Thèse en cours

Formes du comique dans les Dialogues de Giovanni Pontano : entre sources antiques et arts du spectacle

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Auteur / Autrice : Gabriele Cascini
Direction : Hélène Casanova-RobinGiuseppe Germano
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Études latines
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université en cotutelle avec Università degli Studi di Napoli Federico II
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Mondes anciens et médiévaux (Paris ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Rome et ses renaissances. Art, archéologie, littérature, philosophie (Paris ; 2006-....)

Résumé

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Les cinq dialogues latins de Giovanni Pontano (1429-1503), selon l'ordre traditionnel Charon, Antonius, Actius, Aegidius et Asinus, sont aujourd'hui évalués comme des chefs-d'œuvre de la littérature de la Renaissance. Cependant, la considération de la valeur littéraire des dialogues est une acquisition assez récente : à l'époque humaniste, en effet, la circulation du corpus s'arrête définitivement au milieu du XVIe siècle, lorsque l'expansion de la culture vernaculaire marque la disparition des grandes œuvres contemporaines en latin de la scène littéraire. Après les sept éditions publiées entre 1501 et 1520, il faudra attendre 1874 pour que le Charon soit publié en annexe d'une monographie savante de Carlo Maria Tallarigo. Pontano écrit ses dialogues sur une période de trente ans (1470-1503), tout en effectuant à Naples le cursus honorum standard d'un homme de lettres à l'époque des principautés. D'abord au service d'Alphonse Ier d'Aragon, puis de son fils Ferrante, il participe à l'ambiance fertile de la cour aragonaise, un lieu d' « irripetibili incontri di linguaggi e culture, dove coesistono livelli intellettuali assai differenziati per qualità e destinazione ». Les dialogues reproduisent cette richesse à travers une pluralité de situations dramatiques: les personnages apparaissent en tant que porteurs de visions du monde, qu'ils expriment à travers un usage différent de la parole. Le groupe des sodales appartenant à l'Accademia Pontaniana est environné de types plus extravagants et populaires, comme les musiciens, les saltimbanques et les poètes improvisateurs. La figure rhétorique de l'antiphrase, qui imprègne ces dialogues , donne un sens supplémentaire à cette pratique de représentation et autoreprésentation : le renversement, stylème que Bakhtine indique comme élément fondateur du comique tout court, conduit à une confusion des rôles, et reflète les angoisses de l'intellectuel à la recherche d'une identité. Le sujet de l'antiphrase est en effet Pontano lui-même, qui joue le rôle de l'érudit, du diplomate, du poète, du héros épique Pontius, et autres encore. Le déguisement et le renversement carnavalesques sont également une transposition littéraire des pratiques qui caractérisaient les moments codifiés et circonscrits de la festa di corte. La festa,  déjà topos bien représenté dans la comédie classique, constitue l'atelier artistique et littéraire qui conduira, au XVIe siècle, à la naissance du théâtre napolitain moderne. Le statut hybride du genre dialogique permet à Pontano de développer le discours à travers des modes dramatiques-performatifs qui reflètent, dans le texte écrit, les pratiques d'une culture encore fortement marquée par l'oralité. L'opération est menée par l'imitatio de Plaute, auteur qui connaît une renaissance après son oubli médiéval. Bien que Pontano n'ait pas écrit de comédie dans le sens classique du terme, l'humaniste concrétise une longue pratique de lecture du dramaturge antique, qui est élu au rang de véritable auctoritas. Outre les éléments plus génériquement structurels (situations comiques, temps comiques et scéniques, masques dramatiques, etc.), c'est la langue de Plaute qui a inspiré Pontano pour modeler sa propre langue, et qui montre une intention mimétique de l'oralité. Le résultat est un pastiche, riche en expressions vernaculaires ainsi qu'en néologismes et archaïsmes, marqué par une varietas désignée comme critère stylistique dominant. L'intérêt de Pontano pour le comique plautinien a une double fonction : d'une part, il témoigne du rôle de référence que Plaute assume pour un auteur humaniste à la recherche d'une langue qui ne soit pas purement classique, mais vivante, proche du parlée ; d'autre part, de manière apparemment paradoxale, il a une fonction « légitimante », puisque, par la marque de l'auctoritas, il institutionnalise un nouveau langage comique, caractérisé par sa matrice contemporaine.