Thèse en cours

LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX de LA FRAUDE FISCALE

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Auteur / Autrice : Cherif Ait belkacem
Direction : Thierry Lambert
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : En droit spécialité Droit public
Date : Inscription en doctorat le 01/11/2019
Etablissement(s) : Aix-Marseille
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole Doctorale Sciences Juridiques et Politiques
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CEFF - Centre d'Etudes Fiscales et Financières

Mots clés

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Résumé

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II. QUESTIONNEMENTS ET PROBLÉMATIQUE Le présent projet de thèse appelle trois questionnements importants : - Quelle est le traitement de la lutte contre le blanchiment de la fraude fiscale d'un point de vue juridique? continue, instantané, occulte ou autre ? Peut-on sanctionner les personnes faisant objet de fraude fiscale et de blanchiment aussi ? qu'elle est le traitement de la prescription et de la récupération des avoirs ? - Comment les textes européens prévoient la lutte contre le blanchiment de fraude fiscale ? - Comment devrait se mobiliser la communauté internationale pour lutter contre le phénomène dans un environnement hautement numérisé ? 1. BLANCHIMENT DE FRAUDE FISCALE Juridiquement, la fraude fiscale se définit comme la soustraction illégale à la législation fiscale de tout ou partie de la matière imposable d'un contribuable. En d'autres termes, le fraudeur paie peu ou pas d'impôt en ayant recours à des moyens illégaux. La fraude fiscale diffère de l'évasion fiscale et de l'optimisation fiscale. L'évasion fiscale consiste en l'ensemble des comportements du contribuable qui visent à réduire le montant des prélèvements dont il doit normalement s'acquitter. S'il a recours à des moyens légaux, l'évasion entre alors dans la catégorie de l'optimisation. À l'inverse, si elle s'appuie sur des techniques illégales ou dissimule la portée véritable de ses acteurs, l'évasion s'apparente à la fraude. Pour ce qui est de l'optimisation, il s'agit du procès qui permet d'utiliser la législation fiscale dans le but d'échapper à l'impôt par différents moyens légaux (régimes dérogatoires, utilisation de niches fiscales…). La fraude fiscale peut faire l'objet d'un blanchiment lorsque les sommes soustraites sont réintégrées dans le circuit légal. A titre d'exemple : lorsque le contribuable dépose frauduleusement des montants sur un compte bancaire, puis contracte un emprunt d'un montant similaire auprès de cette banque ou d'une de ses filiales, le prêt est remboursé à partir des sommes figurant sur le compte bancaire, tandis que le contribuable utilise cet emprunt pour investir, en toute légalité. Les sommes introduites se retrouvent, alors, réintégrées dans la sphère financière. Le blanchiment, de manière générale, nécessite la réunion de deux éléments à savoir : • L'élément matériel et ; • L'élément intentionnel Concernant l'élément matériel, il s'agit d'une opération consistant à masquer l'origine frauduleuse de tout bien résultant d'un crime ou d'un délit et pour que cet élément soit entièrement constitué, il faut que l'auteur de cette justification volontairement mensongère ait tiré profit directement ou indirectement de son mensonge. Quant à l'élément intentionnel, il est fondamental que son auteur ait eu connaissance de l'origine frauduleuse des biens ou des fonds, d'une part, mais également, qu'il ait apporté la preuve de la connaissance de l'infraction de blanchiment, d'autre part. La réunion de ces deux éléments est fondamentale afin de caractériser le délit de blanchiment. Il est nécessaire d'indiquer qu'on distingue entre le blanchiment simple et le blanchiment aggravé, cette distinction réside dans le régime de peine, selon que le délit sera considéré comme simple ou assorti de circonstances aggravantes prévues par la loi. Concernant le blanchiment simple, les personnes physiques peuvent être condamnées jusqu'à cinq (05) ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende. Quant aux personnes morales, l'amende peut aller jusqu'à la somme de 3.750.000 euros, outre des peines complémentaires. Concernant le blanchiment aggravé, trois circonstances aggravantes sont citées par l'article 324-2 du Code pénal, portant les pénalités encourues à dix (10) ans d'emprisonnement et 750.000 euros d'amende. Il y a lieu de préciser que cette infraction est plus sévèrement sanctionnée lorsque les fonds proviennent, notamment, d'un trafic de stupéfiants ou d'actes de terrorisme. Pour ce qui est du blanchiment de capitaux, il est prévu dans la définition générale de l'infraction de blanchiment énoncée à l'article 324-1 du Code pénal puisque l'élément matériel du délit de blanchiment est notamment caractérisé par « La justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus ». Le décret n° 2009-874 du 16 juillet 2009 a dressé la liste de seize (16) critères, qui peuvent donner lieu à une déclaration de soupçons de fraude fiscale de la part des professionnels, certaines opérations ont été répertoriées pour permettre de faciliter la tâche aux analystes . L'utilisation de sociétés écran, dont l'activité n'est pas cohérente avec l'objet social ou ayant leur siège social dans un État ou un territoire qui n'a pas conclu de convention fiscale avec la France permettant l'accès aux informations bancaires, identifiées à partir d'une liste publiée par l'administration fiscale, ou à l'adresse privée d'un des bénéficiaires de l'opération suspecte ou chez un domiciliataire au sens de l'article L. 123-11 du Code de commerce ; Par ailleurs, un autre aspect est intervenu ces deux dernières années, suite à l'intervention de la Cour de cassation qui a rendue de nouveaux arrêts le 11 septembre 2019, redéfinissant le blanchiment et introduisant la notion d'instantanéité dans l'infraction avec de multiples conséquences sur la prescription. Il est à indiquer qu'à la base, le blanchiment concernait le trafic de stupéfiants et le proxénétisme, et ce n'est qu'en 1996 que le législateur a créé l'infraction générale de blanchiment. C'est en fait, apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation, de conversion d'un produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. La notion de placement est assez vague, car ne traduisant pas réellement ce qu'est une opération de blanchiment, en somme, si un accusé est incriminé pour une action séparée des étapes du processus du blanchiment, soit un ensemble d'opérations destinées à effacer l'origine délictueuse du produit d'un crime ou d'un délit, le processus lui-même est perdu de vue et n'apparait plus comme la condition nécessaire à la commission de l'infraction. Ainsi, depuis les arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 septembre 2019, l'infraction n'est plus considérée comme une infraction continue et ne bénéficierait plus du retardement de point de départ du délai de prescription. Le caractère instantané ou continu d'une infraction peut avoir une incidence sur l'étendue de la saisine du juge pénal. D'après Jean-Paul Valat, ‘' les enseignements de ces arrêts sont importants, car la chambre criminelle ne s'était encore jamais prononcée sur la nature de l'infraction de blanchiment par rapport aux règles de la prescription, désormais l'infraction est instantanée, sauf cas particulier ‘'. Les affaires sur lesquelles se sont basés les arrêts posaient trois questions: ‘'Le blanchiment est-il une infraction instantanée ? Continue? Dissimulée ou occulte ?'' « Quelle est la base de calcul de l'amende professionnelle prévue par l'article 324-3 du Code pénal ? », enfin « Est-il toujours possible, au regard de l'évolution de la jurisprudence, de sanctionner la même personne pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale ?». En tout état de cause, pour David Chilstein , le caractère instantané du blanchiment est lourd de conséquences, notamment sur la prescription. Il n'existe plus d'infraction pour corruption sans blanchiment de corruption et plus de fraude fiscale sans blanchiment de fraude fiscale. A travers ces arrêts, la nature même du blanchiment se trouve métamorphosée. Ainsi, des réponses sont à apporter aux quelques questions suivantes : - Le délit de blanchiment est-il une infraction instantanée ou continue ? - Que différencie le délit de blanchiment des autres types de délits tel que le recel ? - Le délit de blanchiment est-il une infraction occulte par nature ? - Quelles sont les sanctions financières du blanchiment de fraude fiscale et l'assiette de l'amende proportionnelle liée au délit de blanchiment de fraude fiscale ? 2. BLANCHIMENT & DROIT EUROPEEN Le blanchiment était au cœur de la politique pénale européenne depuis les années 80 en faisant l'objet d'un activisme normatif sans précèdent, plusieurs conventions et traités internationaux des Nations Unies ont vu le jour, sans oublier les décisions-cadres, règlements, lignes directrices, livres vert et directives adoptés par l'UE. En ce qui concerne l'UE, le dispositif est divisé en deux volets ; préventif et répressif : 1. Le volet préventif est basé sur la consolidation de la 4ème et la 5ème directive de lutte contre le blanchiment, ce volet accorde beaucoup d'importance au principe du KYC et à la notion du risque. 2. Le volet pénal est consacré dans la 6ème directive d'octobre 2018, qui vise à renforcer les mesures de la décision cadre de 2001 consacrant l'identification, le dépistage, le gel des avoirs, la saisie et la confiscation. Pour rappel, ces principes ont déjà été cités dans la convention de Strasbourg de 1990. Pour Silvia Allegrezza « le blanchiment est une infraction générale, distincte et autonome. Le renforcement du dispositif répressif est assuré par la 6ème directive par l'émancipation du blanchiment de son infraction primaire, ce qui entrainait une difficulté de causalité. Elle se réjouit que la directive permette une harmonisation de sanctions et tente d'améliorer la mise en œuvre de la lutte contre le blanchiment, en élargissant enformèrent la compétence obligatoire des Etats membres ». En effet, chaque fois qu'une infraction primaire est commise à l'étranger et si une partie du blanchiment a été commise dans un Etat membre, ce dernier reste toujours compètent en matière de poursuite. Cependant, il est nécessaire de rappeler l'existence des faiblesses dans la procédure, notamment sur ‘' la circulation des informations entre les cellules de renseignement financier des différents pays pénalisant ainsi la mission des analystes et des autorités pénales ‘'. 3. LE NUMERIQUE, UN ATOUT OU UN OBSTACLE POUR LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT ? Comment établir la compétence dans un système numérique globalisé ? ;  Quelles mesures d'enquête pour les analystes ? sont-ils outillés pour mener leurs missions ?; les règles du Code pénal sont-elles adaptées aux nécessites de la justice numérique ? La problématique est basée sur la difficulté d'identifier les bénéficiaires du service et les auteurs de l'infraction de blanchiment et du délit en ligne, ce qui permettra de déterminer la compétence de la justice pénale européenne à travers la proposition d'injonction européenne de production de conservation des preuves électroniques. Il est clair que le blanchiment a changé avec la mise en circulation de la crypto monnaie, qui utilise la technologie de la blockchain et la cryptographie pour dissimuler l'identité du bénéficiaire effectif et les auteurs de l'infraction. Devant ce phénomène, la communauté internationale se doit de proposer les solutions normatives et règlementaires idoines. Le problème dans l'utilisation de la crypto monnaie réside dans le fait que les données des transactions sont conservées dans des ordinateurs interconnectés. Une fois que la transaction est validée, le bénéficiaire peut convertir ses bitcoins en la monnaie qu'il désire (dollars ou autres monnaies) ou bien les conserver dans un portefeuille virtuel qu'il peut lui-même administrer . ‘' Au niveau européen, la 5ème directive parle des crypto monnaies de façon négative en affirmant qu'elles ne sont émises ni par une banque centrale ni par une autorité publique et ne possèdent pas le statut juridique de monnaie ou d'argent. Sans oublier que leur convertibilité n'est pas garantie pas la loi, mais sujette à des taux fluctuants ‘' . Certains proposent de charger les prestataires de services d'échanges pour assujettir ces contribuables et les amener à s'acquitter de leurs dus, en effet, ce sont eux qui sont en procession des adresses internet Protocol ‘'IP adress'' . Alors que tous les systèmes préventifs se basent sur la dénonciation, le registre des bénéficiaires effectifs, le know your customer et imposent ces contraintes aux professionnels du secteur financiers, qui faut- il assujettir aux obligations dans le cas de l'absence de tiers? Pour Silvia Allegrezza, « face à la décentralisation vers le privé, il faut se focaliser sur le véritable point de contact». Dans son manuel de 2015 sur le traitement de la crypto monnaie dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, le GAFI demande à tous les pays de forcer les fournisseurs de service de monnaie virtuelle à se doter de licences, les obligeant à fournir les données relatives à leurs transactions . Avec l'avènement de l'intelligence artificielle et les différentes avancées digitales, aux autorités de tirer parti de ces prouesses et d'organiser la lutte contre le blanchiment de la fraude fiscale à travers, notamment, une assistance accrue basée sur l'identification des prestataires de service, détenteurs des adresses IP des fraudeurs. Cette lutte verra les technologies informatiques et les techniques de recherches policières se côtoyer pour l'identification des auteurs de blanchiments de fraude fiscale. En conclusion, ma problématique sera axée sur le traitement des aspects juridiques du blanchiment de fraude fiscale (la prescription du délit, les moyens dont disposent les partenaires lésés pour récupérer leurs avoirs issues du blanchiment), les outils et les mesures prises par les Etats et la communauté internationale (une étude comparée sur les réglementations des différents pays membre du GAFI) pour lutter efficacement contre ce phénomène Il s'agira de démontrer l'ampleur du phénome au plan international et l'importance de la coopération internationale dans cette lutte. Enfin il a été décidé de proposer un plan en deux parties.