Thèse en cours

Étude sur les constructions détachées en français contemporain dans un corpus de textes de Jean-Paul Sartre et d'Albert Camus

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Auteur / Autrice : Yan Dong
Direction : Franck Neveu
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Linguistique
Date : Inscription en doctorat le 31/08/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Concepts et langages (Paris ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Sens, texte, informatique, histoire (Paris ; 2010-....)

Mots clés

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Résumé

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Titre : Étude sur les constructions détachées en français contemporain dans un corpus de textes de Jean-Paul Sartre et d'Albert Camus Contexte de la recherche : Bien que l'apparition du phénomène des constructions détachées remontre au moins de l'ancien et moyen français, celles-ci sont généralement refusées par les grammairiens à cause du registre familier auquel elles sont communément attachées (Gadet 1991 ; Flaux et Stosic, 2007). Ce n'est que très récemment que les recherches linguistiques s'intéressent à les décrire et analyser. Employé au départ dans le domaine rhétorique sinon stylistique pour qualifier l'incidence à distance d'un adjectif ou d'un participe circonstanciel par rapport au nom qui lui sert de support (cf. Morier, 1961 ; Dubois et al., 1973), le terme de détachement permet ainsi d'éviter l'emprunt au terme d'apposition qui est consacré pour la plupart du temps à pareil phénomène d'origine nominale. Mais les contours de la notion qu'ont dessinés les linguistes montrent que ce terme « d'usage dans le langage courant, est très vite employé pour la qualification d'autres constructions ». Si bien que la définition de Bonnard couvre une énormité des phénomènes qui pourraient s'intégrer dans les « constructions détachées », laissant une telle hétérogénéité que chacun d'entre eux mérite un travail d'Hercule pour distinguer ses propres caractéristiques, ou bien pour établir une typologie systématique et acceptable, ou bien pour analyser leur rôle et fonctionnement, ce qui rend la notion du détachement « tout à la fois surexploitée et fort peu lisible » (Neveu, 2003). L'instabilité de l'acceptation du terme détachement remet en cause sa pertinence pour qualifier les phénomènes étudiés, comme le remarque Neveu, « il s'en faut également de beaucoup que le terme de détachement soit le seul convoqué pour l'identification de ces segments » (2003). Les travaux de Neveu, lesquels rendent compte de la richesse et de la diversité des études sur les constructions appositives détachées, font ressortir quelques principaux usages de cette notion, ce qui rend opératoire une recherche approfondie. Selon Neveu (2003), le détachement sert à décrire tout à la fois : (i) dans le cadre d'une opposition conceptuelle large s'appliquant au domaine de la linéarité du discours, un phénomène très général de discontinuité syntaxique, qui, selon les approches et les types de segments visés, présuppose ou non une conception dérivationnelle de la formation des constructions ; (ii) certains faits relatifs aux positions syntaxiques (périphérie propositionnelle, extraposition, incidence, etc.) ; (iii) les opérations linguistiques dont ces faits sont censés résulter (prédication seconde, topicalisation, thématisation, rhématisation, référenciation, etc.). Sur la base de cette notion, terminologiquement, les travaux récents sur le détachement (i) le distinguent des différents modes d'appariement dans les séquences corrélatives (non) marquées, puisque les faits de discontinuité syntaxique et énonciative sont souvent regroupés sous le terme générique de détachement en fonction d'une coupure syntactico-prosodique remarquable ; (ii) provoquent « une réflexion méthodologique sur la fonction vocative, l'objectif est de mettre en perspective la syntaxe externe des termes d'adresse, rarement traitée, en la replaçant dans la problématique du détachement (de la discontinuité syntaxique) » (Neveu, 2003). Ce qui aborde les questions relatives à la connexité du segment (souvent évoquée dans les constructions détachées) en adresse avec son microcontexte. Les travaux récents sur le détachement lient souvent ce type de construction à l'opération linguistique de la prédication seconde, bien que le détachement en tant que notion « ne saurait donc marquer identité fonctionnelle » (Neveu, 2003). En fait, la construction détachée « introduit une nouvelle structure prédicative […], vient s'ajouter toujours à une prédication première dans une relation plus ou moins lâche » (Combettes, 1998). Neveu associe ces deux notions pour définir l'apposition comme « Seul semble pouvoir être reçu comme critère fiable de l'apposition, c'est-à-dire extensible à tous les types de constructions, celui de la prédication seconde marquée par le détachement » (1998b). Qu'elles soient représentées par des adjectifs, par des participes, ou par des syntagmes similaires, ces constructions détachées (i.e. apposition, adjonction, etc.) se procurent un statut d'une unité « périphérique », moins intégrée à la structure propositionnelle et moins soumise aux contraintes syntaxiques que les autres constituants (cf. Neveu, 1998a). On peut également apercevoir la même optique chez Neveu (2020), en ce qui concerne la notion d'intégration : Nous avons insisté sur le problème posé par la notion d'intégration, dans ces définitions de la prédication seconde. Puisqu'en tout état de cause l'intégration phrastique, au sens graphique, n'engage nullement l'intégration syntaxique au sens l'intégration à la structure propositionnelle, ce qu'illustrent précisément les constructions détachées – qu'il s'agisse des appositions, des dislocations, ou des vocatifs –, qui sont intégrées à la phrase graphique, mais disjointes de la structure argumentale de l'énoncé, et parfois même périphériques. Au moyen de la notion d'incidence, Neveu (2020) fournit une autre explication de cette liaison en décrivant la relation syntacticosémantique entre les deux constituants de la construction appositive : Proche de la relation attributive, l'apposition manifeste un fonctionnement incidentiel de type attributif, mais discontinu par absence de médiation verbale. Ce que marque le détachement, indiquant par là même une incomplétude syntaxique, sémantique et informationnelle, et donc une situation de dépendance à l'égard d'un autre segment linguistique, analysée en termes de prédication seconde. La formule prédicative de l'apposition rend donc le segment détaché manifestement inapte à constituer un énoncé autonome. En même temps, les mécanismes incidentiels constitutifs du segment de l'apposition rendent apparents les faits de dépendance micro-syntaxique du système appositif, et lui accordent « un comportement sémantique du segment détaché globalement qualificatif qui conduit à explorer la piste de ce que nous pouvons appeler son adjectivité. (Neveu, 2020) Objectif de la recherche : L'objectif de la recherche est de chercher à mener une investigation sur l'ensemble des phénomènes du détachement, en découvrant au contact du corpus, chaque fois qu'il apparaissait possible et opportun de le faire, leur application réelle dans le domaine littérature, et à clarifier quelques ambiguïtés en la matière. La description suivante de Neveu (2003) semble illustrer les approches de cette étude : Il y a donc à l'évidence une grande diversité d'approches linguistiques du détachement : au sens où se trouvent confrontées dans la problématique soulevée par la notion des perspectives épistémologiques différentes ; au sens où la notion et ses substituts peuvent être mobilisés dans des domaines linguistiques distincts (syntaxe, sémantique, pragmatique) ; et au sens où se trouvent ainsi caractérisés des faits de langue disparates. Les approches de la recherche sont surtout syntaxiques et sémantiques sur la base des données obtenues après une analyse globale du corpus, en ce qui concerne tant la typologie que le rôle et fonctionnement du détachement, dans l'espoir de rechercher ce qui constitue le(s) points commun(s) de ce phénomène, tout en prenant en considération leur distinction. Puisqu'«il est aisé de constater d'une part leur hétérogénéité, d'autre part la nécessité qu'elles révèlent de disposer d'une catégorie générique englobant les diverses configurations de la syntaxe non liée » (Neveu, 2003). Donc, les problèmes à traiter dans ce travail concerneraient essentiellement (i) les choix terminologiques et leurs implications méthodologiques ; (ii) le principe structurel présumé commun aux divers types de segments détachés qui justifierait leur réunion dans une même problématique syntaxique ; (iii) la connexité des segments détachés avec leur environnement linguistique ; (iv) la position des segments dans l'énoncé et la nature des opérations linguistiques associées à telle ou telle structure détachée. Une telle direction de recherche nécessite un corpus qui permettrait un examen comparé rigoureux du type et de l'occurrence, afin de procéder à des analyses précieuses non seulement de la manière verbale des constructions détachées, mais aussi de celle plus aléatoire qui forme leur environnement, selon que l'on adopte à telle ou telle étape de l'investigation une perspective phrastique ou transphrastique. Cette étude approfondie des constructions détachées se concentre non seulement sur les phénomènes linguistiques mêmes du détachement, mais aussi sur les raisons qui conduisent l'auteur à adopter un tel mode d'agencement verbal. Pour ce faire, il est nécessaire de convoquer un corpus homogène et représentatif de Sartre et de Camus. Corpus : Un tel travail exige évidemment un corpus qui puisse soutenir parfaitement l'analyse scientifique des statistiques. C'est pourquoi je voudrais faire appel aux huit œuvres (quatre œuvres pour chacun) de deux écrivains polygraphes Jean-Paul Sartre et Albert Camus tout en équilibrant leur volume et leur genre (roman, recueil de nouvelles et essai). Après une sélection bien réfléchie, je suis parvenue à lister ici ces œuvres en les classant par genre : (i) Trois romans (un de Sartre, deux de Camus) entre dans ce corpus : le roman de Sartre intitulé La Nausée est publié en 1938 ; le premier roman de Camus L'Étranger est publié en 1942 et le deuxième La Peste en 1947. (ii) Le seul recueil de nouvelles, choisi en considérant le volume de cette œuvre, sera un Sartre, intitulé Le Mur, et qui est publié en 1939. (iii) Les quatre essais dans ce corpus seront : deux essais de Sartre, intitulés L'Imagination et Baudelaire, qui sont publiés respectivement en 1936 et 1947, et deux essais de Camus, Le Mythe de Sisyphe, qui est publié en 1942, et L'Homme révolté, publié en 1951. Calendrier : Premièrement, je parcourrai minutieusement ces huit œuvres pour rétablir un aperçu général du style d'écriture de Sartre et de Camus, tout en essayant de trier et de sélectionner les différents types de détachements, et de finir les travaux de statistiques. Cette période de préparation durera 10 mois. Deuxièmement, je vais rédiger la première édition de ma thèse qui devrait occuper environ18 mois. J'ai déjà fait des recherches sur la typologie et le fonctionnement des constructions détachées pendant mes études de Master. Par conséquent, je pourrais me concentrer sur la rédaction sans souci des recherches des documents théoriques. La dernière étape durera 8 mois pour corriger et modifier le mémoire. Entre-temps, je vais tirer les leçons de cette expérience de recherche pour mieux me perfectionner et réfléchir sur le prochain sujet de mes recherches. Planification professionnelle : Dans le cadre du contrat de la bourse CSC, après être diplômée de doctorat, je devrai rentrer en Chine pour trouver un poste de professeur à l'université et pratiquer l'enseignement pendant au moins deux ans consécutifs. Bibliographie : Corpus : Camus, A., 1942, L'Étranger, Paris, Gallimard. Camus, A., 1942, Le Mythe de Sisyphe, Paris, Gallimard. Camus, A., 1947, La Peste, Paris, Gallimard. Camus, A., 1951, L'Homme révolté, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », n°15. Sartre, J.-P., 1936, L'Imagination, Paris, PUF. Sartre, J.-P., 1938, La Nausée, Paris, Gallimard. Sartre, J.-P., 1939, Le Mur, Paris, Gallimard. Sartre, J.-P., 1947, Baudelaire, Paris, Gallimard, coll. « Les Essais », XXIV. Bonnard, H., 1972, « Détachement », Grand Larousse de la langue française, Paris, Larousse. Combettes, B., 1998, Les constructions détachées en français, Gap, Paris, Ophrys. Dubois, J., et al., 1973, Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse. Flaux, N., et Stosic, D., 2007, Les constructions détachées : entre langue et discours, Artois Presses Université, Arras. Gadet, F., 1991, « Le parlé coulé dans l'écrit : le traitement du détachement par les grammaires du XXe siècle », Langue française, 89, 110-124. Morier, H., 1961, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, PUF. Neveu, F., 1996 : « La notion d'apposition en linguistique française : perspective historique », Le français moderne, 1, juin, t. LXIV, p. 1-27. Neveu, F., 1997, « Prédication seconde, zones actancielles et niveau macrosémantique – Le cas des appositions asymétriques », in B. Caron (éd.), Proceeding of the XVIth International Congress of Linguists, 20-25 july, 1997, Pergamon, Oxford, Elsevier Science Ltd. Neveu, F., 1998, Étude sur l'apposition, Paris, Honoré Champion. Neveu, F., 2000, « Quelle syntaxe pour l'apposition ? Les types d'appariement des appositions frontales et la continuité référentielle », Langue française, n° 125, p. 106-124. Neveu, F., 2003, « Présentation : ‘Détachement, adjonction, discontinuité, incidence...' », Cahiers de praxématique, n° 40, p. 7-19. Neveu, F., 2003, « Grammaire de l'adresse – Aspects de la discontinuité syntaxique », in F. Neveu (éd.), « Linguistique du détachement », Cahier de praxématique, n° 40, Montpellier, Université Montpellier III, CNRS, UMR 5475 : 27-42. Neveu, F., 2004, Dictionnaire des sciences du langage, Paris, Armand Colin. Neveu, F., 2020, L'Adjectivité. Approches descriptives de la linguistique adjectivale, Franck Neveu, Audrey Roig (éds), Berlin, De Gruyter.