Thèse en cours

Imaginaire social et légitimité démocratique, chez Charles Taylor

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Benoît Ferre
Direction : Céline Spector
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Philosophie
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2020
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Concepts et langages (Paris ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Sciences, Normes, Démocratie (Paris ; 2018-....)

Mots clés

FR  |  
EN

Résumé

FR  |  
EN

Davantage que ne le laissent apparaître Modern Social Imaginaries (2004) et A secular age (2007), l'introduction par Taylor de la notion d'imaginaire social procède d'une entreprise de fondation d'une philosophie sociale, ordonnée à une ambition fondamentale : offrir une critique sociale en mesure d'affronter les crises de légitimité démocratique dans la modernité occidentale. Pour lui, si les réponses théoriques et pratiques à ces crises restent inadaptées, c'est du fait de leur incapacité à comprendre ce par quoi une société reconnaît ou non la légitimité de ses institutions démocratiques. Cette préoccupation est un fil conducteur dans son œuvre. Pour y faire droit,, dans le contexte de ses engagements politiques dans la New Left britannique puis le socialisme canadien, Taylor s'était d'abord appuyé théoriquement sur le concept d'aliénation. Notre travail entend démontrer l'importance d'un double glissement qu'il avait opéré à cette époque (1956-1975), de l'aliénation jeune-marxienne à l'aliénation hégélienne, d'abord, et de l'anthropologie de Hegel à celle de Herder, ensuite. C'est dans le prolongement de ce retour à Herder qu'il en est alors venu à fonder une anthropologie pratique et interprétative, accordant une place essentielle au sens implicite engagé par un agent dans son action. Quelle philosophie sociale peut néanmoins être bâtie sur une telle anthropologie, une fois révoquée la perspective de la Sittlichkeit, pourtant jugée féconde pour penser les conditions de légitimité en démocratie ? Nous montrons d'abord que si Les Sources du Moi (1989) est loin d'offrir une réponse satisfaisante à cette question, c'est parce que son ambition est tout autre. Taylor y dénonce l'influence funeste de la tendance théorique à nier le rôle des orientations normatives dans la praxis humaine. Or sa philosophie sociale, progressivement élaborée dans d'autres travaux, ne se contente pas de rétablir ce rôle des valeurs partagées pour penser la légitimité. Nous montrons que Taylor a surtout tenté d'interpréter les manières d'interagir prises pour acquis par les agents dans leurs pratiques sociales. En enracinant l'avènement des formes de vie sociale et politique de la modernité dans ces interactions pratiques inédites qu'elles ont présupposées, en reconstruisant l'institutionnalisation de la modernité occidentale à l'aune de ces « imaginaires sociaux », il repense en réalité les conditions de légitimité démocratique. Dans la mesure où il fait de ces interactions pratiques un fondement de la réalité sociale plus radical que l'intersubjectivité discursive, Taylor prend ses distances avec la perspective habermassienne, avec laquelle il partage pourtant le refus d'une philosophie de la conscience. Tout en valorisant l'intérêt et l'originalité de cette refondation pratique des conditions de la légitimité, notre travail souligne le risque d'une telle critique, si elle reste immanente. Préférer les normes d'interaction pratique aux normes morales pour fonder les conditions de légitimité ne fait pas échapper au risque du statu quo. Dans le rapport à d'autres traditions critiques, nous évaluons alors si et dans quelle mesure Taylor peut être disculpé de l'accusation de rester prisonnier de l'intuition herdérienne d'un Volksgeist, qui s'accorde mal avec l'horizon moderne d'émancipation.