Du corps imperceptible au corps réversible: scénographies chorégraphiées du corps dans le théâtre irlandais contemporain.
| Auteur / Autrice : | Sophia Mallek |
| Direction : | Hélène Lecossois, Élisabeth Angel-Perez |
| Type : | Projet de thèse |
| Discipline(s) : | Langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes |
| Date : | Inscription en doctorat le 04/10/2023 |
| Etablissement(s) : | Université de Lille (2022-....) |
| Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de l'homme et de la société (Lille ; 2006-....) |
| Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'Etudes en Civilisations, Langues et Lettres Etrangeres |
Résumé
La recherche s'inscrit autour de la question corporelle sur la scène théâtrale irlandaise spécifiquement, car l'Irlande entretient avec ses corps (national, politique, organique, ceux des Irlandais eux-mêmes) un rapport ténu. Le corps serait, en effet, le lieu de l'inscription d'une identité gaélique irlandaise ; un territoire où il serait possible de revendiquer une identité propre. Toutefois, l'unique présence du corps sur scène n'est pas constitutive d'une identité. Un corps pour être vecteur d'identité doit nécessairement s'appuyer sur une histoire, un récit qui se révèle sur scène à travers la gestuelle, l'amplitude des mouvements, la libération kinésique. L'identité corporelle des Irlandais exige une médiation que seule la scène- espace culturel privilégié de la re-présentation- offre. C'est autour de ces questions, d'immédiateté, d'indirection et de médiation que nous souhaiterions faire émerger une discussion autour des perceptions multiples et dérobées du corps sur la scène théâtrale irlandaise contemporaine. Le corps, s'il est présent sur scène, n'est présent qu'à la vue du spectateur ; il se révèle du point de vue optique, mais non du point de vue perceptif. Cette différence entre vision et perception du corps sur la scène irlandaise intéresse notre recherche, qui ambitionne de démontrer comment la scène théâtrale contemporaine irlandaise parvient à dépasser l'imperceptibilité du corps- à différencier de l'invisibilité- dans ses représentations traditionnelles pour faire surgir le perceptible, qui n'est pas toujours proprement visuel, mais relève parfois d'une conception abstraite, repensée et réinventée du corps qui tend à extraire certains éléments isolés de la perception pour reconstruire et redéfinir un corps aux limites du perceptible. Ainsi, la déconstruction du corps traditionnel permettrait le passage d'un imperceptible vers un réversible, c'est-à-dire vers un corps réimaginé au moyen de la métamorphose performative, par exemple. Le théâtre irlandais contemporain s'appuie précisément sur cette volonté de transformer le corps, de lui conférer un sens nouveau, qui abolirait les limites de l'organique, notamment par l'intégration de nouvelles technologies sur la scène inscrivant ce nouveau théâtre dans un processus de posthumanisation. La mise en scène du corps irlandais, en particulier chorégraphique, est un terrain de jeu idéal pour explorer les différents phénomènes de révélation et d'apparitions corporelles, afin d'esquisser le cheminement vers lequel la transformation de l'imperceptible vers le perceptible s'effectue. Il est important de rappeler combien la corporéité est au cur de la pensée celtique, qui est animée par ce phénomène d'apparition du corps dans une alternance de vide et de plein. A travers l'étude de plusieurs productions contemporaines irlandaises, inscrites dans la performance d'un corps à la fois politique, organique, esthétique et linguistique, il s'agira d'explorer les relations qu'entretient le corps sur la scène avec les arts visuels et les arts vivants. Notre recherche s'intéresse aux limites du corps organique mais aussi de son caractère visible/invisible sur la scène. La scène contemporaine se définirait ainsi comme le lieu d'une révélation des aspects insoupçonnés d'une corporéité irlandaise, qui passerait de l'imperceptible au réversible, au moyen notamment de la métamorphose scénique, inspirée par la pensée et l'art celtiques. En effet, pensée du mouvement, mais aussi de l'invisible, les arts celtiques sont habités par une forme de théâtralité que nous nous proposons d'intégrer à notre étude du corps. Les arts visuels ainsi que l'exploration des limites de la vision visuelle - à distinguer en ce sens de la perception- du corps sur scène permettront de s'intéresser à des performances chorégraphiques ancrées dans un dépassement du corps biologique à travers une approche transhumaniste. Thèse qui se propose d'explorer, à partir d'une lecture intermédiale et interdisciplinaire (théâtre,études de la performance, pratiques chorégraphiques, histoire de l'art et approche phénoménologique) originale; les différentes mises en corps de la corporéité contemporaine irlandaise. L'approche chorégraphique, à la lumière d'une lecture transhumaniste, inscrit notre projet de recherche dans une perspective de réappropriation de ce que nous définirons comme 'la corporéité irlandaise et celtique'' ancrée dans une contemporanéité qui reste à définir. L'intégration de la danse et des nouvelles technologiques sur la scène contemporaine répondrait à la recherche quasiment ontologique, si ce n'est catabatique, des metteurs en scène et dramaturges irlandais contemporains d'une identité celtique ancestrale. La danse et l'hybridation du corps chorégraphié, s'exprimant à travers des métamorphoses plastiques et performatives, correspondraient à la recherche d'une identité enfouie dans un passé ancestral. La lecture offerte par un croisement avec l'histoire de l'art visuel celtique confère à notre recherche un point de départ à cette enquête ou plutôt reconquête décoloniale des corps irlandais.