André Félibien à Versailles : historiographie politique des splendeurs du Grand Siècle. Réédition critique des Divertissemens de Versailles
Auteur / Autrice : | Alice Hennetier |
Direction : | Emmanuel Bury |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Littératures françaises |
Date : | Inscription en doctorat le 13/10/2022 |
Etablissement(s) : | Sorbonne université |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Littératures françaises et comparée (Paris ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'étude de la langue et des littératures françaises (1998-....) |
Mots clés
Résumé
Les recherches actuelles ont permis de connaître davantage la vie d’André Félibien. Historiographe du Roi et de ses bâtiments, homme de plume, mais également critique d’art, il est à l’origine d’un traité d’architecture et de descriptions de bâtiments et de peintures. En 2009, la Nouvelle revue d’esthétique a consacré un numéro à Félibien qui mettait en avant l’important apport de son œuvre à l’histoire de l’art. Sur son statut d’historiographe, distinction officielle rétribuée par le pouvoir royal, qui implique une certaine partialité dans le récit des événements, les travaux de recherche de Jean-Marc Châtelain en 2003 apportent plusieurs éclairages. Cette fonction conduit donc à étudier les enjeux du récit de fête, que Benoît Bolduc a analysés en 2016 dans La fête imprimée. La convergence du récit de fête et des arts mène alors à interroger le rapport que Les Divertissements de Versailles entretient avec l’ekphrasis antique, qui a fait l’objet d’une riche journée d’étude en 2008 organisée par la Société d’étude du XVIIe siècle. Ces ouvrages ont le mérite d’ouvrir un large champ d’étude dans les domaines de recherche en Histoire et histoire des arts, tout en prenant en compte les artisanats mobilisés à Versailles pour les fêtes. L’ensemble de ces récents travaux ont permis de mettre en évidence plusieurs points essentiels qui parcourent le règne de Louis XIV, mais qui sont également condensés dans le texte de Félibien. Ils mettent ainsi en lumière le rôle à la fois technique et symbolique des jardins de Versailles. Ces derniers sont en effet un laboratoire expérimental et un chantier permanent, où les différents artisanats sont réunis et poussés à leur plus haut degré de perfection. Dans un second temps, les jardins de Versailles revêtent une fonction symbolique ; au quotidien, comme lors des fêtes ordinaires ou extraordinaires, à l’instar de celles de 1674, le roi met au service ses jardins pour faire rayonner son image et sa puissance à travers l’Europe. La mise en évidence de l’importance des fêtes au cœur des jardins de Versailles par les récentes recherches a également permis de mieux comprendre les enjeux de ces festivités. Cependant, ces travaux ont surtout étudié l’œuvre André Félibien dans son intérêt pour l’histoire des arts, comme en témoigne le numéro de la Nouvelle revue d’esthétique de 2009 consacré à l’auteur. Cette étude transversale des œuvres de Félibien du point de vue de l’art, ou des Divertissements de Versailles étudié comme apport à l’histoire de Versailles pour ses descriptions techniques des bosquets, ne permet pas de réunir les différents champs disciplinaires utiles pour saisir les enjeux de ce texte, en particulier du point de vue littéraire et idéologique. Ce dernier point, notamment, a généralement été occulté par les études qui ont envisagé l’œuvre de cet auteur pour son seul intérêt technique, et une étude à part entière de l’ouvrage fait défaut à la recherche. Les pistes de réflexion ébauchées ou laissées de côté nous invitent donc à proposer une réédition critique et annotée du Divertissements de Versailles, qui sera l’occasion de se placer au carrefour des champs de recherches précédemment explorés. Ce projet se donne pour objectif de replacer l’œuvre dans son contexte politique et artistique mais également littéraire du dernier quart du XVIIe siècle afin d’en saisir pleinement les enjeux. Par ce biais, nous nous attacherons à mettre en évidence les lignes de force qui dirigent ces divertissements, jusqu’alors considérés comme des pièces agencées de façon hasardeuse. Il s’agira donc de questionner les contexte politique, culturel et littéraire, en mettant en évidence l’aspect exemplaire de chaque divertissement (lieu ou artisanat) choisi pour une représentation, mais également la rivalité que crée cette exemplarité (jusqu’à aboutir à la Querelle des Anciens et des Modernes). Le choix et la mise en scène de ces divertissements ne seraient donc pas soumis au seul plaisir de la variatio mais motivés par une dessein plus politique. En effet, Les Divertissements de Versailles illustre de manière significative la façon dont les jardins de Versailles, à l’occasion des fêtes extra-ordinaires, organisées pour célébrer une victoire militaire, permettent au souverain de faire de son domaine une vitrine de l’Histoire, des arts et des savoirs de la France poussés jusqu’à l’excellence. Ce point nous convie alors à questionner l’ambiguïté du texte, situé à la ligne de crête entre fidélité au roi et respect de la réalité. L’interprétation de ce texte se résout peut-être si l’on prend en considération son aspect littéraire. L’auteur renforce la volonté du roi de créer des fêtes sublimes, qui dépassent l’entendement des spectateurs, voire celui des lecteurs. Agençant ces six journées estivales à la manière de metteurs en scène d’un fabuleux théâtre à machine, le roi et l’historiographe enchantent et éblouissent le spectateur par des divertissements au prestige jusque-là inégalé. Félibien parfait l’entreprise du roi en cristallisant ces divertissements d’éphémère, circonscrits dans les jardins de Versailles, en les faisant rayonner à travers l’Europe et les siècles.