits par des femmes médiévales comme un discours érotique « lesbien ». À ce titre, le corpus principal de la thèse se compose des « Symphonia armonie celestium revelationum » (Louanges) de Hildegard von Bingen (1098-1179) et « Ein vliessendes lieht der gotheit » (La lumière fluente de la divinité) de Mechthild von Magdeburg (c. 1208-1282). Hildegard est souvent considérée comme une figure « lesbienne » dans l'imaginaire culturel populaire, tandis que Mechthild est omnibulée par la recherche et l'étreinte de la « minne » (« Dame Amour », f.), manifestation féminine de la divinité. Cette thèse soumet à une double approche théorique l'analyse du discours affectif dans les textes dévotionnels : à la théorie queer et à la linguistique cognitive. Le choix d'un dialogue entre ces deux approches, qui peuvent a priori paraître peu compatibles, répond à plusieurs besoins épistémologiques. La théorie queer nous permet d'élargir nos questionnements sur le passé, tandis que la linguistique cognitive nous fournit les outils nécessaires pour accéder au sens et à l'implicite, dans le contexte historique en question. Dans le cadre de cette approche interdisciplinaire, nous examinerons l'articulation textuelle de l'« embodiment », de l'orientation et de l'érotisme dans chacun des textes pris pour lui-même, et en tant que participant à un réseau littéraire plus large. Sans nier la nature spirituelle des expériences mystiques de Hildegard et de Mechthild, cette recherche explore le discours comme véhicule de sentiments érotiques au Moyen Âge central : il s'agit d'observer la création d'un tel discours au sein d'un discours mystique qui a pour but principal de dire l'ineffable et de montrer l'invisible. L'analyse approfondie des réseaux lexicaux et métaphoriques observables dans les textes de Hildegard et de Mechthild permet ainsi de montrer que le discours dévotionnel mystique est bien un lieu d'expression implicite du désir « lesbien » médiéval, dans le cadre socioculturel des XIIe et XIIIe siècles.